Tout James Bond : Goldfinger, quand 007 devient de l'or

Mathieu Jaborska | 22 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 22 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quelques mois nous séparent encore de Mourir peut attendre, et alors que la dernière aventure de James Bond dans laquelle officiera Daniel Craig attend sagement de pouvoir être exploitée en salles à l'international, Ecran Large ré-explore l'intégralité de la saga consacrée aux aventures de l'agent 007.

Ce week-end, c'est au tour de Goldfinger, un des opus préférés des fans de la saga, qui introduit nombre de gimmicks désormais indissociables du célèbre agent secret.

 

Affiche officielle

 

DE QUOI ÇA PARLE ?

S'il y a bien un crime que la couronne anglaise ne pardonne pas, c'est l'évasion fiscale. C'est pourquoi elle charge son meilleur agent de surveiller de très près un dénommé Auric Goldfinger, qui porte très bien son nom puisqu'il est à la tête d'une fortune considérable, se comptant en milliers... de lingots d'or. Après avoir découvert l'horrible vérité dans un hôtel (le bonhomme triche aux cartes), Bond est mis K.O. par un vulgaire petit coup de poing. Quand il se réveille, sa dernière conquête gît morte, recouverte d'une couche de peinture dorée.

Après s'être fait engueuler par M à cause des frasques libidineuses qui ont coûté la vie à la pauvre femme (spoiler : ça ne va pas le dissuader très longtemps de draguer tout ce qui est blond et féminin), 007 poursuit son enquête sans abandonner son sourire sarcastique, mais il se fait vite capturer. Bien qu'il ait convaincu son ravisseur de ne pas le tuer, l'espion est forcé de voir se dérouler de l'intérieur son plan machiavélique : attaquer Fort Knox au gaz, pour rendre radioactives les réserves d'or américaines et gonfler sa fortune personnelle.

Heureusement, Bond rattrape vite son incompétence en convainquant la pilote du méchant de l'aider en la violant grâce à ses charmes. Le MI6 ruse donc et prétend mourir au contact du gaz, avant de piéger Goldfinger et son armée de Coréens. 007 électrocute un homme de main au crâne dur et permet de désamorcer in extremis la bombe. Et si le millionnaire mégalo survit, c'est pour mieux se prendre une raclée à l'anglaise dans son propre jet. "Cheh", comme disent les jeunes.

 

photo, Sean Connery, Gert FröbeUne partie de golf passionnante

 

POURQUOI C'EST BIEN

Goldfinger, c'est la classe. Si le long-métrage est si bien gradé dans le palmarès des spectateurs, qu'ils soient spécialistes ou pas de l'univers (il est 3e au classement SensCritique derrière deux Daniel Craig), c'est parce que c'est peut-être l'opus qui incarne le plus la classe à la James Bond. Et ça, c'est dû en grande partie à Guy Hamilton, cinéaste qui avait refusé la réalisation de James Bond 007 contre Dr. No, laissant sa place à Terence Young. Ce dernier quitte la licence à cause de différends financiers et Hamilton revient à la barre, pour relever un gros défi.

Car sur le papier, Goldfinger est ambitieux. Plus cher que les deux précédents films, il cherche à plaire à un plus large public, et notamment à s'exporter aux États-Unis, où une grande partie de l'action se déroule. James Bond voit désormais grand, et ce troisième opus devra triompher pour l'imposer comme une figure phare de la pop-culture. Et la mission est largement accomplie, grâce à la mise en scène d'Hamilton, incarnant toute la puissance sobre de l'espion.

 

photo, Sean ConneryLa classe à Dallas

 

Qu'elle parcoure un décor complexe à l'aide d'un raccord plongeon audacieux et d'un panoramique en trompe-l'oeil ou qu'elle découpe ses scènes de baston en dosant les entrées et sorties des personnages, la caméra est au service de Sa Majesté, offrant un écrin classieux à un scénario qui l'est tout autant.

Retorse, la narration du film fait de James Bond un prisonnier tout en ne lui confisquant le contrôle de l'action qu'à de rares occasions. Mais quand il n'est pas en charge, il est au coeur de quelques-unes des meilleures séquences de suspense de la saga, comme celle où un laser (innovation technologique qui fait ici ses débuts au cinéma) frôle les bijoux de famille de la couronne. Un excès de tension galvanisé par une mise en scène recherchée, une idée technique qui a véritablement mis Sean Connery mal à l'aise (l'impact du laser est simulé par un chalumeau) et un bad guy ultra-charismatique.

