Butcher’s Crossing : critique du (faux) The Revenant de Nicolas Cage

Par Mathieu Jaborska
16 décembre 2023
MAJ : 25 décembre 2023

Bientôt à l’affiche de l’étonnant Dream Scenario, le grand Nicolas Cage joue les chasseurs de bison dans Butcher’s Crossing réalisé par Gabe Polsky sur Canal+. Une adaptation du roman de John E. Williams, célèbre pour ses descriptions naturelles, qu’on a eu vite fait de comparer au The Revenant de Alejandro González Iñárritu. À tort. Attention, légers spoilers !

Butcher's Crossing : critique du faux The Revenant de Nicolas Cage

Bison Butés

La promotion elle-même a eu tendance à forcer la comparaison avec la machine à Oscars d’Iñárritu, via par exemple une affiche assez équivoque. Toutefois, non seulement Cage n’est pas le héros de cette histoire, mais celle-ci contourne soigneusement les codes du survival, au risque de décevoir une partie des spectateurs, venus voir le comédien recoudre ses plaies avec les dents. D’ailleurs, sa réception aux États-Unis a été plutôt tiède.

Pourtant, tous les ingrédients étaient là : au fin fond d’un Colorado sauvage, un jeune enthousiaste (Fred Hechinger, vu dans The pale Blue Eye) rejoint un chasseur vétéran (Nicolas Cage, impeccable) et ses acolytes instables dans la quête d’un troupeau de bisons extraordinaire.

 

Butcher's Crossing : photo, Nicolas CagePremières images de l’adaptation de God of War 2018

 

Certes, l’expédition va mal tourner, mais ce n’est pas ce qui intéresse le plus le réalisateur Gabe Polsky et son co-scénariste Liam Satre-Meloy. Avec une patience apparemment héritée du roman, ils s’attardent principalement sur le voyage (les amateurs de beaux paysages seront aux anges), mais surtout sur la chasse menée par un vieux briscard obsédé par ses proies.

L’ambition est donc moins d’éprouver les protagonistes que de souligner leurs rôles respectifs dans le massacre des bisons, dont un carton placé juste avant le générique vient rappeler l’ampleur. Quant aux divers problèmes qu’ils rencontreront, ils sont surtout des conséquences de leurs lubies, aggravées par une nature revancharde.

 

Butcher's Crossing : photo, Nicolas CageLord of war

 

Animal Kingdom

Rien de bien original, mais un refus de respecter les codes du spectacle hollywoodien fort à propos, puisque les personnages sont complètement inconscients de ce qu’ils représentent dans cette entreprise d’éradication. Les Indiens expriment leurs courroux, mais ne se montrent pas eux-mêmes, l’eau ne manque que quelques jours, les animaux se laissent décimer sans s’affoler… Tout ce qui pourrait transformer le film en western d’action trépidant ne fait qu’effleurer la petite troupe, constituant en réalité le véritable élément perturbateur. Une idée qu’on devine recopiée sans grande audace du livre, mais qui fonctionne pour peu qu’on accepte son minimalisme.

La vraie force du scénario apparait dans sa conclusion, elle aussi anti-spectaculaire, mais d’une ironie morbide. Personne n’échoue dignement dans Butcher’s Crossing. Les brutes disparaissent hors champ, entrainées par leur propre avarice. Les autres vivent assez longtemps pour voir l’économie qu’ils perpétuent se retourner contre eux. Encore une fois, le conflit nait toujours d’un système prédateur, alors en train de dévorer la faune américaine, puis de broyer ceux qui l’ont aidé à le faire.

 

Butcher's Crossing : photoLe cheval, c’est pas génial

 

En ressort donc une description scolaire, quoiqu’efficace des débuts du capitalisme cher à l’Oncle Sam, qui vient non seulement piller la nature, mais refuser à l’amateur de divertissement yankee sa dose d’adrénaline. Ni la baston finale, remplacée par un constat cruel, ni la réunion amoureuse, fantasmée dans l’entre-soi masculin, n’auront lieu. Dommage que la mise en scène n’appuie pas plus franchement cette frustration, pour faire de Butcher’s Crossing non pas seulement une bonne adaptation, mais un grand film désespéré.

Butcher’s Crossing est disponible depuis le 16 décembre sur MyCanal

 

Butcher's Crossing : Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Une adaptation assez programmatique, mais qui parvient néanmoins à éviter les poncifs du survival pour mieux se concentrer sur l'ironie morbide d'un capitalisme américain en pleine explosion.

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Rocambol30

Un navet de plus pour Nico , avec un doublage des plus crispant , une confirmation de la dégringolade annoncée du cinoche Americain……

The Riddler

Par contre, savons nous pourquoi c’est Nicolas Marié et non Dominique Collignon Maurin qui double Nicolas Cage dans ce film ?

Cidjay

Bah, l’ayant vu hier, jai trouvé ça (étonnamment) pas mal du tout !
Une assez bonne surprise !

Náin

« Dommage que la mise en scène n’appuie pas plus franchement cette frustration, pour faire de Butcher’s Crossing non pas seulement une bonne adaptation, mais un grand film désespéré. »

La phrase qui résume probablement tout. J’ai beaucoup aimé, mais on ne peut s’empêcher, au vu de certaines séquences et l’effort de montage approprié, que le réalisateur n’a pas su ou voulu aller assez loin, ce qui est dommage. Les séquences en question sont bonnes, mais trop courtes pour être excellentes.

Et Nicolas Cage fait (enfin) honneur à son talent.

moi m'aime

Cette bonne adaptation me ravie déja.