C’est ainsi qu’Ecran Large commençât à faire des éditos – et utiliser l’imparfait du subjonctif. Pour faire comme les médias sérieux ? Pour aborder des sujets différents ? Pour passer le temps et se passer les nerfs ? L’avenir le dira.
Peut-être que dans un an, ces éditos seront un lointain souvenir, et un projet abandonné parmi d’autres (pensée émue pour notre idée de rubrique vidéo « Le Modérateur », où on commentait les pires messages reçus sur le site : on a tourné un essai, c’était désastreux, et il faudrait nous payer très cher pour qu’on ose le montrer). Ou peut-être que ces articles plus personnels et libres rencontreront un tel succès qu’ils nous feront gagner des milliers d’abonnements.
Parce que oui, ces éditos seront réservés à nos belles et beaux abonné.e.s (qui, a priori, ne vont pas faire un AVC à cause de l’écriture inclusive : ceci était un test). Les abonnements ont été lancés en 2019, il y a quasiment 5 ans jour pour jour. Ils sont précieux pour notre avenir, et pour protéger notre liberté, notre indépendance, notre place sur internet et nos jeux de mot plus ou moins gênants.
C’est pour cette raison qu’on a décidé de lancer ce petit rendez-vous : afin de créer un espace d’échange à part, où toute l’équipe prendra sa plume à tour de rôle pour aborder plein de sujets avec « l’élite qui pue » (copyright d’un lecteur énervé dans les commentaires de notre dossier abo sur Jackie Chan).
1, 2, ÉTROIT
Le titre « Ecran Etroit » vient de là. Si l’Ecran Large parle de films, séries, jeux vidéo, comics… dans les grandes largeurs, sans hiérarchiser les genres ou les goûts, l’Ecran Etroit se resserre sur les gens dans l’équipe. C’est la petite lucarne par laquelle on va partager ce qui se passe en coulisses, ce qui fait la vie d’une rédaction, et tout ce qu’on n’a pas le temps de faire ailleurs.


On a une liste longue comme cinq bras de sujets qu’on aimerait aborder dans des articles, des vidéos ou des podcasts, et qui pourraient avoir leur place dans ces éditos. Comment ça se passe une projection presse ? A t-on déjà subi des pressions par rapport à un article ? Est-ce qu’on s’est déjà pris la tête dans l’équipe au sujet d’un choix édito ou d’une décision ? Qu’est-ce que ça implique de modérer les commentaires parfois immondes et odieux ? Pourquoi est-ce qu’on pense qu’il y a un vrai problème à propos de la soi-disant « objectivité » des critiques ? Y a t-il des choses qu’on regrette de ne pas traiter dans les articles, les vidéos, et les podcasts (oui, une tonne) ?
On avait pris plaisir à aborder certains sujets dans notre magnifique vidéo FAQ. D’ailleurs, on n’aurait pas misé un kopeck sur elle. Mais avec plus de 33 000 vues pour une durée indécente (1h17, plus long que certains Quentin Dupieux), elle a montré qu’il y avait certainement un appétit pour ces questions.
10 ans d’Ecran Largement différent
Pour cet édito #1, je me suis donc dit que j’allais installer le décor en comparant le Ecran Large de mes débuts à celui d’aujourd’hui.
Quand j’ai véritablement mis les pieds dans ce média en 2014, après avoir écrit quelques articles et filé quelques coups de main les deux années précédentes, Ecran Large tournait avec quatre personnes : le directeur de publication (Jonathan), un rédacteur en CDI (Simon), un rédacteur en auto-entrepreneur (Christophe) et une personne en stage (Marine, Grégoriane, Alexis : pensée pour vous, les pionniers).
Des news, des critiques, quelques dossiers, pas de vidéo, pas de podcast. On ne s’en rendait pas compte, mais la vie était alors très simple.
Dix ans plus tard, l’équipe Ecran Large a grossi autant que la proportion de cheveux blancs sur ma tête : le directeur de publication (toujours Jonathan), six plumes en CDI (Alexandre, Déborah, Mathieu, Antoine, Judith et moi, la majorité ayant commencé par un stage), un monteur (Mathias), deux stagiaires (actuellement : Augustin et Hector), et une petite brochette de freelances (actuellement : Léo, Owen, un autre Mathieu, Ange, Axelle, un autre Geoffrey, Chloé, Clément, Renaud, Boris). A côté de ça, il y a notre commerciale, Lena, chargée des partenariats. Ça fait une vingtaine de personnes.
Plus de gens, plus d’articles, plus d’enjeux, plus d’ambitions, et plus de casquettes. Ce n’est pas seulement Ecran Large qui a grandi, c’est le métier lui-même qui a muté.

