Pistol : critique God Save the Queen sur Disney+

Chloé Chahnamian | 7 juillet 2022
Chloé Chahnamian | 7 juillet 2022

Après son film musical sur les Beatles intitulé YesterdayDanny Boyle, le plus punk des cinéastes anglais, revient avec Pistol à consommer sur Disney+, une mini-série centrée sur l’histoire des Sex Pistols, et plus précisément sur Steve Jones, le chanteur puis guitariste du groupe interprété par Toby Wallace. Le réalisateur de Trainspotting nous embarque donc dans les années 70, au sein d’une Angleterre trop sage qui n’attendait que les Sex Pistols pour se rebiffer et enfin se faire entendre et attention, ça dépote.

history of Pistols

De la comédie au drame en passant par le thriller post-apocalyptique, Danny Boyle s’est fait remarquer avec Trainspotting, réalisé en 1996. Et c’est encore une histoire de marginaux qu’il met en scène dans Pistol, la mini-série produite par Craig Pearce, le plus proche collaborateur de Baz Luhrmann, qui a notamment participé aux scénarios de Roméo + Juliette, de Moulin Rouge et du très récent Elvis. C’est donc l’histoire du groupe le plus sulfureux du Royaume-Uni que le duo de choc a choisi de raconter, pour notre plus grand plaisir.

Contrairement à de nombreuses oeuvres déjà existantes sur les Sex Pistols, la mini-série ne se concentre pas sur la vie mouvementée et le destin tragique de Sid Vicious, bassiste du groupe, connu pour son histoire d’amour passionnée avec Nancy, mais sur Steve Jones, le chanteur puis guitariste des Sex Pistols. La série est d’ailleurs basée sur Lonely Boy: Tales from a Sex Pistol, les mémoires du monsieur.

 

Pistol : Photo Toby WallaceSteve Jones, le rebelle originel

 

Avant de raconter la déchéance, Pistol raconte surtout les prémices du groupe. Comme Richard Linklater le faisait également dans ses films Génération rebelle, Everybody Wants Some et d'autres, Boyle propose un portrait de la jeunesse et plus particulièrement de son insouciance. Ils sont jeunes, ils sont fous, ils sont sauvages, bref, ils sont les Sex Pistols. Puisque l’ascension a été aussi fulgurante que la redescente pour le groupe (il n’est actif que pendant trois ans avant de se reformer très brièvement vingt ans plus tard), les six courts épisodes s’inscrivent dans une véritable continuité et arrivent à raconter l’histoire complète du groupe.

Biopic musical pur, Pistol ne passe pas à côté de certains moments obligés comme les enregistrements et les concerts, mais aussi les galères du groupe et les changements de membres. Mais sa plus grande force réside justement dans sa capacité à ne pas seulement raconter les déboires d'un groupe, mais à creuser bien plus loin.

 

Pistol : Photo Toby Wallace, Jacob Slater, Anson Boon, Christian LeesLes Pistols avant Sid Vicious

 

Punk à chien

Plus qu'un récit sur les Pistols, la mini-série est surtout une oeuvre sur le mouvement punk et sur l'Angleterre des années 70. Ainsi, la boutique de vêtements de la créatrice Vivienne Westwood devient un lieu aussi mythique pour les punks que le Palais de Buckingham pour les Anglais. Sans donner de cours d'histoire, Pistol arrive aussi bien à évoquer ces moments cultes de la contre-culture anglaise qu'à en présenter les icônes.

Nous ne découvrons donc pas seulement les Sex Pistols, mais aussi ceux qui faisaient partie de leur bande et d'autres noms qui ont influencé leur parcours. En plus de Vivienne Westwood, Pamela Rooke alias Jordan, mannequin punk interprétée par Maisie Williams, fait également partie des personnages récurrents, tout comme la chanteuse Chrissie Hynde, jouée par Sydney Chandler, qui a travaillé dans la boutique de Westwood avant de former son groupe The Pretenders. Mais comme derrière chaque phénomène se cache un leader, Pistol met également en avant la figure de Malcolm McLaren, campé par le fantasque Thomas Brodie-Sangster, le manager fou du groupe le plus inspiré de son époque.

