Délivre-nous du mal : critique maléfique

Simon Riaux | 8 juillet 2014
Simon Riaux | 8 juillet 2014

Scott Derrickson est un de ces artisans de l'horreur comme chaque génération de cinéastes américains en porte. L'Exorcisme d'Emily Rose et Sinister n'atteindront jamais le statut de classiques, ils n'en demeureront pas moins d'excellents exemples de bandes horrifiques et de petites leçons de productions rondement menées. Alors que le metteur en scène se voit appelé par Marvel pour adapter les aventures du Dr. Strange, c'est avec une attention redoublée que l'on découvre Délivre-nous du mal, œuvre hybride et plus riche qu'il n'y paraît de prime abord.

Avec ses jeunes filles suintantes et ses citations latines répétées ad nauseam, le fantastique catholique a effectué ces dernières années un retour en force à coups de films le plus souvent ratés ou incapables de s'élever au-dessus de L'Exorciste de William Friedkin. Sans doute conscient de ne pouvoir tout à fait échapper à cette figure tutélaire, Derrickson décide de marier les genres (comme lors de son premier film) et d'aborder sa thématique principale non pas à travers les yeux d'un ecclésiaste, mais en donnant les commandes du récit à un policier. Dans le rôle du flic surmené et matérialiste, Éric Bana impose sa marque et infuse dans cette histoire balisée un désespoir et une dynamique inédits. S'il ne fait pas des merveilles, il aide véritablement le metteur en scène à changer le tempo de son récit balisé.

 

 

 

Scott Derrickson peut ainsi s'extraire des carcans de la terreur WASP et de ses vieux démons pour se livrer à son exercice préféré : distordre l'image et le son. Délivre-nous du mal nous offre ainsi quelques très belles séquences, où les effets horrifiques disparaissent au profit d'une attention de chaque instant apportée à la photographie et à la texture de l'image. On est ainsi saisi par la beauté lumineuse d'un flashback tourné en 16mm, étonné par les efficaces jeux de lumière disséminés dans le décor et les nombreuses manipulations visuelles auxquelles se livre le réalisateur.

 

 

Hélas, cette approche rafraîchissante du genre et le soin apporté à l'esthétique globale du film vont de pair avec une grande paresse dans l'agencement de la peur. Pourtant élément essentiel de cette surprenante recette, l'angoisse n'est jamais générée que par des jump scares déjà vus mille fois, comme si le film renonçait progressivement à nous faire frissonner. Difficile de croire au pendant fantastique de ce récit, imposé par des maquillages qui tâchent, des effets sonores terriblement bourrins ainsi qu'une poignée d'effets dispensables. Un laisser aller d'autant plus regrettable que le scénario est obligé de retrouver les rails de l'exorcisme classique lors de son final, alors que le spectateur ne croit plus guère à cette dimension de ce qui était jusqu'alors un très curieux thriller mystique.

 

 

Résumé

Trop roublard et classique dans son agencement du fantastique, Délivre-nous du mal marque en revanche beaucoup de points dans le rythme de son récit et nous rappelle combien Scott Derrickson est un habile créateur d'images.

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