Britney vs Spears : critique toxique sur Netflix

Déborah Lechner | 29 septembre 2021 - MAJ : 29/09/2021 17:04
Déborah Lechner | 29 septembre 2021 - MAJ : 29/09/2021 17:04

Netflix a sorti son nouveau film documentaire Britney vs Spears, qui revient sur sa longue bataille juridique contre son père James Spears, ainsi que la mise sous tutelle abusive dont elle fait l'objet depuis maintenant 13 ans, et qui est déjà au coeur de plusieurs documentaires.

ONE MORE TIME

Après des années de harcèlement et d'acharnement médiatique contre Britney Spears, le mouvement #FreeBritney qui a émergé en 2019, a donné à la presse un nouveau filon à exploiter concernant la vie privée de la chanteuse, cette fois-ci sous couvert d'empathie et de préoccupation post-#MeToo. En quelques mois, les documentaires sur les années sombres et la privation de liberté de la star ont donc fleuri : le décevant Framing Britney Spears du New York Times et sa suite, Controlling Britney SpearsThe Battle for Britney: Fans, Cash and a Conservatorship de la BBC, Toxic: Britney Spears' Battle For Freedom de CNN et plus récemment Britney vs Spears sur Netflix.

Ce nouveau documentaire se veut cependant moins voyeuriste. Exit donc les images et vidéos humiliantes qui ont fait les choux gras de tabloïds dans les années 2000, rien qui ne l'empêche de ne pas être racoleur pour autant. Aussi bien intentionné que puisse être le public à l'égard de l'artiste, son bras de fer contre son père, James Spears, est fatalement devenu un feuilleton judiciaire et people, dont les réalisatrices, la documentariste Erin Lee Carr et la rédactrice en chef du magazine Rolling Stone Jenny Eliscu, exacerbent le sensationnalisme en se mettant en scène, parfois trop grossièrement.

 

photo, Britney SpearsIt's Britney, bitch

 

Le documentaire ne cherche donc pas la neutralité, ce qui est de toute façon impossible étant donné que la journaliste a été personnellement impliquée dans la bataille juridique de Britney Spears (et que l'autre a avoué être une fan depuis son enfance). Les deux femmes s'autorisent dès lors un portrait à charge de grands antagonistes de l'histoire, en particulier James Spears (même si sur ce point, il paraît difficile de leur donner tort), ainsi que de vives réactions devant la caméra, passant de la colère, à l'indignation ou la tristesse.

La musique est également là pour appuyer l'aspect dramatique et pathétique ou ménager les effets de surprise quand le moment se profile, ce qui rend le tout assez artificiel, malgré la bienveillance qu'on devine dans la démarche.

 photoErin Lee Carr, devant et derrière la caméra

 

Entretenant cette excitation mal venue autour de sa tutelle abusive et des raisons de son maintien, le documentaire prend progressivement la forme d'une investigation menée tambour battant par les deux femmes. Elles reprennent tout le langage visuel de l'enquête criminelle : les photos des personnes impliquées étalées sur un bureau avec leur nom écrit au feutre noir sur des post-it et certains visages entourés ou les documents censurés dont quelques phrases se dévoilent à mesure que les recherches avancent.

Le récit utilise même certains éléments scénaristiques pour recréer une intrigue et tenter de donner du poids à leur quête de vérité, comme l'avertissement d'un avocat durant la production et les nouvelles pistes balancées par un anonyme proche du dossier. Parce que c'est bien ce que veut nous vendre le documentaire : de l'inédit sur cette conspiration et maltraitance forcément révoltante, avec des preuves solides à l'appui, au point de partager des conversations privées et des rapports médicaux confidentiels, étalant un peu plus la vie privée et intime de l'artiste. La réalisation joue d'ailleurs sur le fait qu'il s'agit de données sensibles en nous montrant qu'elles sont protégées par un mot de passe. 

 

photoÀ deux doigts de sortir le tableau blanc et les aimants

 

SPRINT FINAL

Contrairement à Framing Britney Spears, Britney vs Spears interroge des personnes controversées qui ont gravité autour d'elle, notamment le paparazzi Adnan Ghalib (interrogé par téléphone, probablement à cause de la pandémie) et son ancien manager Sam Lutfi, qui touchent ici une sorte de rédemption qui n'est jamais remise en question. À l'inverse, le documentaire laisse peu de doute sur la culpabilité de certains autres intervenants, en particulier le psychiatre en gériatrie et l'avocat de Kevin Federline, laissant trop souvent leurs réponses évasives en suspens. 

S'il s'applique pendant près de 90 minutes à décortiquer minutieusement et chronologiquement les manigances et le surréalisme de la situation ainsi que les lacunes du système judiciaire, beaucoup d'informations ont plus l'air de faire du remplissage que de compléter un puzzle. Même chose pour certains plans sur des images fixes qui sont infiniment trop longs et plombent un peu plus la cadence. Le documentaire, dont la production a commencé il y a plus de deux ans, peine clairement à suivre le rythme de cette affaire en constante évolution

  

photoUne intervenante moins bavarde que dans Framing Britney Spears

 

Après une ellipse assez brutale qui nous fait passer du début des années 2010 à l'émergence du mouvement #FreeBritney, le long-métrage a du mal à rattacher tous les wagons et à se défaire de sa narration chronologique pour dynamiser l'ensemble et lui donner plus de cohérence. L'enregistrement du récent témoignage de Britney Spears au tribunal, autant dire l'élément primordial du documentaire qui aurait mérité d'ouvrir le film pour lui donner d'emblée une légitimité, est gardé pour la fin, avant de se perdre dans un long épilogue qui tente de rattraper le train en marche en exposant les derniers événements.