 

Pistol : Photo Thomas Brodie-Sangster, Talulah RileyMalcolm McLaren et Vivienne Westwood, porte-parole d'une révolte

 

Parfois, par ces évocations et hommages, Pistol pourrait être considérée comme élitiste, comme réservée à ceux qui connaitraient sur le bout des doigts le mouvement punk et le contexte social et politique de l'Angleterre de cette époque. Malgré ces éléments qui pourront en rebuter certains, l'écriture très maligne de la série permet de ne pas empêcher ou troubler la compréhension d'un public "lambda". Ces références doivent être appréhendées comme des clins d'oeil.

En plus de l'invocation d'icônes comme Elvis et Bowie dont le destin tragique semble planer au-dessus du récit et des personnages, Danny Boyle convoque des références purement liées au Royaume-Uni et son contexte social comme la crise de la pomme de terre en Irlande. Le réalisateur ne cesse d'établir des liens entre la naissance des Sex Pistols et la politique de l'époque et confirme que sans ces événements, les Pistols n'auraient jamais existé, ils en sont une conséquence directe. L'utilisation d'images d'archive semble nécessaire pour vraiment comprendre les origines du mouvement et ses répercussions.

 

Pistol : Photo Toby Wallace, Anson BoonLe cri du coeur

 

ovni boyle

Mais les images d'archives intégrées au récit n'ont pas qu'une valeur documentaire. En insérant des images d'Élisabeth II, d'Elvis et même des Beatles, Danny Boyle n'établit pas de hiérarchie entre ces célébrités, il rend seulement compte de l'ambiance générale de cette Angleterre à ce moment précis de l'histoire. Cette intégration de l'archive surprend tellement que les premières minutes de la série semblent être sorties de la tête d'un toxicomane en plein bad trip. Les images d'archives apparaissent comme des flashs, des irruptions. Puis, au fur et à mesure, elles se fondent complètement au récit fictionnel, bien que renseigné, qui constitue le coeur de l'oeuvre.

Visuellement, Pistol est une oeuvre inclassable. Le montage est saccadé, des images sont au ralenti, certains plans sont flous et même débullés. Si les images d'archives ont du grain, les images de fictions sont également travaillées pour en faire des images déjà mythiques. On ressent toute l'énergie qui émane des Sex Pistols à travers ces visuels anarchiques, voire psychédéliques. C'est flou, de travers, chaotique, électrique, bref, il y a dix idées par plans et c'est à l'image du groupe.

 

Pistol : Photo Louis Partridge, Jacob SlaterSid le vicieux

 

Mais cet ancrage historique ne passe pas seulement par la valeur des images, mais aussi par leur format. En filmant en 4/3, Boyle inscrit son oeuvre dans les années 70 et dans le flux des images de cette époque. Ainsi, en plus de montrer les Pistols sous un nouveau jour et de raconter l'époque à travers l'invocation d'icônes, Pistol est une série qui vaut aussi pour son look. Mais jamais l'esthétique ne prend le dessus sur le récit, les deux font la paire et ne cessent de se répondre pour finalement former une oeuvre passionnante.

Pistol est disponible en intégralité depuis le 6 juillet 2022 sur Disney+

 

Pistol : affiche française

Résumé

Danny Boyle réussit en seulement six épisodes le pari de montrer à la fois la création des Sex Pistols, sa mythification et son déclin. Visuellement, Pistol ne nous perd pas une seconde grâce à son montage frénétique et ses incrustations d'images d'archives, faisant de son oeuvre le parfait éloge du mouvement punk et de ses revendications.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.8)

Votre note ?

commentaires
Chrisem
09/07/2022 à 20:59

Dire que j'attendais cette série depuis longtemps relève de l'euphémisme !!!