Hier, pour être chez Ecran Large, il fallait « simplement » savoir écrire des articles, et éventuellement être sympa et/ou drôle. Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. Il faut savoir ce que signifie SEO (Search Engine Optimization, ou dit plus simplement : la dictature Google) et CTR (le taux de clics : combien de fois les gens ont-ils cliqué quand notre article est apparu sur le moteur de recherche ?). Il faut faire attention à l’heure de publication, au nombre de caractères dans les titres et aux mises à jour algorithmiques de Google.
Il faut également s’improviser graphiste à deux balles pour offrir des « images uniques » à Google, en jonglant avec des règles formidables (un visage humain et des couleurs, c’est bien ! une goutte de sang et une émotion anxiogène, c’est pas bien !). Au passage, nous présentons toutes nos excuses si certains montages ont froissé vos nerfs optiques.

C’est désormais un métier à tiroirs, où chaque personne est un couteau suisse. Il faut décliner sa voix en vidéo, en podcast et sur les réseaux sociaux, où l’individu pèse plus que l’équipe. Il faut apprendre à gérer son petit ego, hier caché derrière les écrans et surtout le principal – nos avis, nos arguments, nos mots. On en vient à un peu (trop) réfléchir à nos tics de langage, à nos prononciations hasardeuses, au t-shirt qu’on a porté dans la dernière vidéo, et à tout changement sur nos tronches (qui aurait pu croire qu’une simple moustache allait donner lieu à des dizaines de commentaires choqués ?). Le bon côté étant que ça économise probablement quelques étapes de thérapie (ou ça en ajoute, n.d.l.r).

LA FAIM DE L’INNOCENCE
On nous répondra probablement que ça a toujours été là. Et peut-être qu’on était trop petits, trop jeunes, trop naïfs pour s’en rendre compte. Il y a dix ans, nos réunions de rédaction ressemblaient à une discussion hebdomadaire à trois, avec un pauvre tableau Excel sur mon vieil ordinateur portable. Aujourd’hui, on a des réunions pour organiser la vie du site, les podcasts, les vidéos, les articles abo, et on a même des outils pour organiser notre organisation. Fut un temps où on pouvait passer des heures à tourner et improviser nos sketchs d’intro pour les vidéos YouTube (notamment celle-ci, sur Alien 4). Ça nous semble complètement hallucinant vu qu’on a désormais l’impression de continuellement être en retard sur tout.
Le fait est que les règles du jeu ont changé. J’ai l’impression d’être un disque rayé puisque j’en parle régulièrement depuis deux ou trois ans (temps ressenti : un quart de siècle) dans les commentaires, sur Twitter et sur notre serveur Discord.
L’été dernier, Arrêt sur images a repéré nos messages et m’a contacté pour que j’explique le rôle des « news de merde » sur leur chaîne Twitch. Et cette année, ils m’ont recontacté dans le cadre d’un dossier sur l’évolution du site Jeuxvidéo.com, sur les conseils de plusieurs membres de l’équipe de JVC qui avaient vu passer nos messages à ce sujet. Le sujet va bien au-delà d’Ecran Large. Ça touche tous les médias. Et au final, ça vous concerne vous aussi, évidemment.

Le cœur a assez raison
A ce stade, j’ai relu ce premier édito une demi-douzaine de fois, et une part de moi se dit que ça ne sert pas à grand-chose et ressemble un peu trop à une jérémiade. Alors qu’il y a bien plus grave dans le monde actuel, et même pas besoin de vous citer les exemples.
Mais je vais résister à l’idée de réécrire la moitié parce que ces articles spéciaux doivent garder un peu de la spontanéité qu’on n’a pas dans les articles, à peine dans les vidéos, et qu’on voulait justement remettre en avant dans les podcasts. Et tout personne qui me connaît un peu sait que je passe 75% de mon temps à me plaindre.
C’est d’autant plus sincère qu’encore cette semaine, on a eu des discussions en interne à propos de l’avenir du podcast (peut-on garder ce rythme et cette qualité ?), la nature des dossiers abo (ne sont-ils pas trop longs et redondants ?), le modèle économique (de combien d’abonnements avons-nous besoin pour être moins soumis à Google ?), et plus généralement la fatigue de l’équipe. Certes, la situation est particulièrement tendue entre le retour de Cannes pour Antoine et Alexandre, et les nombreux problèmes avec ce nouveau site. Mais cette anormalité (des obligations, des délais, de l’actualité de plus en plus en grande, de la bataille Google de plus en plus difficile) est finalement notre quotidien.

