Charlie Kaufman

Didier Verdurand | 10 septembre 2004
Didier Verdurand | 10 septembre 2004

Aussi brillant que timide, Charlie Kaufman avoue avec honte ne pas savoir parler français. Deauville ne s'en offusquera point, surtout après l'accueil positif réservé à Eternal Sunshine of the spotless mind. Entretien avec un artiste génial qui parle aux gens en regardant ses pieds.

Nous n'avons pas vraiment l'habitude de voir des comédies romantiques comme Eternal Sunshine of the spotless mind !
Je n'adhère pas du tout à l'ensemble des comédies hollywoodiennes. J'ai écrit ce scénario comme une réponse à ce qui nous est proposé actuellement. Sa structure vient de mon style qui n'a pas à changer selon le genre qu'il aborde. Je suis ambitieux et j'aime me donner des challenges pour aller au plus loin dans la complexité des personnages et de la narration.

Êtes-vous satisfait de son adaptation ?
Quand je travaille avec Michel Gondry ou Spike Jonze, je suis présent à toutes les étapes de la fabrication du film, donc je ne suis pas vraiment surpris quand je vois le résultat final. Je reste attaché au projet, et je trouve que c'est respectueux de l'œuvre écrite dans laquelle je me suis complètement investi.

Il vous arrive d'être en désaccord avec eux ?
Bien sûr, il nous arrive régulièrement de nous disputer, mais toujours dans un souci de créativité. Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui disent qu'un film est la vision d'un unique homme, le réalisateur.

Où vous situez-vous dans le paysage hollywoodien ?
Je n'ai rien contre les studios, car ils offrent plus d'argent pour créer qu'une production indépendante. Adaptation était pour Sony, quant à Eternal Sunshine of the spotless mind, Focus, une branche d'Universal, l'a produit. Dans le cas d'Adaptation, le patron de Sony avait dit à Spike : « Nous te donnons telle somme et te laissons tranquille. Si tu veux plus, nous serons derrière toi. » Les gens s'attendent à un film hors du commun si j'en suis l'auteur, donc il n'y a pas de raisons de me faire changer de direction à partir du moment où j'ai été embauché pour ça.

Avez-vous écrit en pensant à Jim Carrey ?
Non, je n'écris jamais en pensant à quelqu'un en particulier, à l'exception de Dans la peau de John Malkovich. Je ne veux pas être influencé dans l'élaboration du personnage par l'image que j'ai d'un acteur.

Vous faut-il des conditions particulières d'écriture ?
Pas vraiment, je suis très désordonné. Vous pouvez en avoir une idée dans Adaptation. Me retrouver seul dans une pièce devant la page blanche de l'ordinateur est l'étape qui m'est personnellement la plus difficile. Je peux écrire n'importe où, par exemple hier, j'ai eu ici, à Deauville, des idées pour un scénario que je suis en train d'écrire. J'étais assez excité d'ailleurs parce que j'avais enfin trouvé des solutions à des problèmes que je rencontrais, j'étais dans des impasses en allant trop loin dans de mauvaises directions.

Human Nature fut un échec commercial, contrairement à Eternal Sunshine of the spotless mind. Comment l'expliquez-vous ?
Ce sont deux films très différents, et en terme de marketing Human nature a très mal été distribué. Tout est parti de son accueil glacial au festival de Cannes, et les cadres de Fine Line ont paniqué devant les critiques médiocres, pour en arriver à le sortir dans un circuit extrêmement réduit. Rien à voir avec un film qui bénéficie de la présence de Jim Carrey. Je ne pense guère au box-office, pour encore une fois ne pas être touché dans le processus de création. Je n'écris pas pour toucher un large public.

Êtes-vous sensible aux critiques ?
Oui, mais je ne les lis plus aussi consciencieusement qu'avant. En général, elles sont de toute manière positives, donc mon ego n'a jamais été réellement blessé. Sinon, je me rappelle qu'il ne s'agit que de l'opinion d'une personne. Il ne faut pas avoir peur d'échouer dans ce que vous entreprenez, sinon vous ne vous lancez pas de défis et vous n'avancez pas.

Allez-vous souvent au cinéma ?
Je n'y vais que très rarement. Je ne peux même pas vous dire quel est le dernier film que j'ai vu tellement ça remonte à loin. Je regarde occasionnellement un DVD.

Avec qui aimeriez-vous travailler ?
David Lynch. J'ai adoré Mullholand Drive. Que j'ai vu en salle ! J'aime beaucoup les frères Coen...

Sofia Coppola ?
Je n'ai pas vu Lost in translation.

Vous refusez de faire des émissions de télé ou de poser pour des photographes. Vous n'envisagez pas d'être comédien ?
Je l'ai été dans mon enfance… mais je ne crois pas que je pourrais rejouer la comédie, je suis devenu extrêmement introverti en grandissant. En revanche, je passerai à la mise en scène tôt ou tard, en adaptant forcément l'un de mes scénarios.

Vous regrettez de ne pas l'avoir déjà fait ?
Juste pour Confessions d'un homme dangereux. Je pense que j'aurais fait un meilleur film. George Clooney m'a écarté du projet une fois que le scénario a été acheté, et il l'a restructuré. Quand j'ai vu le film, j'ai été déçu, car Clooney a préféré se concentrer sur les rapports du personnage avec la CIA alors qu'il n'en avait pas spécialement besoin. Le personnage avait un potentiel très riche qu'il n'a pas exploité.

Tout savoir sur Eternal Sunshine of the Spotless Mind

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