Jeune et Golri : critique du petit phénomène comique de 2021 ?

Mathias Penguilly | 7 septembre 2021 - MAJ : 07/09/2021 21:32
Mathias Penguilly | 7 septembre 2021 - MAJ : 07/09/2021 21:32

Deux éléments font de la scène stand-up un vivier incroyable pour sociétés de production : le charisme de ses artistes et leur côté gentiment mégalo. Depuis Larry David et Jerry Seinfeld, les humoristes aiment se raconter dans des autofictions taillées pour le petit écran. Il y a eu Louie avec Louis C.K.Donald Glover avec Atlanta ou encore plus récemment Ramy Youssef avec Ramy et Issa Rae avec InsecureDe ce côté de l'Atlantique, on a aussi eu droit à Platane avec Eric Judor... Le dernier venu : Jeune et Golriune comédie OCS en huit épisodes, récompensée de deux statuettes au Festival Séries Mania 2021. Mais que vaut cette incursion d'Agnès Hurstel devant la caméra ?

L'inconnue du comedy club

D'Agnès Hurstel, le grand public ne connaissait pas grand-chose. Habituée des caves de stand-up parisien, la comédienne était également connue pour ses chroniques régulières dans la Bande originale de Nagui sur France Inter. En 2017, elle est également restée à l'affiche de Va te laver la bouche !, son premier seul en scène, dans des petites salles de la capitale. Avec Jeune et Golrila jeune humoriste franchit un cap et s'essaye à l'autofiction pour la télévision (à moins que... Le stand-up n'est-il pas l'autofiction poussée à son paroxysme ?).

La série est inspirée de sa vie réelle : Agnès comme son avatar, Prune, sort avec un homme plus vieux. Bon, sauf que dans la vraie vie, il n'a pas d'enfant, mais un chat baptisé Zlatounette. Pas le même degré de responsabilités, c'est Prune elle-même qui l'avoue dans les premiers épisodes de la série. Après avoir perdu un pari douteux, Prune, 25 ans, doit embrasser Francis, un quarantenaire divorcé un peu coincé. Ils tombent amoureux. Tout va pour le mieux, jusqu'à ce qu'elle rencontre Alma, la fille de Francis... une petite-peste-presque-parfaite (accessoirement fan de Napoléon). Le décor est posé.

 

photo, Jehanne Pasquet, Agnès HurstelPrêts ? La guerre peut commencer !

 

une JOLIE ODE À LA RÉGRESSION,...

Tout dans cette série respire la régression : du look branché (mais légèrement rétro) des personnages, en passant par la musique de Pierre Leroux, sans oublier le générique animé, qui rappelle des émissions télévisées d'un autre âge. Agnès Hurstel veut nous signifier que Prune est une ado attardée, une humoriste adulescente fan de blagues pipi-caca, effrayée à l'idée de devenir adulte (comprendre une personne responsable). Tout est fait pour suggérer une forme de nostalgie de l'insouciance.

Agnès Hurstel s'éclate dans ce jeu avec elle-même, et ça se voit. De ses blagues et de son rire, s'échappe une vraie spontanéité : on la sent prête à éclater de rire à chaque gag et on a volontiers envie de rire avec elle. Il y a un peu de nous tous dans son personnage d'adulescente potache et inadaptée : Prune(au) est la bonne copine avec laquelle on veut aller en soirée.

Au cours de la série, elle dissémine quelques punchlines féministes et livre ses agacements sans jamais se la jouer donneuse de leçons. À ce titre, l'écriture est particulièrement subtile et réussie, justement parce que la série ne paraît jamais trop écrite.

 

AfficheUne esthétique rétro-pastel vs. une héroïne moderne et haute en couleurs

 

... UNE JOYEUSE BANDE DE FAIRE-VALOIRS...

Agnès Hurstel s'est entourée d'une belle équipe pour cette première saison. Dans sa joyeuse bande de potes, on retrouve de nombreux comédiens dans le vent qui jouent chacun des rôles proches de leurs avatars de comédie : Paul Mirabel en somptueux loser, Lison Daniel, star d'Instagram en humoriste ultra-ambitieuse et Marie Papillon (hilarante par ailleurs dans Marie et les choses) en meilleure copine franchouillarde, pour ne citer qu'eux. Même Ophélia Kolb (l'ex de Francis) joue ici un rôle qu'on lui connaît bien, celui d'une Colette (Dix pour cent), moins tragique et un chouia moins coincée peut-être.

