Critique : Le Diable s'habille en Prada

Flore Geffroy | 6 juillet 2006
Flore Geffroy | 6 juillet 2006

The Devil Wears Prada doit son point de départ à Lauren Weisberger, qui narra dans un livre éponyme son expérience d'assistante auprès d'Anna Wintour, directrice de fer de la rédaction du magazine Vogue. Dans le film, Vogue s'est métamorphosé en Runway, Lauren en Andrea, et Anna Wintour en Miranda Priestly. Voilà donc posés les principaux protagonistes, qui évoluent dans un milieu de paillettes et de fringues dorées : la presse de luxe pour des produits de luxe dans un milieu de luxe. Ah ! La mode !

Ainsi donc, la petite timide de départ, vilaine Cendrillon mal fagottée et mal chaussée, entre comme assistante au palais de madame la reine, femme-dragon autoritaire, froide et désagréable. Notre oie blanche souillon, plus baba cool que prout-prout ma chère, va en baver des ronds de chapeau, sans se départir pour autant de sa bonne humeur et de son entrain (c'est ça, être jeune), face à une vieille féroce mais classe. Autant l'avouer tout de suite, Meryl Streep en peau de vache absolue de raideur est une vraie jubilation. À tel point qu'on se demande même s'il n'aurait point été plus judicieux de centrer le film sur elle, tant elle est formidablement détestable, plutôt que sur la mièvre donzelle qui « ose » tenir le choc face à elle. Anne Hathaway semble avoir gardé aux petons les escarpins d'Un Mariage de Princesse. Mignon, certes, mais guère enthousiasmant.

Deux mondes, deux milieux, deux générations aux antipodes l'une de l'autre, donc. Le face à face s'articule dans un premier temps avec un humour certain, voire presque prenant : l'arrogance de l'ayatollah contrée par la candeur de la béotienne ; des dialogues qui font souvent mouche ; des situations pas mal vues sur la vanité du milieu, le tout avec un recul narquois mais pas encore cruel ; des personnages secondaires parfois croustillants à défaut d'être rutilants. Cerise sur le gâteau : une critique – légère, n'exagérons rien – sur la dictature des apparences. Oyez, braves gens : oui, l'habit fait le moine.

Et puis le ton se gâte, le rythme se casse, tout part à vau-l'eau dès lors que la belle qui s'ignore commence sa métamorphose en princesse de plus en plus sûre d'elle. Et s'attire, exploit in-cro-yable… les bonnes grâces de la dame de fer. Notre Cendrillon du XXIe siècle tombe sous le charme d'un journaliste influent. Elle part à Paris pour un important défilé de mode… l'occasion de se farcir quelques malheureux clichés de la vie parisienne. Une scène, une seule, est sauvée par Meryl Streep. Assise sur un canapé de sa chambre d'hôtel, elle porte une infâme robe de chambre couleur serpillère. Sans maquillage, défaite, elle met à nu son personnage, livrant, en une poignée de minutes, toute son insoupçonnable souffrance. Eclair isolé, car depuis longtemps, le tout s'étire et s'étiole. Ça sent le remplissage plan-plan, avec une fausse volte-face suivie d'une vraie, dont, franchement, on se fiche royalement. À se demander même si le scénario n'a pas été terminé avec un manche de pioche… Un film bêtement décevant, qui ne vaut que pour Meryl Streep.

Flore Geffroy à Los Angeles et en sandales

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