House of the Dragon : pourquoi la saison 1 est supérieure à Game of Thrones ?

House of the Dragon a rendu beaucoup de spectateurs nostalgiques de la saison 1 de Game of Thrones. Mais était-elle vraiment meilleure ?

House of the Dragon vient d’achever sa première saison sur des audiences triomphales. Plus d’une décennie après sa diffusion, la tentation est grande de comparer ces 10 premiers épisodes à ceux qui composèrent la saison inaugurale de Game of Thrones. Un exercice qui permet tout d’abord de noter les profondes différences entre ces deux récits, issus de l’esprit de George R.R. Martin, mais également de réévaluer et remettre en perspective les débuts du phénomène culturel qui dévoila Westeros au monde entier. 

ATTENTION SPOILERS ! 

SOUVENIRS, SOUVENIRS... 

Sous des myriades d’articles et quantité de vidéos dédiées à House of the Dragon (HotD), on trouve en abondance un type de commentaires bien précis, à savoir un comparatif avec la saison 1 de Game of Thrones. Que son émetteur attaque ou apprécie les débuts du prequel, il le compare bien souvent à GoT et presque systématiquement au désavantage de la dernière née de HBO. À l’évidence, donner une valeur “objective” à l’une et l’autre série est impossible autant qu’absurde, la neutralité n’étant pas tout à fait compatible avec l’exercice critique. Toutefois, les questions soulevées par ces comparaisons entraînent une autre réflexion. 

La mémoire est farceuse. Bien sûr, il est techniquement impossible de prétendre sonder avec précision ou exactitude les opinions des millions de spectateurs de la première saison de Game of Thrones. Pour autant, il y a fort à parier que les années et la nostalgie aidant, le public a réévalué à la hausse, plus ou moins consciemment, la saison d’ouverture de GoT. D’où le désir de comparer les deux blockbusters, afin de voir si la saison qui vient de s’achever de House of the Dragon est si manifestement inférieure à la série originelle. 

Et autant vous prévenir, un examen des deux créations à tête reposée pourra amener à des conclusions plutôt contre-intuitives.

Même les crises d'acné sont mieux faites

DONJONS ET DRAGONS 

Pour beaucoup, les 10 épisodes que nous venons de découvrir manquaient cruellement d’ambition épique, de grand spectacle, à fortiori dans un univers où les dragons sont encore nombreux, puisqu’ils assurent le pouvoir du clan Targaryen. Pourtant, si on compare rigoureusement les deux séries, House of the Dragon est infiniment plus spectaculaire que son aînée. Celle-ci ne peut concourir en matière de monstres volants, puisque sa saison première n’en accueillait qu’un bébé, dans les ultimes secondes de son final.

Pour le coup, les nombreuses apparitions des cracheurs de feu, bien plus abouties que tout ce qu’aura proposé GoT en la matière, réalisées avec un niveau de détail et de complexité étonnants, à l’image du climax dévorant de l’épisode 10, font pencher la balance du ravissement plastique du côté de HotD. Néanmoins, admettons que la série n’est pas aussi musclée en matière de batailles ou de combats humains, quand bien même elle en contient quelques-uns.

Y Arya à dire sur cette scène

Là aussi, la comparaison tombe tout simplement en faveur de la plus récente des deux séries tant GoT, limitée lors de sa première saison par son budget, ne pouvait se permettre de proposer de scènes d’action. Au point de reléguer sa grande bataille finale, celle qui doit accélérer le conflit entre Lannister et Stark, tout en marquant une bascule dans l’équilibre des forces en présence... en hors-champ. Est-ce à dire pour autant que l'intrigue de cette entrée en matière était brillamment écrite ? Pleine de tours de forces et de discrètes réussites, assurément, pour parvenir à synthétiser la langue de Martin d'une part, et nous amener jusqu'à ses trois brillants épisodes finaux d'autre part.

Mais si on retrouve une belle montée en puissance finale dans House of the Dragon c'est depuis son pilote que la série nous assène des leçons de construction et d'écriture, les plus admirables tenant dans l'organisation des ellipses (qui compte parmi les figures de style les plus délicates à manier), mais également dans la richesse de ses niveaux de lecture et actions entremêlées.

