Avatar 2 : La Voie de l'eau – critique d’une nouvelle révolution

Antoine Desrues | 14 juin 2023 - MAJ : 15/06/2023 08:39
Antoine Desrues | 14 juin 2023 - MAJ : 15/06/2023 08:39

Treize ans. Treize ans depuis que nos yeux ont découvert, agrémentés de lunettes 3D, Avatar et l’univers extraterrestre de Pandora. La révolution technologique de James Cameron a beau avoir divisé, son impact sur l’imaginaire collectif et sur l’industrie est encore vivace. De retour avec le tant attendu Avatar 2 : La Voie de l'eau, le réalisateur de Titanic est-il parvenu à transformer l’essai, alors que d’autres suites sont déjà en route ?  

Attention : légers spoilers.

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Boîte de Pandora

“Le plus grand danger de Pandora, c’est d’en tomber éperdument amoureux”. Si ces mots sont prononcés par Jake Sully dans les premières secondes d’Avatar 2, difficile de ne pas les mettre dans la bouche d’un James Cameron entièrement dévoué depuis plus de quinze ans à la planète imaginaire. Au-delà du contrôle total qu’il exerce sur cet univers virtuel et sa peinture, le réalisateur démiurge semble animé par la fougue des premières fois, comme lors de la claque qu’avait été sa première escapade chez les Na’vi.

 

 

La double prouesse de La Voie de l’eau réside dans ce paradoxe : rien n’a changé, et pourtant, tout a changé. L’héritage du premier film est toujours aussi prégnant, et la sensation d’être en terrain connu confirme à quel point la révolution de 2009 a été en avance sur son temps. Néanmoins, par une simple cicatrice sur la peau de Neytiri, par la subtilité d’une expression faciale et par la richesse photoréaliste du moindre centimètre carré de décor, Avatar 2 redéfinit la notion de cinéma virtuel.  

 

Avatar : La Voie de l'eau : photoLa majesté du cinéma de Cameron en un plan

 

Bien sûr, le grand spectacle cameronien en est plus impacté que jamais (et ça ne traîne pas, comme l’atteste cette hallucinante attaque de train sortie d’un western sous stéroïdes), mais la démarche du réalisateur est ailleurs. Tout est dans le sens du détail, quasi indiscernable et sublime, qui se dégage de chaque image, pour insuffler la vie dans les corps de ces extraterrestres numériques.

On pourrait résumer Avatar 2 à ce plan, en apparence anodin, où Jake (Sam Worthington), Neytiri (Zoe Saldana) et leurs enfants se retrouvent dans une grande embrassade familiale, sans jamais qu’on ne questionne la tangibilité de leur proximité physique, et encore moins l’émotion qui se lit sur chacun des visages.

À vrai dire, tout le cinéma de Cameron est concentré dans cet instant, où la technologie, bien que flamboyante, s’efface au profit de ce qui a toujours été la priorité du cinéaste : la limpidité de ses images en mouvement, de leur enchaînement, et de la narration qu’elles servent. Pour cela, il est épaulé par la magie du HFR (High Frame Rate), cette augmentation du défilement d’images qui offre à ses plans une fluidité rare. Là où Peter Jackson (Le Hobbit) et Ang Lee (Gemini Man) ont subi l’indifférence ou le rejet des spectateurs, Cameron a cracké le code en alternant les 24 images par seconde traditionnelles avec 48 images par seconde, de sorte à acclimater l’œil de son public à cette évolution essentielle du septième art.

 

Avatar : La Voie de l'eau : photoQuand quelqu'un compare Avatar à Pocahontas

 

Oops, He Did It Again

Dès lors, le monde d’Avatar 2 semble s’offrir à nous avec une lisibilité nouvelle, nous plongeant au cœur d’une expérience extra-sensorielle qui soutient au passage une 3D exemplaire. Mais il serait réducteur de ne voir dans le HFR qu’une affèterie technique, tant le procédé magnifie le propos de cette suite. Si le premier Avatar abordait son discours écologique avec pédagogie et espoir (ce qui peut expliquer les nombreuses railleries à son sujet), La Voie de l’eau n’a plus ce luxe.  

La fuite en avant de Jake est à l’image de l’urgence politique captée par Cameron, et qu’on ressent autant dans le rythme soutenu du métrage que dans le désespoir très contemporain qu’il met en scène. Cette fois, les humains ne sont pas de retour pour un minerai rare, mais parce que la Terre est condamnée. Nous avons trop longtemps fermé les yeux, et repoussé la date butoir de notre auto-destruction. En comblant les béances du 24 images par seconde, le HFR nous fait comprendre que cette apathie n’est plus possible, que nous ne pouvons plus refuser de voir la catastrophe écologique à nos portes.  

