Le Problème à 3 corps : cette différence avec le livre est LE gros problème de la série Netflix

La Rédaction | 5 avril 2024
La Rédaction | 5 avril 2024

Le Problème à 3 corps a dû faire quelques concessions pour adapter le roman de Liu Cixin. Retour sur une thématique beaucoup trop timidement abordée.

Le Problème à 3 corps était censé être l'un des plus gros – si ce n'est le plus gros – mastodontes de Netflix en 2024. Tirée d'un roman de science-fiction devenu un best-seller planétaire, financée à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars et plus virulente que ses antagonistes en termes de marketing, la série était taillée pour être un évènement à la hauteur de Game of Thrones, la précédente superproduction de ses showrunners David Benioff et D. B. Weiss.

Il y a fort à parier que le résultat n'est pas à la hauteur des attentes. Flop absolu ou petite déception, Le Problème à 3 corps n'a pas créé un énorme engouement. Il faut dire que si l'adaptation des écrits de Liu Cixin garantissait une bonne dose de grand spectacle et de retournements de situation, ceux-ci ne vont pas sans une densité thématique et spatio-temporelle difficile à retranscrire. Un exemple en particulier illustre bien ce problème.

ATTENTION, SPOILERS SUR TOUTE LA SAISON !

 

Le Problème à 3 corps : photo, Jovan Adepo, Eiza González

 

Le mensonge dans Le Problème à 3 corps

Cette saison 1 va vite, très vite. Après à peine 3 épisodes, on découvre l'évènement fondateur de la saga : la réponse de Ye Wenjie aux Trisolariens (San-Ti dans la série), lesquels se sont mis en route pour au mieux coloniser, au pire exterminer l'humanité. Pas le temps de niaiser : le scénario compile tous les grands concepts du roman... au risque de passer outre des idées plus subtiles, qui s'épanouissent entre les moments de bravoure ou de suspense.

L'une de ces grandes idées, c'est celle du mensonge. Pourtant, la scène est bien présente dans la série. Chef de l'organisation secrète qui voue un culte aux San-Ti, Mike Evans (Jonathan Pryce) discute en direct avec eux via les intellectrons. Mais un jour, il se rend compte que le mode de communication de ces aliens qu'on ne peut alors qu'imaginer exclut le concept de mensonge. Puisqu'ils communiquent de manière diffuse, probablement sans user de bouches ou d'oreilles, ils sont incapables de cacher quelque chose à autrui. Dès lors, les extraterrestres se taisent et pour cause : ils viennent de prendre conscience que l'humanité possède une arme redoutable.

 

Le Problème à 3 corps : photo, Jonathan PryceLe dernier mensonge

 

Le mensonge est au coeur des enjeux du Problème à 3 corps et plus encore du deuxième tome La Forêt sombre. Malheureusement, bien forcée d'aligner les grosses séquences, de faire avancer l'arc de Will – emprunté au troisième volet ! – et de s'occuper de ses nombreux personnages, la série ne s'étend pas plus que ça sur le principe. Sauf qu'il s'agit d'un des fondements de la réflexion menée par l'auteur. Une réflexion qui lui a valu, aux côtés d'autres détails, des critiques en occident. Sur un plan politique, beaucoup se sont interrogé sur les valeurs véhiculées par un auteur alors en train de devenir le visage du soft-power chinois. L'espèce humaine devrait son salut à l'occlusion de la vérité. Un terrain glissant... mais fascinant.

La guerre qu'il décrit n'en devient que plus noire, une guerre froide (une partie de l'histoire se déroule pendant la révolution culturelle) de l'espace en somme. Mieux encore, cette énonciation d'une spécificité humaine légitime dans une logique auto-réflexive le geste même d'écriture. Face à la puissance destructrice de la science, la fiction est l'outil le plus puissant à notre disposition et l'art du récit est au centre des enjeux du roman... notamment à travers l'une de ses plus brillantes inventions.

 

Le Problème à 3 corps : photoLe mensonge généralisé est même à l'origine des ennuis de la Terre

 

La revanche du colmateur

En réalité, la série revient à cette thématique bien plus loin, dans ses derniers épisodes. En effet, la fin du Problème à 3 corps emprunte au deuxième tome son arc narratif le plus important, encore une fois afin de grouper les époques. Sauf qu'en n'en dévoilant que le début, il diminue grandement son impact thématique. Il s'agit évidemment du projet colmateur.

Pour rappel, à ce stade du récit et de l'implication humaine dans la guerre contre les San-Ti, les grands de ce monde optent pour une solution radicale : conscients que les aliens ne savent pas déceler le mensonge ou la dissimulation, ils confient à quelques individus le sort de l'humanité. Ceux-ci sont chargés d'élaborer un plan, sans forcément rendre des comptes aux autorités. Ils ont une carte blanche totale, en somme. Parmi ces colmateurs se trouvent deux représentants de l'élite humaine... et Saul Durand, l'un des héros sélectionnés parce qu'il est la cible des San-Ti.

