La Cérémonie : le Parasite du cinéma français

Clément Costa | 23 avril 2023
Clément Costa | 23 avril 2023

Claude Chabrol faisait son Parasite avant l'heure avec Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert dans La Cérémonie. En résulte une œuvre cruelle et jubilatoire.

Cinéaste passionné par les rapports de classe, Claude Chabrol a livré de nombreuses œuvres lucides et corrosives. Mais s’il ne fallait retenir qu’un seul long-métrage dans sa filmographie passionnante, ce serait probablement La Cérémonie. Un film qui fait état d’une colère sociale explosive avec une méchanceté jubilatoire. Le tout porté par les performances hallucinantes du duo Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert.

En s’inspirant de l'affaire Papin et de ses adaptations en roman et au théâtre, Claude Chabrol risquait la redite. Il parvient pourtant à créer une œuvre unique qui dépasse largement le fait divers pour devenir un commentaire acide sur la société française de façon plus globale. Un film culte qui est encore cité comme une inspiration majeure par de nombreux cinéastes aujourd’hui, dont Bong Joon-ho pour son Parasite. Qu’est-ce qui permet à La Cérémonie de se démarquer à ce point ? Qu’est-ce qui en fait une œuvre politique intemporelle ? Voyons quelques pistes de réflexion.

 

La Cérémonie : photoTrop souriantes pour être honnêtes

 

MON PAYS VA CRACK-ER

Alors qu’il commence l’écriture de La Cérémonie, Claude Chabrol se dit particulièrement inquiet face à la colère grandissante qu’il perçoit en France. Le cinéaste constate une rupture inédite du dialogue entre les différentes classes sociales du pays. Il en conclut que cette perte du langage ne peut mener inexorablement qu’à une explosion de violence. C’est logiquement ce lien aux mots qui va guider tout le récit, que ce soit de façon métaphorique ou plus explicite.

C’est tout d’abord l’héroïne analphabète qui incarne la complexité de ce rapport au langage. Le cinéaste va s’attacher à traduire toute la frustration qui découle de cette incapacité à lire. Un handicap social qui pousse Sophie au mensonge et à la manipulation par peur du regard méprisant ou condescendant que cette découverte entraînerait – et entraînera inévitablement lors du dernier acte. Mais la violence se substitue également aux mots de manière frontale par les insultes glaçantes qui viennent effriter le vernis social bourgeois de la famille Lelièvre.

 

La Cérémonie : photoAdieu au langage

 

La violence devient immédiatement le thème central du récit et s’incarnera de différentes manières dans toutes les interactions des personnages. On la trouve sous une forme passive, faussement bienveillante. Dès la séquence d’ouverture, Catherine Lelièvre décide à la place de Sophie si elle veut un thé ou non. La jeune Mélinda sera elle aussi caractérisée par cette bienveillance qui peine à dissimuler un mépris de classe particulièrement brutal.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ?

Accèder à tous les
contenus en illimité

Sauvez Soutenez une rédaction indépendante
(et sympa)

Profiter d'un confort
de navigation amélioré

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Rueur
28/04/2023 à 18:31

"En s’inspirant de l'affaire Papin et de ses adaptations en roman et au théâtre" : vous voulez dire le chef-d'oeuvre de Jean Genet, "Les Bonnes" de 1947 !

Rhaegon
23/04/2023 à 18:43

J'avais vu ce film avec ma classe de 1ère (cours d'Histoire-Géo), et si ca en avait saoulé beaucoup autour de moi, ça m'avait vraiment happé.

Et 14 ans après, je m'en souviens très bien, mais n'avais pas fait le rapprochement avec Parasite. Grâce à vous, oui, et à juste titre !

Adam
23/04/2023 à 13:45

Punaise je n’ai pas fait le rapprochement entre les deux œuvres lorsque j’ai vu le film français l’année dernière. Ce fut celui qui m’a le plus marqué parmi les films de Chabrol mis en ligne par Netflix.
C’est pas seulement le langage mais aussi les programmes télé regardés avec les jeux debiles par l’héroïne et l’opéra par ses employeurs. Mais bon je pense que c’était dit dans la partie réservé aux abonnés.