 

Avatar : La Voie de l'eau : photoJ'adore l'eau. Dans 20-30 ans, elle sera uniquement en CGI

 

Jusque-là, la carrière de James Cameron a d’ailleurs dépeint des mondes aux abords de la guerre, du Jugement dernier des Terminator au risque d’apocalypse d’Abyss en passant par le Titanic, ce symbole de l’industrialisation triomphante qui ne se voit pas foncer vers l’iceberg qu’est le XXe siècle et ses guerres mondiales.

Avec Avatar 2, Cameron franchit une barrière qui devrait à elle seule tirer la sonnette d’alarme. La diplomatie et la préservation du statu quo ne sont plus une option, et le pacifisme des Na’vi se retrouve mis en question, de sorte à complexifier ce qui pouvait s’apparenter à une forme de manichéisme dans le premier volet, où une seule bataille suffisait à sauver le monde, et à repousser l’envahisseur.

 

Avatar : La Voie de l'eau : photoOn attend déjà religieusement Avatar 3

 

La folie des hommes (et de James Cameron)

À partir de là, toute la toile de métaphores du cinéaste se révèle au service de ce postulat, surtout lorsque la famille Sully part se réfugier auprès des Metkayina, un peuple de l’eau qui réveille chez Cameron sa passion de l’océan et de ses profondeurs. Bien sûr, il convient de s’attarder sur la beauté sidérante des séquences sous-marines, dont la qualité du rendu n’a d’égal que la richesse de sa faune et de sa flore.  

Mais une scène en particulier mérite qu’on s’y attarde : Lo’ak, l’un des fils de Jake et Neytiri, sympathise avec un Tulkun (une baleine de Pandora) qui l’invite à entrer dans sa bouche, telle une relecture du mythe de Jonas. Or, dans la Bible, Jonas se fait avaler par “un poisson géant” parce qu’il a fui la mission que Dieu lui a confiée (prévenir Ninive, une cité décadente, de sa fin proche). 

Cameron a toujours été brillant pour réinterpréter et mixer des récits fondateurs pour en révéler l’universalité, mais Avatar 2 le fait au travers d’une mosaïque plus désenchantée, faisant de Jake, de sa descendance et du réalisateur lui-même des annonciateurs de l’apocalypse (comme Jonas) qui rejettent cette responsabilité, jusqu’à ne plus pouvoir.

 

Avatar : La Voie de l'eau : photoThis is the end

 

Pas étonnant que l’auteur marque son grand retour sur grand écran comme la fin d’une époque, symbolisée par la nature de maxi best of d’une œuvre qui reprend les motifs les plus importants de sa filmographie. La Voie de l’eau mobilise forcément le souvenir d’Abyss, mais convoque également Titanic dans son climax spectaculaire. Comme si l’histoire se répétait, un bateau endommagé devient à nouveau le théâtre d’enjeux intimes, tout en encapsulant un monde qui s’écroule sur lui-même.  

Cette réécriture passionnante permet surtout à Cameron de rappeler qu’il est un maître absolu de l’action, dont le découpage et les idées situationnelles sont toujours au service d’un espace exploré sous toutes les coutures. Des profondeurs au ciel en passant par la surface de l’eau, sa caméra pénètre et connecte ces dimensions avec une fluidité déconcertante, quand ce n’est pas la gravité qui fait des siennes pour transformer l’ensemble en roller coaster total.

 

Avatar : La Voie de l'eau : photo, Zoe SaldanaAntoine pendant les 40 dernières minutes du film

 

Kiri or not Kiri ?

À vrai dire, le pessimisme d’Avatar 2 n’empêche pas le film de conserver son rapport au merveilleux, et par-delà la magnificence de Pandora et de son écosystème holiste, cette suite est avant tout une œuvre de la transmission, qui prend en compte les treize ans passés entre les deux opus. Là réside le miracle casse-gueule d’un long-métrage qui accumule les nouveaux personnages, tout en parvenant à donner des arcs narratifs différents et satisfaisants à chacun d’entre eux.  