Du coup je l'ai gobée d'une seule traite et elle vaut le coup ... N'ayant pas lu l'autobiographie de Steven Jones, je ne pourrais dire si cette mini-séries y est réellement fidèle.... Mais en tout cas elle reprend nombre d'éléments figurants dans mes lectures sur les Pistols ...

Enfant des années 70, j'étais malheureusement trop jeune pour accéder à la musique des Sex Pistols qui de toute façon n'était pas aussi accessible que celle d'aujourd'hui... Pas de YouTube, pas de Spotify, de Deezer ou autre Dailymotion, ni encore moins d'intérêt à l'époque grâce auxquels j'aurais pu voir et entendre ce groupe mythique mais contesté du mouvement punk .... À l'époque où le groupe de Steeve Jones s'éteignait je n'avais jamais "choisi" d'écouter de la musique tout seul, ce choix étant celui de mes parents vu mes même pas 10 ans ... C'est grâce aux adolescents du village que j'ai découvert le hard rock qui m'a mené quelques années plus tard à découvrir le punk et le rock alternatif, Ludwig Von 88, La Souris Déglinguée, Parabellum, Noir Désir ou encore Les Rats ... De la France au reste du monde il n'a pas fallu longtemps pour que le nom et la musique des Pistols parviennent à mes oreilles ... J'aime ce groupe, malgré son côté préfabriqué, boys band avant l'heure, et son histoire tragi-comique ... C'était un beau reflet de l'époque dans laquelle ils vivaient ...

J'aime Danny Boyle, beaucoup... Alors quand j'ai appris qu'il allait faire une série sur les Pistols, j'ai tout de suite été impatient de voir le résultat... Et après avoir vu les 6 épisodes consécutivement, mes attentes sont comblés ! Que ce soit en terme d'histoire, de réalisation, de casting tout est réussi et contribue à la réussite de cette mini-série ... Même si la relation entre Steeve Jones et Chrissie Hynde diffère de ce qui c'est réellement passé, elle apporte quelque chose de plus à cette série déjà bien fournie en relations humaines intenses et en manipulations ... Une mention spéciale à la scène ou Sud découvre le corps de Nancy dans la salle de bain... Même Gary Oldman, pourtant impérial dans le "Sid ans Nancy"n'a donné une interprétation aussi marquante de Sidi Vicious que Louis Partridge... À noter l'apparition Maisie Williams, la Arya Stark de "Game of thrones", qui dans rôle secondaire assez important livre une prestation très réussie...

Donc du coup si vous aimez le (punk) Rock avec un grand R ou les petites histoires dans les grandes ou que vous avez découvert la musique "métal" grâce au dernier épisode de la quatrième saison de "Stranger things" je ne saurais que vous conseiller de foncer regarder cette mini-série ...

Defort
08/07/2022 à 12:30

Vu et je recommande fortement qu'on connaisse ou non les Sex Pistols. Pour avoir lu le livre de Steve Jones et celui de Johnny Rotten, la série colle absolument aux faits. C'est très bien réalisé, la BO est juste génial, l'ambiance de chaos est parfaitement retranscrite notamment dans les concerts, bref que du régal.
Mention ++ pour l'acteur qui incarne Sid Vicious (ressemblance physique, même voix, mêmes mimiques), un léger bémol pour l'acteur qui incarne Johnny Rotten, parfois c'est juste un peu "too much" mais incarner monsieur Rotten est une chose très difficile.

Andarioch1
07/07/2022 à 19:19

Rassuré.
J'avoue que Disney sur le coup c'était pas encourageant.
Bon, après, ce vieux taré de Danny Boyle, par contre, mettait en confiance.

Flash
07/07/2022 à 17:25

Le punk c’est vraiment pas ma came, mais je vais regarder.

Saiyuk
07/07/2022 à 16:13

Vont être déçu les gens, baymax et pistol, oussekine, comme quoi disney + ne fait pas que de la merde...pas trop dur les rageux ?

Cidjay
07/07/2022 à 14:53

Punk is "not yet" dead !
je regarderai ça avec le plus grand intérêt, étant moi même un grand fan de Punk rock.

votre commentaire