Leo : critique d'un blockbuster survolté

Clément Costa | 25 octobre 2023
Clément Costa | 25 octobre 2023

Un an après la claque Vikram, le cinéaste Lokesh Kanagaraj s’allie à la superstar Vijay pour continuer de proposer un cinéma d’action nerveux et enragé avec Leo. Est-ce que l’événement est à la hauteur des attentes ?

LES PROMESSES DE L’OMBRE

Avec cinq longs-métrages réalisés en six ans à peine, Lokesh Kanagaraj s’est rapidement imposé comme un cinéaste majeur du cinéma d’action à Kollywood. Sa filmographie a pris un tournant passionnant depuis 2019 avec Kaithi puis Vikram qui constituent les bases de son univers étendu personnel, le bien nommé LCU (Lokesh Cinematic Universe). Leo est donc le troisième opus de cet univers et nous présente un tout nouveau personnage incarné par Vijay, superstar adulée du public tamoul.

Le LCU a l’avantage d’être toujours abordable pour un public non initié, le cinéaste se contentant pour le moment de simples clins d’œil réservés aux fans attentifs. L’autre immense qualité de cet univers est sans aucun doute le style de son auteur. Mise en scène millimétrée, sens du découpage redoutable et séquences d’action immersives à couper le souffle, on comprend aisément pourquoi Lokesh Kanagaraj est devenu une référence du genre en Inde.

 

Leo : photoLeo : Parabellum

 

Avec Leo, le réalisateur va librement piocher du côté de A History of Violence en suivant un homme de famille au quotidien bien rangé qui se retrouve au cœur d’une spirale violente. Mais loin de verser dans le remake voire le plagiat, ce blockbuster tamoul s’empare de l’histoire pour livrer un récit sombre et bien plus nerveux. On retiendra du premier acte la séquence du café ainsi que celle du marché, deux démonstrations brillantes de tension et d’ultra-violence. Plus généreux encore, le deuxième acte enchaîne à un rythme fou les séquences d’action toutes plus viscérales les unes que les autres.

Pour venir compléter la caméra toujours en mouvement du cinéaste, on retrouve avec plaisir le compositeur Anirudh sur une bande-originale enragée. Le jeune prodige n’arrive pas à égaler ses partitions endiablées de Vikram ou du récent Jawan, cependant il compose un thème principal complètement fou et permet à Vijay d’enflammer l’écran sur le titre "Naa Ready".

 

Leo : photoUn film qui casse des bouches (littéralement)

 

BAD ASS

Il ne fait aucun doute que le technicien Lokesh Kanagaraj nous éblouit une fois de plus. En revanche, on ne peut pas en dire autant de son scénario. Si Leo apparaît comme étant aisément le volet le plus faible du LCU, c’est en grande partie à cause de son écriture inégale. Le récit est bien moins fluide et intense que pour les deux précédents volets. On traverse tout d’abord une première demi-heure en dents de scie, parasitée par un procès aussi expéditif que superficiel.

Une fois la narration enfin lancée sur de bons rails, de nombreux raccourcis scénaristiques douteux viennent alourdir le rythme. La faute notamment à des antagonistes trop peu caractérisés, dont on comprend mal les motivations. Même le charisme de Sanjay Dutt (K.G.F : Chapter 2, Agneepath) qui s’éclate comme toujours à jouer les pourritures ne suffit pas à sauver les meubles.

 

Leo : photoT'as pas une gueule de porte-bonheur

 

Si le deuxième acte parvient à gommer bien des défauts grâce à son rythme tonitruant et ses séquences spectaculaires, il souffre d’un enjeu limité et répétitif. Pendant près de 1h30, le spectateur est censé se questionner au sujet de la potentielle double identité du héros Parthiban ou Leo Das. Un motif qui pourrait fonctionner si seulement tout n’était pas cousu de fil blanc. Le long-métrage se contente de tirer sur une corde déjà usée pour une surprise finale qui n’en est pas une.

Dernier écueil surprenant, Leo manque d’exigence du côté des effets spéciaux. Les animaux numériques particulièrement laids, notamment une hyène qui introduit le héros dans une séquence étonnement fade, nous rappellent à quel point ceux de RRR étaient réussis. En fin de film, une course-poursuite nocturne est également gâchée par un rendu numérique indigne d’une telle super-production. Venant d’un cinéaste aussi perfectionniste et exigeant que Lokesh Kanagaraj, ces défauts ont vraiment de quoi désarçonner.

 

Leo : photoMieux vaut dormir en attendant la prochaine baston

 

LE ROI LEO

Ce troisième opus du LCU échoue peut-être sur plusieurs aspects, il est cependant difficile de ne pas saluer la prise de risque radicale du cinéaste. Plutôt que de répéter à l’infini une recette qui a fait ses preuves, Lokesh Kanagaraj présente ici un renouvellement total de ses thématiques. Après avoir esquissé des personnages troubles, en proie aux doutes, il s’attaque cette fois-ci à un véritable anti-héros. Avec ses cheveux gris mal coiffés, sa lutte pour rester banal et sa voix timorée, Parthiban ne ressemble pas du tout aux héros indiens de ces dernières années.

Plus encore, le réalisateur confère à son protagoniste atypique une aura étrangement menaçante. Ses explosions de violence n’ont rien d’héroïque. L’aspect pulp débridé de Vikram est absent ici et cède sa place à une brutalité bien plus viscérale. Un flash-back tentera bien d’ajouter une touche de masala mais Leo aborde les pulsions violentes de son héros comme une sorte de Dr. Jekyll et M. Hyde.

 

Leo : photoLast Action Hero

 

Cette bascule plus sombre se traduit visuellement avec l’arrivée d’un nouveau directeur de la photographie, Manoj Paramahamsa. Ce dernier opte pour des couleurs froides et un cadrage plus anxiogène, loin du travail flamboyant de Girish Gangadharan sur Vikram. En résulte un film à l’esthétique volontairement austère, qui prend le risque d’être mal-aimable dans sa violence chirurgicale.

Le renouvellement artistique est également une prise de risque totale pour l’acteur Vijay. Habitué aux rôles relativement lisses qui ne l’utilisent que comme le demi-dieu qu’il est censé être pour le public tamoul, il s’abandonne cette fois-ci à une véritable vision d’auteur. Lokesh Kanagaraj l’utilise à contre-emploi et parvient à extraire une facette insoupçonnée d’une superstar qui s’efface enfin derrière son personnage.

Le pari n’est peut-être pas totalement remporté mais ce Leo, en plus d’offrir certaines des séquences les plus folles de l’année, donne tout de même sacrément envie de voir où cet univers étendu va bien pouvoir nous conduire.

 

Leo : photo

Résumé

Sans atteindre le niveau de Kaithi ou Vikram, ce Leo offre tout de même une nouvelle illustration de la brillance technique de Lokesh Kanagaraj. On retiendra un blockbuster d'action imparfait, mais terriblement agressif et généreux. Une nouvelle preuve que les industries indiennes proposent un cinéma bourrin que personne ne peut égaler.

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commentaires
DasBadass
31/10/2023 à 10:41

Meilleur film de l'année, j'ai adorer. Le cinéma Indien c'est quelques chose quand même.

Serievore
25/10/2023 à 12:28

Petso, je me suis ennuye

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