Un 22 juillet : critique terrorisante
Avant la sortie prochaine d'Utoya, 22 juillet, Paul Greengrass s'intéresse lui aussi aux attentats norvégiens du 22 juillet 2011 qui se sont déroulés à Oslo et sur l'île d'Utoya avec Un 22 juillet. Après avoir réalisé une grande partie de la saga Jason Bourne et quelques films passés aux Oscars (Vol 93, Capitaine Phillips), le cinéaste est tombé dans les filets de Netflix pour Un 22 juillet. Un choix qui ne l'a pas empêché d'être sélectionné en compétition officielle lors de la Mostra de Venise 2018 et qui permet à la plateforme de continuer à alimenter son catalogue avec un nouveau gros poisson. Une belle prise ? Verdict.
BLOODY FRIDAY
Paul Greengrass n'en est pas à son premier coup d'essai en matière de grands événements tragiques. En 2002, le cinéaste britannique s'attelait à narrer le conflit nord-irlandais et notamment le drame sanglant survenu lors d'une marche pacifiste avec Bloody sunday (qui lui vaudra l'Ours d'Or), et en 2006 il revenait sur la rébellion héroïque des passagers d'un avion détourné par des terroristes le 11 septembre 2001 avec Vol 93.
Au-delà de ces traumatismes modernes, le réalisateur aime à revenir sur le destin tragique (ou non) de personnes ordinaires, tirés de faits réels. Un soldat britannique accusé de désertion à tort dans son premier film Resurrected ou un capitaine de navire confronté à des pirates dans Capitaine Phillips. Avec son nouveau long-métrage estampillé Netflix, Paul Greengrass allie pleinement ces deux aspects.
Une ouverture captivante qui évite le sensationnalisme
Ainsi, dans une première demi-heure éprouvante, Un 22 juillet retrace le trajet du terroriste et militant d'extrême-droite Anders Behring Breivik (incarné par l'excellent Anders Danielsen Lie). Sa préparation des bombes qui exploseront au coeur du quartier gouvernemental d'Oslo quelques heures plus tard et sa traque sanguinaire des jeunes militants travaillistes sur l'île d'Utoya. Le reste du film, soit environ 1h45, se concentre alors sur l'après attentat, le deuil d'une nation, le procès du terroriste et la reconstruction physique et psychologique d'une victime.
Ainsi, le métrage retrace les conséquences de l'événement à travers le regard de quatre personnages, qui existent tous réellement. Anders Behring Breivik évidemment, le jeune survivant Viljar Hanssen (Jonas Strand Gravli), le Premier ministre norvégien de l'époque Jens Stoltenberg (Ola G. Furuseth) et l'avocat de Breivik : Geir Lippestad (Jon Øigarden).
LES JOURS D'APRÈS
En savant metteur en scène de l'action qu'est Paul Greengrass (trois Jason Bourne à son actif), il était assez logique de craindre qu'il fasse de Un 22 juillet un film profondément violent lors de la fusillade d'Utoya, finalement à tort. Si la reconstitution du drame est extrêmement percutante, pleine de tension et scotche le spectateur à son siège, elle se révèle finalement très succincte. Un 22 juillet détourne très vite la tête pour se pencher sur le traumatisme psychologique de tout un pays.
Alors certes, Paul Greengrass ne pourra s'empêcher d'insérer quelques séquences d'action inutiles par la suite (une poursuite en moto neige) pour redynamiser son métrage et sans doute censée représenter le stress post-traumatique du jeune Viljar. Un manque de subtilité qui se retrouvera également à travers les nombreux flashbacks furtifs (où il revoit des scènes tragiques d'Utoya) présents dans le montage. Mais malgré tout, le cinéaste évite clairement le sensationnalisme.
L'impressionnant Jonas Strand Gravli
Ainsi, loin de vouloir s'attarder sur l'attentat, Un 22 juillet est l'occasion pour le cinéaste de s'interroger sur les conséquences de ce drame et avant tout sur la montée des extrêmes (ici nationalistes). La manière dont la Norvège a réagi aux attaques apporte une vision sur la réponse possible que pourrait donner les autres démocraties européennes notamment face à la poussée dans les urnes de cette mouvance. Une réflexion que Paul Greengrass expose de manière très pédagogique. Trop peut-être.
Si son long-métrage historique est parfaitement maitrisé narrativement et techniquement, il est particulièrement distant et froid. Par conséquent, difficile de ressentir une quelconque émotion devant le regard apeuré de Viljard lors du procès de Breivik, devant le désemparement du Premier ministre ou l'effarement de tout un pays. A vouloir montrer les tenants et les aboutissants de cette tragédie dans les moindres détails et en évoquant de multiples thématiques, Un 22 juillet oublie sans doute de s'attarder sur le plus important : l'humain.
Lecteurs
(2.0)27/10/2018 à 12:22
C'est particulièrement dégueulasse de faire plaisir à ce point à ce trou du cul en manque de Playstation au fin fond de sa cellule...
Vivement ses mémoires.
22/10/2018 à 14:14
Salut @Coquille,
oui absolument, petite association d'idées de ma part mais je faisais évidemment référence à la moto neige en effet. Merci pour la vigilance, c'est corrigé ;)
A bientôt
20/10/2018 à 15:57
Pas de jet ski comme vous écrivez, mais moto neige.
18/10/2018 à 18:58
@nyny87
Si vous faîtes référence à notre choix edito de ne pas noter 13 Novembre : Fluctuat Nec Mergitur : c'est un documentaire, et ici une fiction. C'est une différence non négligeable, déjà.
18/10/2018 à 18:45
Bah vous voyez qu'on peut noter et critiquer une œuvre en rapport avec un attentat.
18/10/2018 à 17:57
"Par conséquent, difficile de ressentir une quelconque émotion devant le regard apeuré de Viljard lors du procès de Breivik,"
En ce qui me concerne, ce fut tout l'inverse. J'ai trouvé que c'était la meilleure scène et la plus puissante émotionnellement de tout le film. Renversante.
18/10/2018 à 17:23
@vhjsgfbksjhfb
En quoi est-il honteux de faire des films sur les conséquences d'un acte de haine et sur la manière dont un corps social s'y prend pour essayer de le surmonter ?
18/10/2018 à 17:14
J'ai adoré le film. Très puissant en terme d'émotions et surtout très intéressant pour ceux qui comme moi n'ont absolument pas suivie à l'époque.
18/10/2018 à 17:09
c'est honteux de faire des films comme çà ,dans quel société on vit vraiment