Ceci étant dit, ça pourrait être pire.
On pourrait ne pas avoir « le droit » de dire ce qu’on pense. On pourrait avoir pris une énorme baffe avec la campagne Ulule (alors qu’on a récolté 37 613 euros, largement grâce à vous !). On pourrait être à court d’idées et de projets, et en avoir marre de partager des avis et des analyses. On pourrait ne plus avoir envie de regarder des films et des séries sur notre temps libre (autant vous dire que dans ce cas, on écrirait sur 3 fois moins de choses) (mais quand même, on regarde trop de films et de séries pour le travail, sur notre temps libre).
On pourrait aussi se détester au sein de l’équipe et venir à reculons au bureau. Pourtant, ça n’arrive quasiment jamais, même quand on décide de punir quelqu’un pour ses goûts douteux pendant plusieurs mois (il y a eu Mathieu/Hellboy de 2019, Judith/Crazy Bear, et sinon Antoine au quotidien avec la moitié de ce qu’il défend).
On a un autre vrai problème chez Ecran Large : on n’arrive pas à se réfréner d’écrire de longs articles. La preuve avec cet édito. « Non mais je vais écrire un article assez court, vous inquiétez pas ». Je vais donc M’ARRÊTER. J’ai posé les bases, les autres vont prendre le relais, on ne sait pas trop ce qu’on va en faire, et c’est assez logique : c’est comme ça qu’à peu près tout a été décidé et géré sur Ecran Large jusque là. Et on s’en sort pas trop mal, apparemment.
Geoffrey j’ai déjà signalé ce BUG 🪲 impossible de modifier son commentaire.
A bientôt, Bon Week End.
Fraîchement abonnée, je vous ai découverte par YT il y a quelques années maintenant et j’écoute avec plaisir le podcast chaque semaine (sauf quand je redoute un spoil sur un film que je souhaite voir). Je me retrouve dans ce côté multi-casquette qu’on nous demande de plus en plus de développer alors que je ne travaille pas du tout dans le même domaine (histoire/archéologie). Alors qu’avant il ne fallait « que » faire de la recherche, des colloques, écrire des articles ou des ouvrages, à présent il faut maîtriser de nouvelles bases de données ou des logiciels de dessins, savoir coder ses inscriptions, créer un SIG, etc. En général, on apprend sur le tas car les formations universitaires ne sont pas à jour et on perd un temps monstre. Bref, tout ça pour dire que je crois comprendre un peu ce sentiment lié en grande partie au développement des outils numériques dont on devient dépend si on veut survivre dans son domaine. Il semble qu’être spécialiste ne suffise plus. Il faut aussi arriver avec tout un bagage de compétences au risque de voir un poste nous passer sous le nez.
Sachez en tous cas que je ne m’étais pas abonnée depuis longtemps à un média sur le cinéma. Mais rien qu’entre les vidéos et le podcast, il était temps. Une lecture quotidienne est prévue. Merci pour votre travail et bravo. J’espère que la fatigue n’aura pas raison de vous et que vous arriverez à prendre des pauses bien méritées. Je pense que personne n’arrive à tout couvrir, il y a beaucoup trop de sorties alors ne soyez pas trop dur envers vous même. Moi, j’adore ce que vous faites et j’aime écouter le point de vue de chacun des chroniqueurs : c’est toujours passionnant d’écouter un passionné!
La bise à toute l’équipe.
Merci Geoffrey, un ENORME merci à toute l’équipe et au final merci Ecran Large !
Quand bien même je ne suis pas forcément d’accord avec vos critiques, merci pour cette indépendance que je ne retrouve plus dans les « médias » actuels sur internet.
Merci pour les articles, dossiers et tout le reste..!
Un vrai site de cinéma, par et pour des passionnés, en grande partie gratuite c’est rare (hein Allociné…).
Force à vous et longue vie à Ecran Large !!
Heureux de faire partie de l’aventure !
Abonné depuis quelques mois maintenant, vous avez su me séduire au travers de vos vidéos sur YouTube, puis au travers de vos podcast et ensuite de vos articles, publics ou pour les abonnés. J’aime votre ton, vos avis divergeant, souvent structurés, et parfois non, parce que parfois, c’est « comme ça ».
bref, mon commentaire diverge autant que cet édito, et moi aussi (nous ?!), je vous aime 😘
Je me joins à tout(e)s pour vous remercier pour votre travail. Merci aussi pour le nouveau site qui à quand même plus de gueule que l’ancien. Renforcez le développement de votre chaine YT qui peut être source de financement intéressante pour vous (avec les sponso). Courage pour la suite …et merci d’élargir nos écrans !
Un article/dossier/edito/… n’est jamais trop long s’il a des choses à raconter. Et le format court pousse à la consommation sans réflexion, on passe d’un truc à l’autre sans se rappeler du fond. Alors continuez les longs formats, ça vous va bien 🙂
Allez on vous kiffe.
Etre toujours à la bourre et avoir mille trucs sur le feu qui sonnent à la porte, c’est un peu devenu le mal du siècle on dirait. Vous pouvez être fiers de votre travail (même si comme tout le monde j’ai parfois des désaccords avec vous….coucou avatar 2 ^^).
Force à vous !
Ouais, Le Modérateur, petit ange parti trop tôt. On s’était bien foiré sur ce coup. Ces images doivent rester dans le néant auquel elles appartiennent.
(tentative de créer une hype pour prendre de la thune au passage)
Pour pouvoir gagner des milliers d’abonnés grâce à la lecture de ces « éditos », il faudrait que les non-abonnés puissent y avoir accès…
Sinon, continuez ce que vous faites, j’adore.
J’aime vos articles trop longs, votre podcast, vos videos, l’alchimie de l’équipe, les gouts d’Antoine (ya pire, non? Genre ceux de Deborah?!? ^^ ) et les commentaires haineux me font toujours hallucinés… Bref, merci pour le boulot et sympa cet édito!