 

Le Problème à 3 corps : photo, Jovan AdepoSaul Durand, l'équivalent de Luo Ji

 

Ce que la série n'explicite pas en revanche, contrairement au roman, c'est la raison pour laquelle il n'est pas pris au sérieux quand il annonce vouloir quitter ses fonctions. En fait, il est piégé. À partir du moment où on lui donne le droit, voire on l'incite à dissimuler ses véritables intentions, personne ne le prendra au sérieux. Le rôle de colmateur est une véritable malédiction, terme qui va d'ailleurs revenir dans la suite de l'intrigue de manière très intéressante. 

Là où la série utilise le concept de colmateur comme un cliffhanger de plus, le roman en fait le coeur de sa démonstration. Il nuance son point de vue sur l'utilisation du mensonge en temps de guerre et dévoile toute son ambiguïté. Ici, il s'agit à la fois d'un vecteur de liberté absolue, à vrai dire inédite dans l'Histoire de la civilisation terrienne, et d'un tombeau psychologique, qui peut emmener l'être humain dans des extrémités diverses, pour le meilleur et pour le pire. Étonnant d'ailleurs qu'en prévision de la saison 2 voulue par les showrunners, ceux-ci n'aient pas plus appuyé cet aspect, qui va révéler toute sa cruelle singularité par la suite. Un manque de temps, une fois de plus.

Tout savoir sur Le Problème à 3 corps

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commentaires
Rorov94m
07/04/2024 à 21:11

Ça me rappel la grande époque de la MGM période Kerkorian machin truc:
Ils produisaient soit disant des trucs à gros budget alors qu'en fait le mec blanchissait la thune de la mafia...
Il en avait strictement rien à foutre du ciné! Parfois il faisait illusion au box office :SPECIES, GOLDENEYE, THOMAS CROWN...lui même était étonné!
Netflix doit faire pareil, regardez les budgets annoncés et le résultat à l'écran: ça sent l'arnaque!
J'adore Snyder, Bay, Scorsese, Garland et cie....mais ce qu'ils ont fait pour Big N est juste regardable et pas justifié au niveau du prix.
Ça sent la banane!

Cacahuète
07/04/2024 à 14:24

Le plat pays de Jacques Brel a bien plus de reliefs que cette série b de sf ! Je ne suis pas très fan de sf , mais celle ci , par rapport à son budget , c est pas bon . Et que dire des acteurs .....aucune crédibilité ! Grosse déception.

Stefun
06/04/2024 à 10:09

J'ai terminé la saison hier. Ayant lu les livres je suis évidemment très déçu par l'adaptation, mais surtout : OU EST L'ARGENT ??? On nous explique que la série a un budget énorme, et à l'écran on ne voit que des scènes de dialogue entre 2 personnages, des champ / contre champ insipides. Netflix doit être une société de blanchiment d'argent c'est ma seule explication...

mario
06/04/2024 à 08:42

un crétin a réussi à déverser son fiel raciste ici dans les commentaires. il faut le faire quand même . parler de l’islam sous une série sf. c’est carrément une obsession pour ces fachos !

cela étant dit , les neo nazis ne sont pas tolérés sur écran large .

avec mes sentiments les plus écœurée

Xelacin
06/04/2024 à 08:25

La thématique du mensonge est pour moi bien rendu dans la série, vous exagérez je trouve.
La série est une adaptation pour l'écran, pas une transposition...
Son seul défaut est le casting, très moyen, à part Benedict Wong, très bon.

ChiefDragoon
06/04/2024 à 02:10

Je suis assez d'accord avec cette analyse, cela dit il fallait clairement s'attendre à de la simplification au vu du texte de Liu Cixin. Et en effet, la série est une version ultra simplifiée du roman. Par contre je trouve intéressant d'avoir intégré certains arcs des tomes 2 et 3 car, pour moi, le tome 1 est , à l'échelle de la trilogie, équivalent à une introduction. La réécriture des personnages est plutôt intelligente et sous entend leur présence dans toutes les saisons. Ce qui va à rebours des personnages des livres qui sont traités de façon froide et clinique (ce qui est clairement en lien avec le fond philosophique de l'œuvre). La série se place donc plus au niveau empathique que philosophique voire métaphysique. Ce qui est totalement raccord avec une volonté de rendre l'œuvre plus accessible au plus grand nombre. J'ai adoré la trilogie de Liu Cixin (qui est clairement dans le top 5 de mes œuvres préférées sachant que je suis une grosse lectrice), et j'avais peur de sa navetisation par netflix, mais j'ai apprécié malgré ses défauts. Je trouve que cette série est une adaptation certes mainstream mais faite de façon intelligente. Et sa plus grande qualité est qu'elle va faire découvrir les livres à de nombreux nouveaux lecteurs.