 

photo, Sean Connery, Gert FröbeLaser game

 

Goldfinger est un véritable atout. Certes, il n'est qu'un bourgeois cherchant à s'enrichir, mais sa folie mégalomane permet quelques instants instantanément cultes, comme la découverte d'un corps féminin recouvert d'or, quand elle ne force pas les services secrets à doter leur agent de ses meilleurs gadgets, tous fourrés dans la fameuse Aston Martin DB5, siège éjectable y compris.

Peut-être moins bourrin que ses prédécesseurs, Goldfinger commence déjà à réutiliser à son avantage la mythologie de la saga, tout en incorporant ses propres idées : pour une fois, la relation que l'espion entretient avec les femmes admet une ambiguïté (quand ses batifolages ne le compromettent pas carrément), symbolisée par le personnage de Pussy Galore, certes bien de son temps, mais qui profite néanmoins d'une place de choix dans la hiérarchie de l'action.

Et on ne parle même pas du sublime générique d'ouverture, préfigurant les expérimentations qui suivront sur ce créneau, ou de la bande originale de John Barry, qui tutoie les sommets à l'unisson avec la réalisation. James Bond était un héros, il commence ici à se transformer en mythe.

 

photoD'or et déjà morte

 

POURQUOI C'EST PAS SI BIEN

Difficile de faire rentrer l'habituel sexisme de la saga dans cette catégorie, tant cette aventure regorge de situations que le temps a rendues plus risibles qu'autre chose. Bond agresse les femmes qui ne tombent pas sous son charme pour qu'elles l'aident - et elles s'exécutent -, il parle de discussions "entre hommes" avant de claquer les fesses d'une partenaire éphémère, évoque un "instinct maternel"... La liste est longue et amuse ou scandalise, au choix. La classe du personnage reste toute relative.

Mais si on se retient d'avoir un peu de recul sur le film, il y a peu à dire. Certes, James Bond n'est pas le plus balèze dans cet épisode où il échoue lamentablement deux fois avant de se faire sauver les miches par les agents du MI6. Son importance n'en ressort cependant pas abîmée : il se rattrape bien, même face à un méchant aussi célèbre.

 

photo, Margaret NolanLa nemesis de la woke culture

 

Les quelques clichés qui s'y nichent (la bombe menaçant d'exploser, le sous-fifre invincible) y sont en réalité nés. On retient néanmoins quelques maquettes en deçà, notamment les plans extérieurs du jet privé, et un taux de baston inférieur au long-métrage précédent. Ce qu'il gagne en classe, Goldfinger le perd en générosité.

D'où le manque absolu de personnalité de la chair à canon, dans les deux camps. Que ce soient les militaires de Fort Knox ou les hommes de main du méchant, particulièrement incompétents quand 007 s'échappe de sa geôle, personne ne brille par son intelligence, et tout ça ressemble à un face à face au milieu d'une armée de mannequins en mousse. Heureusement, Oddjob est là pour donner le change et proposer à Bond un combat d'anthologie.

 

photo, Harold SakataLe sourire de la mort

 

LE BUSINESS BOND

Le carton Bons baisers de Russie avait coûté 2 millions de dollars, mais en avait rapporté presque 80 millions à travers le monde. Comme expliqué précédemment, avec Goldfinger, les producteurs veulent encore passer au palier supérieur et faire sauter le box-office américain. C'est exactement ce qu'il se passe. Grâce à 3 millions de dollars d'investissement, il amasse 51 millions de dollars sur le territoire de l'oncle Sam et 124 millions dans le monde après plusieurs ressorties (c'est le temps des doubles programmes), signant au passage le record historique du plus gros démarrage économique pour un long-métrage.

Aujourd'hui, avec l'inflation, il dépasserait la barre du sacro-saint milliard, performance que la toute dernière aventure de l'espion, Spectre, n'a pas réussi à égaler. Goldfinger marque le véritable début de la Bondmania, via notamment une promotion qui fait de la sortie un évènement. En France, il attire 6,6 millions de spectateurs, ce qui en fait le deuxième film le plus vu de l'année après l'indétrônable Le Corniaud et ses 11 millions d'entrées. Précisons qu'à l'époque, la France compte à peine plus de 45 millions d'habitants.

 

photoUne magnifique campagne de promotion

 

UNE SCÈNE CULTE

On aurait bien sûr pu s'éterniser sur la scène du laser, aussi culte que tendue, mais elle est détaillée plus haut, donc on évoquera le duel final avec Oddjob, le mutique et invincible majordome de Goldfinger. C'est un sommet de la carrière de l'espion, grâce à son inventivité sans failles. Aux prises avec un ennemi résistant à toutes ses techniques classiques, 007 doit pour une fois adapter sa méthode de combat et retourner les armes de son adversaire (un chapeau acéré !) contre lui.