Certes, on pourra déplorer ici et là quelques carences (notamment du côté de Ronal, interprétée par une Kate Winslet qu’on aurait voulu plus présente), mais la générosité toute mythologique d’Avatar 2 donne la sensation grisante (et trop rare désormais) de nous embarquer dans une saga, au sens originel du terme.  

D’aucuns limiteront (et caricatureront) cette expansion à du Fast & Furious-like porté sur l’importance de la famille, mais en réalité, La Voie de l’eau pervertit brillamment cette thématique, et l’accorde à la problématique de son univers, qu’il prolonge de la plus belle des manières.  

 

Avatar : La Voie de l'eau : Photo Sigourney WeaverKiri, le plus beau personnage du film

 

La passation de l’esprit dans le corps d’un avatar s’apparente explicitement à la notion de réincarnation, surtout avec les deux meilleurs personnages du film : Kiri (une adolescente Na’vi incarnée par Sigourney Weaver) et Miles Quaritch, le méchant du premier film (toujours interprété par Stephen Lang), cette fois cloîtré dans un avatar.

L’héritage familial et identitaire n’est soudainement plus une évidence, mais plutôt un miroir spirituel et biologique dont on doit choisir la signification. Dans un élan shakespearien sublime, Quaritch brise le crâne de son propre cadavre pour mieux redéfinir son avenir. Le voilà qui s’affranchit de la limite du gène, cette unité de base qui n’a plus vraiment de sens dans cette révolution numérique.  

Ces crises existentielles bouleversantes (surtout dans le cas de Kiri, dont la naissance ambigüe constitue un enjeu fascinant) bouclent ainsi la boucle avec le but des technologies développées par Cameron et ses équipes. En permettant à ses comédiens de projeter leurs performances sur des êtres numériques, quel que soit leur physique ou leur âge, Avatar 2 dépasse les acquis du premier opus, et ouvre un nouveau champ des possibles. Si le septième art est depuis toujours raccordé à la fameuse allégorie de la caverne de Platon, le philosophe grec pourrait ici être cité pour son mythe des âmes sœurs dans Le Banquet.  

 

Avatar : La Voie de l'eau : photo, Stephen LangEn tête-à-tête avec moi-même

 

D’après lui, les êtres humains auraient été à l’origine des êtres androgynes, avec quatre jambes, quatre bras, séparés en deux par Zeus par crainte de leur pouvoir. Nous serions voués depuis toujours à chercher l’amour – ou plutôt notre moitié – en tant que partie manquante de notre être. James Cameron fait de cette quête de la complétion, de l’essence humaine comme Na’vi, le cœur émotionnel de son mythe moderne, tandis que ses héros découvrent leur place d’individu dans le système plus large de Pandora. 

Et n’est-ce pas, après tout, ce que cherche aussi le spectateur de cinéma dans l’évasion du grand écran ? N’est-ce pas cette connexion à l’épique et l’intime, dans laquelle James Cameron excelle, qui justifie le succès de son cinéma ? Qu’importe finalement la 3D ou la précision des textures (bien que bluffantes), Avatar 2 n’en oublie jamais sa mission première : faire oublier sa maestria technique au profit de l’immersion et de l’émotion dans cet autre univers qui complète le nôtre. Et la connexion avec son monde est telle qu’il est difficile de sortir de la salle de cinéma en un seul morceau. 

A lire ensuite, mais 100% spoilers : 5 preuves qu'Avatar 2 est meilleur que le premier

 

Avatar : La Voie de l'eau : affiche

Résumé

Claque technologique et mythe moderne d’une densité folle, Avatar 2 : La Voie de l’eau est bien le miracle tant espéré. James Cameron a de nouveau signé un film monde bouleversant, dont la portée philosophique devrait occuper longtemps... au moins jusqu’à Avatar 3