On se dit quand même qu'ils ne prennent pas beaucoup de risques et qu'ils sont sacrément sous-employés. Tout juste sont-ils là pour lâcher quelques punchlines et rythmer un peu la série. Souvent, la copine Adé est réduite au rôle d'horloge, rappelant systématiquement à Prune qu'elle doit se produire à telle heure, qu'elle doit venir rencontrer la productrice tel jour, etc.

Cela est encore plus criant pour Jonathan Lambert, qui campe le tendre Francis. On ne l'a jamais vu aussi discret et effacé. Il rigole (beaucoup) aux blagues de Prune et de ses copains, mais il ne fait pas vraiment rire. À part quelques "blagues de papa" dans le sixième épisode, force est de constater qu'il n'est ni jeune, ni golri. Heureusement, Agnès Hurstel l'est pour deux.

 

photo, Agnès Hurstel, Marie PapillonAdé, la plus cool des copines thésarde

 

... ET une RECETTE appliquÉe À la lettre

Les thèmes explorés dans Jeune et Golri ne sont pas vraiment innovants : il suffit d'aller voir sur Youtube, la figure de la belle-mère inspire de nombreux comédiens. De même, le coup de la différence entre les deux amants et de l'enfant caché sont récurrents dans le genre de la comédie romantique. Sans oublier bien sûr les parents trop envahissants et le petit frère teubé. La série reprend tous ces éléments classiques et sans surprise, ça fonctionne assez bien.

Là où l'écriture de la série est plus originale et assez intelligente, c'est dans sa manière de péter les critères générationnels. Les plus vieux sont des grands enfants, coincés à l'âge des premières cuites, les jeunes adultes ressemblent à de grands ados immatures, et les gamins ont l'air trop sérieux et coincés pour leur âge. La série s'amuse avec brio des stéréotypes d'âge et c'est plutôt réussi.

Côté réalisation, il y a quelques idées très intéressantes : certains plans sont vraiment beaux, comme ceux dans le musée de la guerre ou encore les contre-plongées dans les escaliers du comedy club. Le passage derrière la caméra de Fanny Sidney (Camille Valentini dans Dix pour cent, diplômée de la Fémis, en parcours "Réalisation") est remarqué. Rien d'absolument révolutionnaire cependant. On peut regretter que les scènes de stand-up dans la cave soient un peu insipides : les gros plans sur certains spectateurs dans le public ne suffisent pas toujours à transmettre l'émotion. On s'imagine assez difficilement dans la salle avec les protagonistes. 

 

photo, Jonathan Lambert, Agnès HurstelLes clés du succès : une recette inratable dont on ne dévie jamais

 

En bref, la série remplit sa mission, mais elle est par moments un peu propre et scolaire. Aussi bien dans les thèmes de l'intrigue que dans sa mise en scène. Reste qu'on termine avec un goût de trop peu (huit fois vingt-cinq minutes, un format habituel pour une comédie, mais décidément trop court), ce qui signifie certainement que la série est réussie.

Quelques jours à peine après sa première diffusion, la série a déjà reçu deux prix au festival Séries Mania 2021: celui de la meilleure série française (un triomphe pour les comédies, le Festival avait déjà distingué Mytho lors de la précédente édition) et celui de la meilleure musique. Son équipe fait le tour des grandes rédactions et des plateaux de radio. Peut-être qu'Agnès Hurstel, Fanny Sidney et leur bande reviendront pour une seconde saison.

La saison 1 de Jeune et Golri est disponible sur OCS.

 

photo

Résumé

Jeune et Golri ne prend pas beaucoup de risques, ni sur le plan de la mise en scène, ni sur le plan des thèmes déjà vus et revus. Pourtant, il n'est pas difficile d'aimer la nouvelle comédie OCS. Le charisme de son interprète rend la série très attachante, et son esthétique régressive est absolument charmante. Pas sûre que la série laisse un souvenir impérissable, mais elle est idéale pour faire d'une soirée ennuyeuse une soirée agréable.

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commentaires
Morgane Lafée
07/09/2021 à 12:29

A l'image du palmares de Séries Mania : sans prise de risque, sans ambition artistique particulière et sur des thèmes vus et revus.

ZakmacK
07/09/2021 à 12:20

C'est pas nul, mais c'est quand même très scolaire. Je me suis arrêté à l'episode 5 sans jamais ressentir le besoin de continuer... Dans le même genre j'avais largement préféré irresponsable sur Ocs, mieux joué, plus drôle.

Jojo
07/09/2021 à 11:47

Faut que je m'y mette j'en attends que du bien !

JR
07/09/2021 à 10:46

Excellente surprise, entre surjeu et douceur, bien écrite, les épisodes s'enchaînent avec plaisir.

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