Gros budget, grosse déception : pourquoi Le Problème à 3 corps n'est pas à la hauteur du roman

Parmi les choix d'adaptation du Problème à 3 corps sur Netflix, il y a la multiplication des personnages. Un parti pris symptomatique.

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L'adaptation du roman Le Problème à 3 corps sur Netflix est assez fascinante à décortiquer. Le récit de Liu Cixin étant truffé d'idées aux lourdes conséquences concrètes et philosophiques, les partis pris étaient nécessaires... Et ils ont forcément déçu. Néanmoins, le processus suivi par les showrunners D. B. Weiss, David Benioff (connus pour Game of Thrones) et Alexander Woo reste intéressant.

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Après s'être intéressés au destin de Will et aux thématiques du mensonge, maladroitement restituées, on s'attaque à l'audace la plus marquante (et casse-tête) : les personnages principaux.

ATTENTION, SPOILERS !

Le club des 5

Split the atom

"Le but a toujours été de rendre justice à ses idées, qui étaient parmi les raisons principales pour lesquelles on voulait faire la série parce qu'on a jamais lu d'idées similaires, tout en restant attachés à la chose qui serait la plus importante pour les gens qui regarderont : les personnages". Derrière cette phrase de D.B. Weiss, lâchée dans une featurette promo, il y a le gros problème auquel il a dû faire face : restituer des personnages attachants.

Car le roman a souvent été critiqué pour le traitement de ses protagonistes, pour la plupart de simples vecteurs des nombreux concepts qui traversent l'intrigue. Preuve en est du premier tome dont il est (presque) question ici. Son héros est Wang Miao, un chercheur en nanomatériaux chargé d'infiltrer un mystérieux groupe de scientifiques. Il commence à voir un compte à rebours alors qu'il s'essaie au jeu des Trisolariens (des San-Ti chez Netflix). Ce n'est que bien plus tard, après plusieurs sessions de jeu, qu'il apprend le geste de Ye Wenjie et l'attaque à venir des aliens.

Cette femme est PDG

À en croire la fiche Wikipédia, il devient dans la série Augustina Salazar, jouée par Eiza González. Mais les choses sont plus complexes. Car pour sortir de l'écriture très pragmatique de Liu Cixin, les scénaristes ont brouillé les pistes. Saul Durand (Jovan Adepo) se révèle finalement être l'équivalant de Luo Ji, l'un des personnages principaux du deuxième tome et Jin Cheng (Jess Hong) Cheng Xin, l'un des personnages principaux du troisième tome. Quant à Jack Rooney (John Bradley), il a plus ou moins été annoncé comme l'alter ego contemporain de Hu Wen, un personnage secondaire de la dernière partie du cycle.

Résumé ainsi, on pourrait penser que Weiss et Benioff ont juste condensé une bonne partie des arcs narratifs des trois tomes pour se raccrocher à la chronologie temporelle (le temps qui passe), plutôt qu'à la chronologie de la saga (l'ordre des tomes). Un choix qui leur évite de faire trop d'aller-retour dans le temps, au sein d'une histoire qui va par la suite enchainer les ellipses géantes. Toutefois, c'est encore moins simple. Car dans le roman, ce n'est qu'à travers Wang Miao que le lecteur découvre le compte à rebours et le jeu. Cela veut dire que ces 4 personnages ont un peu de lui en eux, certains plus que d'autres. Jack Rooney par exemple, partage beaucoup plus avec Wang Miao qu'avec Hu Wen, d'autant qu'il meurt après 3 épisodes !

Le seul but : ajouter de l'humour (horrible)

smell like teen movie

Sur le papier, c'est un moyen alambiqué, mais assez malin d'ajouter un peu de coeur à la trajectoire de Wang Miao. Dans les faits, la série leur ajoute une ultime caractéristique, qui trahit une logique défaillante : les 5 compères (avec Will, lui aussi inspiré d'un personnage de La mort immortelle) sont tous de jeunes adultes par ailleurs amis dans la vie. Il n'est pas étonnant que les auteurs de Game of Thrones aient insisté pour croiser les trajectoires de leurs personnages surdivisés, histoire de créer des interactions diverses. Mais de là à en faire un groupe de génies de la physique, lorgnant avec instance sur le teen movie...

Outre le fait que les évènements s'enchainent beaucoup trop vite pour ne pas en faire de bêtes fonctions sur pattes (soit exactement ce qu'ils voulaient éviter à l'origine), le récit perd considérablement en ampleur. Une ampleur que même leurs indécents 20 millions de dollars par épisodes n'ont pas su racheter. Voilà donc que le destin de l'humanité repose comme par hasard entre les mains d'une bande de potes vingtenaires, chacun curieusement investi d'une mission différente. Tout de suite, la série tient plus du teen-drama typiquement netflixien que de la grande fresque de science-fiction.

Mesdames et messieurs, les grands scientifiques en charge de notre destin

Et le reste des enjeux est à l'avenant : le chef de... tout joué par Liam Cunningham pilote le destin de la Terre dans un 30 mètres carré, et passé l'arc de Ye Wenjie, la série alterne entre ses ordres et les vacances du groupe de héros. Comme s'il n'était pas possible de faire interagir des personnages sans leur inventer un passé commun... et leur prêter les traits de post-ados prodiges. 

Cette obsession de la télévision américaine à injecter non pas de l'émotion, mais de l'intimité dans ses histoires est exactement ce qui l'empêche de convenablement s'approprier les grands récits de science-fiction. Pour s'attaquer à de tels monuments, il faut revoir son cahier des charges et oser paraître mal-aimable, soit exactement ce qu'il est impossible de faire avec autant d'argent sur la table.

La situation étant inextricable, et si on laissait plutôt ces romans tranquille ?