Autre avis Mathieu Jaborska
Il y a 13 ans, Cameron était maladroitement parvenu à imposer son univers. Maintenant que ses pions sont placés, il peut enfin l'exploiter (presque) à fond et adopter complètement la philosophie de ses autochtones. Il y appelle à pourfendre le statu quo et compose l'un des spectacles les plus ahurissants jamais contemplés sur un écran de cinéma.
Autre avis Alexandre Janowiak
Difficile de revenir à la réalité après l'incroyable voyage d'Avatar : La Voie de l'eau, plongée (littérale) dans un autre monde. Ce n'est évidemment pas sans défauts (surtout scénaristiquement), mais l'immersion emporte tout, Cameron livrant son magnum opus technique au cœur d'une épopée romanesque bien plus riche que le premier volet.
Autre avis Déborah Lechner
Aucun superlatif ne pourrait être un abus de langage concernant Avatar : La Voie de l'eau. Malgré des faiblesses scénaristiques évidentes, le film est une prouesse. James Cameron a étoffé sa dramaturgie, mais surtout sublimé la plastique de Pandora, qu'il est difficile de quitter tant l'émerveillement se tient de la première à la dernière minute.
Autre avis Geoffrey Crété
Pour quelqu'un qui n'a pas été conquis par Avatar, Avatar 2 sera certainement une expérience beaucoup plus forte, et surtout moins glaciale. James Cameron maîtrise mieux son récit et ses personnages, et retrouve un vrai souffle épique et émotionnel... même s'il a déjà largement prouvé qu'il savait faire plus intense et impressionnant.
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Lecteurs

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commentaires
DjFab
27/12/2023 à 13:43

Enfin vu ! Une claque ! Un chef d'œuvre ! Pas vu aussi bien depuis Interstellar. 5/5

Payakan67
22/08/2023 à 23:51

Rageux insignifiants et aboyeurs habituel de Cameron en PLS.....

Le Roi du monde est de retour et La concurrence éparpillé façon puzzle.
14 millions de spectateurs français et 2,3 milliards de dollars de recettes mondiales sans même les 150 millions de dollars potentiel de la Russie.
Fin de la démonstration.... ;-)


29/06/2023 à 05:09

Mwais ! Mise a part le coté technique, sachant que je suis pas fan du tout numérique, l'histoire en sans doute bien bonne pour le gosses, mais moi je préfère un film comme Abyss du même réalisateur.
Ayant vue le première j'ai été voir le deux pour accompagné des amis, je m'attendais pas a un truc de fou, niveaux scénar.

MAX521
19/06/2023 à 09:46

Franchement déçu , 3H de film hier dans le canapé c'est long mais long , l'histoire est longue sans intérêts. On a du tarzan, du sauvez willy, du space battleship...! Pas de 3 s'il vous plait .

Aquaman en apnée
17/06/2023 à 22:09

Déception comme beaucoup.
Tout est stéréotypé.
Mais je retiens la prouesse technique quand même.

Nyl
16/06/2023 à 18:12

@Flash

Non, tu n'es pas le seul. Je le trouve même meilleur que le 1 ( faut le faire, car ce n'est pas évident)

Flash
15/06/2023 à 12:35

A lire les commentaires, j’ai l’impression d’être quasiment le seul à trouver que c’est un chef d’œuvre.
Cameron nous démontre encore une fois, qu’il est possible de faire un blockbuster qui ne se fout pas de la gueule de son public.
Rien que pour ça, un grand merci.


15/06/2023 à 11:51

Je rejoins beaucoup de déçus : sous son vernis technique, ce film est creux (contrairement au premier).

Son gros problème est le prisme par lequel on nous montre Pandora : celui d'un américain en vacances à Hawai qui s'offusque de la chasse à la baleine alors qu'il va nager avec des dauphins dans un parc aquatique.

Les valeurs tribales du premier film (certes naïvement dépeintes) ont ici disparu pour laisser place à des valeurs occidentales (la famille avant tout). Jake, bien que toujours narrateur de l'histoire, est devenu un père/mari tyrannique (en plus d'être devenu totalement idiot).
Le reste n'a pas plus de sens : Spyder fasciné par ses bourreaux, les conflits d'ados dignes d'un soap, la baleine ostracisée pour avoir échappé à un massacre, tout le monde disparait lors du climax, les moultes (re-re)captures des enfants, ...

Bref, là où j'ai revu le premier avec plaisir, je ne pense pas revoir celui-ci un jour. Je lui préfèrerai des films plus intéressants sur des cultures indigènes : La forêt d'émeraude, the lost city of z, l'étreinte du serpent, apocalypto, ...

seingelt
15/06/2023 à 10:27

film complétement surcoté, extrêmement chiant et long, Vous retranchez le coté divertissant et spectaculaire des effets spéciaux et vous vous concentrez sur l'histoire : c'est pitoyable de niaiserie : la scène la plus drolatique : le folie meurtrière de maman navet qui extermine tous les gros méchants, du second degré à mourir de rire, ou le mini tarzan qui suit les navets, plus débile tu meurs...

Sanchez
15/06/2023 à 10:15

Meilleur que le premier c’est certain , mais un scénario aux facilités inadmissibles après un si long développement

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