Une saison qui sent le feu

CHÂTEAU PAS FORT 

Un autre reproche récurrent adressé à HotD concerne sa direction artistique, fréquemment désignée comme plus répétitive et moins luxueuse que celle de son aînée. Le prequel souffrirait d’un “décor unique”, le palais de Port-Réal, perpétuellement plongé dans les ténèbres. Chacun est bien sûr libre de trouver l’exploitation qui est faite des décors insatisfaisante, mais en l’état, cette affirmation n’en est pas moins fausse, surtout en regard du rendu général de la première saison de GoT. 

Quand la diffusion du pilote a lieu en 2011, son diffuseur et producteur prend un risque notable. Certes, les romans de George R.R. Martin ont leurs fans, mais son public demeure cantonné à l’univers des amateurs de fantasy, et demeure relativement cloisonné du grand public. Une première saison, en raison de la nature du projet est nécessairement coûteuse, et le succès très loin d’être assuré, HBO devait donc faire preuve de prudence avant de mettre tous ses œufs de dragon dans le même panier. 

",Mais qu'est-ce qu'ils racontent encore Ecran Large ?"

D’où une direction artistique qui vise souvent l’économie. Les lieux où se déroulent l’action sont certes bien plus nombreux que dans la série qui suivra... mais aussi drastiquement plus limités. Certains se limitent à une pièce unique, voire une malheureuse tenture. C’est le cas des divers champs de bataille, mais aussi des séquences liées aux Dothrakis. Les poilus ont beau être des nomades, le désir de la production de rester au maximum à l’intérieur de leurs yourtes en peaux de yacks carnivores est patent. 

Dans une certaine mesure, même les scènes les plus importantes ne sont pas épargnées. La mort de Ned Stark est emblématique. Elle est admirablement découpée, interprétée et montée... mais le matte painting représentant le lointain Westeros est indigne de ce que deviendront les standards de GoT et il est bien difficile de regarder la scène aujourd’hui sans noter la grossièreté du découpage des personnages sur l’horizon. 

Autant d’économies ou de limites qui sont tout simplement inexistantes dans HotD, laquelle veille perpétuellement à renouveler notre rapport à l’espace, nous permettant de découvrir Port-Réal sous toutes ses coutures, sans jamais que la caméra paraisse limitée, entravée. Dans ce domaine, c’est une nouvelle fois le prequel qui domine.

Vous voyez ? Y a même des extérieurs !

PANSER LES BLESSURES 

Un constat général d’autant plus frappant qu’à bien des égards, la nouvelle venue se fait fort de corriger les errements qui l’ont précédé. On se rappelle combien la scène de chasse royale, celle qui valut à Robert Baratheon d’être blessé mortellement, fut moquée par les spectateurs, à commencer par George R.R. Martin lui-même, navré qu’on ait transformé en rituel de la cour en happening de punk à chiens mal redescendus du Festival d’Aurillac. 

Ce n’est peut-être pas un hasard si HotD aura à ce point mis l’emphase sur le chapitre accueillant la chasse du roi Viserys, qui contient plusieurs des scènes les plus réussies, précises et symboliquement chargées de cette saison inaugurale. Il en va ainsi de quantité d’éléments, d’importance ou non, que la dernière née du Trône de Fer relit ou repense, non sans réussite. 

On ne fait pas de barbecue sans casser des oeufs

Passons sur les dialogues, tant leur appréhension demeure subjective, pour simplement admettre qu’il ne sera pas évident de déterminer un vainqueur entre les deux séries. Il y a onze ans, Tyrion fascinait les spectateurs, mais force est de constater qu’il était de très (trop ?) loin le personnage le mieux écrit. Du côté des Targaryens consanguins, si personne ne brille autant en 2022, c’est le niveau général qui semble mieux tenu.  

Toutefois, si cette légère supériorité peut s’entendre, rappelons qu’elle est due à l’énorme avantage dont jouit le récit de la Danse des Dragons. Là où Game of Thrones devait patiemment nous familiariser avec un univers tout entier, celle qui lui succède peut raisonnablement parier que son public est familier avec Westeros et ne pas trop s’alourdir de dialogues d’exposition, ou lourdement explicatifs. 

C’est là peut-être ce qu’il faut retenir de la comparaison entre ces deux saisons. Les débuts de House of the Dragon sont-ils meilleurs ? Prétendre le contraire est difficilement tenable. Mais ce dépassement n’est pas tant le fruit d’une opposition que d’une continuité, et la preuve que pour avoir favorisé le changement, HBO l’a envisagé dans le respect et la continuité.