TekilaDav
06/04/2024 à 00:27

Plus je lis ce genre d articles, et plus je me rend compte que je suis passe a cote de nombreux elements de cette serie.

au depart, j etais un peu largue, puis petit a petit j ai compris le puzzle et l histoire presentee. mais ces articles me montrent que la serie survole certains elements qui ont l air bien plus develloppes dans les livres. et si on ne les a pas lu, on comprend les grandes lignes, mais en passant un peu a cote de plein de subtilites.

j ai trouve son sujet extremement interressant, car tres credible sur la facon de reagir de la race humaine si une race inconnue venait vers nous.
le fait de les venerer comme des dieux ressemble tellement a ce que font deja les humains avec des dieux imaginaires., alors si il s agissait de reels aliens, je n ose imaginer les sectes auxquelles on aurait droit, et la stupidite ambiante qu on devrait endurer

Serievore
06/04/2024 à 00:17

C est dingue comme il y aura toujours des gamins immatures pour venir se battre sur les reseaux sociaux pour dire que c est le truc qu il prefere qui est le meilleur. quelques unes de ces baguartes de cours de recreation au hasard :
-le probleme a 3 corps VS game of throne
-netflix Vs apple Tv
-messi vs ronaldo
-sony playstation vs xbox
-federer vs nadal vs djokovic (tiens un probleme a 3 corps, peut etre pour ca que celui ci est un des conflits les plus acharnes ^^)
-l intelligence humain Vs l islam (non je deconne, l islam ne possede aucun argument compare a l intellogence humaine ^^).

etc, etc. etc ...
rien que dans les commentaires de cet articles, on en trouve 2de ceux que je viens de citer : prob a 3 corps vs got, et apple tv vs netflix.

c est un peu comme si mes gens avaient besoin de forcer les autres a penser comme eux pour se rassurer en se disant qu ils ont raison de penser ca. ou alors juste par betise, par besoin d imposer aux autres leur mode de pensee. sur certaines convictions, parfois, ca s entend de les defendre, quand c est rellement important, et que ca peut influer sur la vie des gens.
mais quand il s agit de designer sa serie, son service de streaming ,ou son sportif prefere, c est tellement pueril

pourquoi ne pas aimer ce que vous aimez sans vous soucier de l avis des autres?

en tous cas ,pour le choix de la meilleure serie, la il y a une evidence entre les deux. ca ne souffre d aucun debat. entre games of thrones, et le probleme a 3 corps, la meilleure serie des deux est tres clairement, et sans aucune contestation possible la serie cree par david benioff, et d. b. weiss. l autre serie ne boxe pas du tout dans la meme categorie. et je defie quiquonque d apporter un argument pour affirmer le contraire ;).

conrad
05/04/2024 à 23:55

J'ai lu le le 1er tome, j'ai vu saison 1 Netflix. Je suis en train de binge watcher la version chinoise et elle me semble meilleure à TOUS les points de vues

Horza
05/04/2024 à 23:42

Finalement je trouve la critique assez bien vue, malgré son titre quelque peu racoleur.
Je pense qu'il y a 2 composantes parmi le public, ceux qui ont lu les livres et ceux qui ne les ont pas lu.
La gageure pour les show runners, était justement de pouvoir concilier les deux publics.
Certains diront que c'était la même chose pour GOT, mais en fait pas du tout, parce que l'écriture de Georges RR Martin a quelques chose de profondément cinématographique, ce qui n'est pas du tout le cas de celle de Liu Cixin.
L'histoire telle que racontée présente de nombreuses références culturelles et historiques chinoises dont je ne suis pas certain d'avoir saisi toute la profondeur.
Alors oui, il y a forcément eu des compromis, des simplifications et des réaménagements dans l'adaptation.
Et nous ne sommes plus aux début des années 2000 où l'on se permettait des saisons de 24 épisodes. Cela implique bien sûr aussi une narration plus resserrée.
En tant que lecteur, donc, je pense que l'adaptation de Netflix est une réussite.
En dépit de ce que j'ai dit précédemment, le principal est là. On retrouve l'esprit des livres, et dans une grande mesure, l'ambiance des livres.
Les moments clés ne sont pas forcément porté par les mêmes personnages que dans les livres, mais les principaux ressort sont bel et bien là.
Alors oui, il est malheureusement possible que la série n'ait pas de suite, mais cela ne serait certainement pas parce qu'elle est mauvaise ou parce qu'elle n'a pas rencontré son public.
Non, ce serait essentiellement parce que dans notre monde, ce sont les financiers qui dirigent et que les créatifs sont à leur merci.
Même si le nombre de vues est très important, il pourra toujours être considéré comme pas assez important, pas assez rentable parce qu'on avait avant même de terminer la série vendu du rêve, non pas au public, mais aux actionnaires.
Bref, si aujourd'hui je veux avoir une chance de vous la fin d'une bonne série, c'est sûr Apple TV que je vais, pas sûr Netflix.

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