Light & Magic : critique des étoiles plein les yeux sur Disney+

Antoine Desrues | 28 juillet 2022
Antoine Desrues | 28 juillet 2022

Scénariste émérite des Aventuriers de l’arche perdue et de L’Empire contre-attaqueLawrence Kasdan est particulièrement lié à l’héritage de Lucasfilm. Le bonhomme était ainsi tout indiqué pour réaliser une série documentaire sur ILM (ou Industrial Light and Magic), la mythique société d’effets spéciaux fondée par George Lucas pour le premier Star Wars. En résulte Light & Magic, un récit passionnant et exhaustif sur les génies qui ont bouleversé le cinéma américain, disponible sur Disney+.

L'école des sorciers

À première vue, on pourrait craindre que Light & Magic ne soit qu’une louange un peu facile de George Lucas, surtout dans ses deux premiers épisodes, qui démarrent sur la vie détaillée du créateur de Star Wars, entre son amour du cruising (qui lui valut un accident de voiture) et ses études de cinéma. Bien sûr, on ne saurait ôter au réalisateur visionnaire la puissance de son imagination et de sa persévérance, mais ce serait oublier que sa boîte d’effets spéciaux doit sa longévité aux petites mains qui ont révolutionné l’industrie.

Fort heureusement, la galerie d’intervenants prestigieux de Lawrence Kasdan (Steven Spielberg, Kathleen Kennedy, James Cameron, Robert Zemeckis...) ne s'impose jamais par rapport aux employés d’ILM, toujours au centre du dispositif. En alternant sobrement interviews et images d’archives diverses (pour certaines jamais vues), Light & Magic plonge dans le cambouis de ce garage de petits génies, en donnant plus que jamais la parole à Ken Ralston, Richard Edlund ou encore Dennis Muren. Ce qui intéresse à juste titre Kasdan, c’est le côté débrouillard de cette bande, dont il s’amuse même à retracer le parcours professionnel parfois inattendu.

 

Light & Magic : photoL'amicale des maquettistes de Quimper vous accueille

 

Loin d’un guide technique sur les coulisses de Star Wars, la série s’attarde plutôt sur la dimension humaine de cette aventure insensée, et distille avec malice quelques anecdotes amusantes (une sortie d’urgence d’avion servant de toboggan aquatique sur le parking de la boîte par exemple).

Par cet équilibre bien senti, Light & Magic n’en est que plus belle et passionnante, et sait quand frapper fort en reconstituant les difficultés de post-production d’un des plus grands films de l’histoire. Motion control, matte painting, maquettes et stop-motion, tout y passe avec un sens du détail à la fois maladif et pédagogue, où chacun et chacune peut se targuer d’une idée qui a pu tout changer (on retiendra notamment la création “à l’arrache” du Faucon Millenium par Joe Johnston).

Difficile de ne pas ressentir une pointe d’émotion devant cette mallette géante de chimiste et ses effets directs, surtout que Kasdan se permet d’utiliser des extraits de la trilogie originale sans les retouches dégueulasses de George Lucas. Forcément, Star Wars possède une place importante dans la première moitié de la série, avant de bifurquer sur les pierres angulaires qui ont fait la renommée d’ILM (Willow, Abyss, Terminator 2, Jurassic Park). Bien sûr, on pourrait reprocher à l’ensemble de ne pas assez s’attarder sur des exemples moins évidents, mais il faut bien reconnaître que la narration globale des six épisodes est menée tambour battant.

 

Light & Magic : photoILM B1 LES CGI

 

Il était une fois la révolution

Light & Magic sait rappeler au spectateur à quel point les plus grandes prouesses du studio n’ont jamais été des évidences, et qu’elles sont principalement dues à des allers-retours permanents, à des tests et des dialogues incessants. Kasdan s’amuse d’ailleurs à reproduire cette énergie par quelques montages alternés bien sentis (comme ce ping-pong verbal entre Lucas et John Knoll quand ils repensent à la production de La Menace Fantôme).

À vrai dire, la vraie plus-value de la série documentaire tient à son étonnante honnêteté (surtout pour une production Disney). Alors qu’on s’attendrait à voir son réalisateur arrondir les angles – bien qu’il le fasse par instants en passant vite sur certains projets –, Light & Magic traite ILM comme une boîte avec ses hauts et ses bas. Si la franche camaraderie, voire l’esprit familiale de l’entreprise, est mise en avant dès que possible, Lawrence Kasdan prend pour nœuds dramatiques les grandes transitions de l’histoire du studio, et accentue ses difficultés.

 

Light & Magic : photoPhil Tippett aux manettes

 

Du renvoi de John Dykstra (le premier grand manitou d’ILM) après le premier Star Wars au passage vers les images de synthèse, le documentaire n’hésite pas à mettre en scène des guerres d’ego et une méfiance (légitime) envers une certaine idée du progrès.

Alors que l’équipe spécialisée dans les maquettes et les marionnettes s’est vue évincée rapidement au profit des animateurs, Kasdan s’attarde sur une restructuration complexe, qui a mené au ILM qu’on connaît aujourd’hui. Nous voilà tiraillés entre le témoignage touchant de Phil Tippett (le génie des animatroniques) et celui des ambitieux animateurs de Jurassic Park qui ont tout bonnement volé son travail en imposant les CGI à Steven Spielberg, pour le résultat phénoménal qu’on découvre encore de manière extatique.

Plus nuancé et doux-amer qu’il n’y paraît, Light & Magic réussit à être le récit d’une bien belle aventure humaine, bourrée de rebondissements et de péripéties inspirantes. Toujours en avance sur son temps, la société d’effets spéciaux a su se construire sur un certain iconoclasme, et sur un esprit rebelle des plus hollywoodiens. Difficile de faire plus raccord avec un tel mastodonte de l’industrie du cinéma américain.

Les 6 épisodes de Light & Magic sont disponibles sur Disney+ depuis le 27 juillet 2022

 

Light & Magic : photo

Résumé

Efficace et sans langue de bois (ou presque), Light & Magic retrace avec moult détails et anecdotes amusantes l’histoire d’une des sociétés les plus importantes de l’histoire du cinéma. Touchant et passionnant pour tout cinéphile qui se respecte.

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commentaires
neuneu
30/07/2022 à 12:45

Tout visionné et c'est vrai que ces mecs sont des génies et ont révolutionné l'histoire du cinéma. Extraordinaire.

Kyle Reese
28/07/2022 à 22:56

A mettre en parallèle avec la grogne actuelle chez les petites mains des sfx à Hollywood et sûrement de part le monde. J’aurais adoré participer à la révolution ILM. Ça me fascinait tellement.

JR
28/07/2022 à 16:09

Idem

DL
28/07/2022 à 14:41

Hop ça part sur la liste de visionnage ^^

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