S'il n'avait peut-être pas anticipé l'avancée rapide du dossier devant le tribunal pour la construction de sa trame narrative, Netflix n'a cependant pas choisi la date de diffusion au hasard puisque le documentaire est sorti la veille du dénouement très attendu concernant le maintien ou non de sa tutelle

Britney vs Spears est disponible sur Netflix depuis le 28 septembre 2021 en France

 

affiche

Résumé

Moins voyeuriste que Framing Britney Spears, mais toujours racoleur et opportuniste, Britney vs Spears a très probablement été réalisé avec des intentions sincères et louables, bien que le résultat soit un énième étalage de la vie privée toujours plus exposée et médiatisée de Britney Spears, dont le seul témoignage sera toujours plus poignant que n'importe quel film documentaire ou image d'archive.

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Philox
30/09/2021 à 13:03

Ce genre de documentaires, quoique imparfait à ce que je lis ici (je l'ai pas encore vu) est tout de même nécessaire pour déconstruire le monde du showbiz, pour gratter l'envers du décor. Bien qu'il semble orienté en faveur de la chanteuse, on ne peut nier les preuves évidentes de cette forme d'esclavagisme lié au showbizz et au succès.

Britney Spears, comme plein d'autres, était une opportunité de gloire et de fortune pour ses parents. Elle semble d'ailleurs avoir été instrumentalisée depuis son plus jeune âge, à l'ère Disney et c'est devenu bien plus compliqué pour elle lorsque chacun d'entre-nous l'avons vu chanter lascivement 'oh babe' dans un couloir d'école, le monde était à ses pieds.
Aujourd'hui pour le showbizz, Britney est périmée, elle n'est plus la petite chose fragile à draguer, elle n'est plus la jeune femme en spandex rouge qui se vend si bien. Et même si elle est et reste toujours profitable pour les paparazzi et les tabloïds, elle est toujours soutenue par une communauté soudée de fans, et c'est peut-être ça qu'on peut retenir comme étant le meilleur dans cette historie sordide. Ce sont ses fans qui ont lancé ce mouvement, réussi à convaincre des scénateurs américains, à faire le buzz sur la toile et à déclencher l'intérêt de certains producteurs de documentaires.

Et c'est là que vraiment, derrière cet apparent conte de fées, on découvre une sorte d'esclavagisme liée au showbizz et au succès, un monde qui ne pardonne pas les fragilités et le manque de résistance à la pression médiatique. Un monde ou la prétendue 'star' n'est qu'un pion qui rapporte des fortunes à son entourage. Après avoir craqué, Britney avait perdu le droit de garde de ses enfants, avait été mise sous une tutelle qui est devenu une société de gestion, forcée de porter un stérilet pour ne pas procréer, empêchée de conduire un véhicule, interdiction de se marier, d'avoir accès aux services d'avocats, forcée d'effectuer des prestations scéniques (on comprend désormais son état aux MTV Awards) qui rapportent des fortunes à la société de gestion, et devant même, avec ses propres gains, payer les avocats qui veulent l'empêcher de retrouver son autonomie.

Un autre documentaire d'une autre blonde de cette époque médiatique, Paris Hilton, a montré que la jeune femme s'était forgée un rôle de nunuche aristocrate afin de devenir riche et célèbre et s'affranchir des tourments infligés par son père. Alors que nous nous esclaffions de ses bêtises dans l'émission de MTV "The Simple Life", tout particulièrement son incapacité à nettoyer une cuisine ou balayer, le documentaire montra qu'elle avait passé presque 1 an de sa vie d'ado dans une maison de redressement car elle s'opposait ouvertement à son père. Pendant cette période, elle devait effectuer les tâches ménagères comme chaque pensionnaire, mais il y avait bien plus encore: elle a récemment dénoncé les sévices psychologiques et physiques qu'elle et d'autres pensonnaires ont vécu. On voit aujourd'hui que l'émission de MTV était scénarisée du début à la fin, et que nous étions tous manipulés, consciemment ou non. Paris Hilton a entretenu ce rôle de nunuche au travers des médias jusqu'à aujourd'hui, tout en gérant elle-même sa fortune, qui est en réalité sa seule motivation, on voit bien que ce désire de posséder toujours plus est une conséquence de traumatismes vécus durant son enfance.
Aujourd'hui, les nouvelles générations sont captivées par des influenceurs à Dubai ou dans des lieux paradisiaques, des Glow, Nabilla, des Jazz, des anges. Britney et Paris, c'est des trucs du passé pour eux. L'envers du décor ils s'en fichent: des employés esclaves? des gains illicites? Inutile de s'y intéresser, seules les paillettes et la fortune leur front briller les yeux. Le Showbizz s'est juste adapté à son époque tout simplement.

Gemini
29/09/2021 à 19:48

Quand on en est à faire de tels doc au lieu de parler musique c'est terminé.

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