Critique : L'Éclaireur

Il est bon parfois de placer la trame de son film dans des lieux insolites et loin des villes classiquement usées et reusées. Djibril Glissant l'a fait en choisissant de tourner entièrement son film à Saint Denis, ville qui prend sous sa caméra une dimension onirique loin des diktats inhérents à la banlieue. À partir de ce décor fictif intriguant et d'une histoire pour le moins étrange, à la lisière du fantastique, le cinéaste créé une œuvre singulière qui fascine tout d'abord par sa chartre esthétique tranchée. Les cadrages sont graphiques et fidèles à la culture des bandes dessinées. Les lignes s'affinent, se creusent, s'obscurcissent pour naturellement accueillir la présence des ombres. Les couleurs et la lumière s'associent parfaitement pour recréer une ambiance prenante et vraisemblable.

Si le malaise s'installe indiciblement, il manque à L'éclaireur une assise scénaristique moins hermétique pour lui permettre d'atteindre le côté culte auquel il aspire à bien des égards. Trop réfléchi, pas assez actif, trop plastique, pas assez mouvementé, trop philosophique, le film de Djibril Glissant s'avère trop cérébral. Le délire n'est pas mené jusqu'au bout. Si les ingrédients du super héros sont plus ou moins respectés, cela reste toujours trop abscons. En théorisant avant tout sur le processus du changement au lieu de lui préférer les effets engendrés par la transformation, Glissant fait fausse route et ramollit considérablement son récit.

Néanmoins, L'éclaireur confirme le talent certain de son réalisateur qui aura eu aussi l'excellente idée de s'associer à des acteurs remarquables. L'excellente interprétation de Jackie Berroyer en père/prof ainsi que celle de Grégoire Colin sont ainsi pour beaucoup dans le charme du film. Un film qui malgré ses évidents défauts, intrigue suffisamment pour que des spectateurs éclairés fassent une petite visite à la Saint Denis du pantherman.