La séquence bénéficie d'une véritable narration dans l'action. Alors qu'on pense que l'agent va renvoyer le chapeau vers son adversaire, il lutte encore un peu avant de le neutraliser de manière détournée. De quoi surprendre l'habitué, qui s'attend à une baston bien plus conventionnelle. Le charisme du colosse campé par Harold Sakata y est pour quelque chose, l'air malicieux et sûr de lui de Sean Connery aussi. Mais c'est surtout le découpage d'Hamilton qui fait la différence, en organisant les espaces avec dextérité pour dynamiser et emplir de suspense l'affrontement.

Une séquence essentielle qui prouve une fois de plus que les meilleurs James Bond ne dépendent pas seulement de leurs interprètes principaux ou de leur taux de gadgets. Ce sont également de sacrés morceaux de cinéma.

Tout savoir sur Goldfinger

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commentaires
Hal-One
25/11/2020 à 11:12

@Goldmember

Heureusement qu'il reste de vrais hommes virils comme vous pour faire fondre les femmes par milliers et sauver notre société en déclin

Goldmember
24/11/2020 à 12:11

@ Bruce the Shark : la sociologie des féministes se trouve essentiellement dans le tertiaire et chez les journalistes/profs (le commerce et les paresseux intellectuels en somme, des métiers où tu vois peu de vrais hommes mais surtout des vieux adolescents) si tu en vois dans la métallurgie lourde, le renouvellement de pièces de moissonneuse batteuses et le GIGN (et toute forme de métier à prise de risque) n'hésite pas à me faire part de cette information.

brucetheshark
23/11/2020 à 13:28

@Goldmember, Waw ! Ca fait beaucoup de bêtises en si peu de lignes !

je ressors quand même ma partie préférée : "que les féministes n'auront jamais la chance de connaitre vu les métiers qu'elle font : souvent des jobs d'employés de bureau" ... Du Caviar !

Waw !

Goldmember
23/11/2020 à 12:47

On oublie qu'à l'époque vendre un mec comme James Bond était un peu grivois, James Bond était une sorte de voyou, de coureur de jupons assez mal vu par les milieux conservateurs. Aujourd'hui le nouveau conservatisme qui s'exprime par les SJW, la Woke culture et tous ces universitaire tristounets qui prêchent une espèce de religion en soi (la rédemption de l'humanité par la déconstruction) nous imposent leurs normes, les nouveaux tabous et les veulent abattre dans la culture les cibles qui gênent ces complexés de la vie (c'est pourquoi IL FAUT que James Bond soit noir ou une femme : c'est insupportable pour ces gens-là que Bond soit ce qu'il est :
le mâle viril blanc (que les féministes n'auront jamais la chance de connaitre vu les métiers qu'elle font : souvent des jobs d'employés de bureau) devient un fantasme qu'elles fustigent et diabolisent alors que si elles rencontraient juste une fois un mâle alpha qui rayonne de charisme, à un sens du leadership, a le dernier mot, est sûr de lui et de l'humour sur tout, elles fonderaient comme toutes (on entend d'ici leur "Ouuuuuuuuuh" "scandale !" et tout ce qui n'est pas fémininement correct).

Benvoyons
22/11/2020 à 17:49

Le film a tres mal vieilli malheureusement. James Bond est prisonnier une bonne partie du film. La scene avec le laser est culte mais on se doute bien de l issue du film.
Les gadgets ont vieilli . Le 1er gps notamment. Le rythme du film est moins bon que dans Bons baisers de Russie. Ce film est surestimé.
Meme si c est un film mythique qui a définitivement imposé des figures obligées dans le cahier des charges bondiens par la suite : notamment la surenchère. Ce qui a du coup éloigné Bond du vrai monde de l'espionnage.

Kyle Reese
22/11/2020 à 12:52

Le tout premier Bond que j'ai vu en VHS. La mort de la jeune femme asphyxiée par la peinture d'or m'avait particulièrement bien marqué à l'époque, j'étais enfant. Pour l'aspect sexiste je dirais autre temps, autres mœurs et c'est très bien comme ça. J'adore le coté suranné des films avec Sean Connery. Mon préféré de toute la saga avec la plus belle réplique d'un méchant, claire, nette précise et qui en bouche un coin et enclenche immédiatement un sacré suspens.

"Do you expect me to talk"
"No Mr Bond, i expect you to die"

Bubble Ghost
22/11/2020 à 12:29

Encore et toujours mon préféré de la saga ^^