Unorthodox : critique qui n'y croit pas sur Netflix

Marion Barlet | 3 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Marion Barlet | 3 avril 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La mini-série Unorthodox de Netflix met en scène l'histoire d'Esty, une jeune fille juive en porte-à-faux avec la communauté hassidique orthodoxe dont elle est originaire. Pendant 4 épisodes de 50 minutes, le spectateur assiste au périple de sa fuite, de New York à Berlin, dans un choc culturel qu'elle va devoir intérioriser. Inspirée de l'autobiographie de Deborah Feldman Unorthodox : The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots, le réalisme sériel est pourtant sujet à caution.

LE VESTYBULE DE L'ENFER

Les premières images montrent la fuite d'Esther Shapiro (Shira Haas), dont c'est le nom d'épouse, sans bagage et terrifiée. Elle quitte les rues de Williamsburg, Brooklyn, pour s'envoler vers Berlin où elle doit repartir de zéro. Presque sans argent ni famille, mais surtout sans instruction, la jeune fille affronte tout ce que la communauté hassidique considère comme impur pour les juifs : une terre de Shoah, de dépravation, d'immoralisme et de perdition.

 

Photo Shira HaasLe besoin d'être libérée, délivrée

 

Le combat d'Esty est double : se départir des préjugés qu'elle a acquis et s'émanciper des siens qui la pourchassent jusqu'en Europe. Habituée aux tâches ménagères et aux rituels religieux, la jeune fille de 19 ans découvre un monde où les femmes sont les égales des hommes, travaillent, ont de l'ambition et une sexualité plus épanouie que la sienne.

La mise en scène construite par flashback et montage alterné distingue deux univers qui finissent par se rencontrer, au dernier épisode. D'une valeur scénaristique très faible au niveau de ses personnages, la partie sur la communauté juive orthodoxe possède néanmoins une vertu documentaire, folklorique aussi, pour les non-hassidiques ou spécialistes de la culture judaïque. En ce qui concerne Berlin, on y trouve les individus les plus gentils et généreux de la planète, qui donnent une répartie melliflue à l'héroïne.

 

Photo Jeff WilbuschLe cousin vicelard et le benêt mari

 

UN FESTYVAL DE BONS SENTIMENTS

Dès qu'elle arrive à Berlin, Esty veut rejoindre sa mère qui a fui des années plus tôt le corset de Williamsburg. Alors qu'elle la retrouve, sa fille s'aperçoit qu'elle est en couple avec une femme et refuse les retrouvailles, seulement retardées. Bien qu'elle l'ait abandonnée, sa mère l'assure de son amour et offre une version des faits, dans le dernier épisode, qui nous permet de dormir sur nos deux oreilles : les méchants sont très méchants et les victimes très gentilles.

D'un binaire affolant, les personnages sont cousus par des caractéristiques que la réalisation s'acharne à prouver : la mère est une bonne mère, les amis sont fidèles et sympathiques, le cousin Moishe (Jeff Wilbusch) est vicieux, son mari (Amit Rahav) est un benêt, etc. Le degré zéro de la surprise aboutit à un happy ending réchauffé, où la leçon est martelée une dernière fois : être extrême et fermé d'esprit, c'est mal.

 

photoLa pétillante actrice Shira Haas

 

LA VERITÉ TRAVESTY

Certes tirée d'une histoire vraie, la mini-série n'en est pas pour autant réaliste et vraisemblable. La faute incombe peut-être au format, de seulement 4 épisodes de 50 minutes, qui provoque des accélérations dans l'intrigue et la rend vaseuse. Le rapprochement rapide d'Esty avec les musiciens et leur implication dans son entrée au conservatoire manquent de profondeur, dicté par des élans du coeur mal rodés.

Un aspect demeure toutefois très prenant, quoique maigrement exploité, dans cette mini-série qui place le thème réligieux sectaire au centre du récit. Les orthodoxes de Williamsburgh (la communauté Satmar) maudissent la terre allemande pour le génocide de leurs ancêtres, dans le souvenir duquel ils vivent au quotidien. Le paradoxe de l'oeuvre est de briser ce cliché pour instaurer une dialectique tendue entre le passé du Vieux continent et le présent réactionnaire des Hassidiques. Esty rebrousse l'espace mais pas le temps et s'épanouit dans la ville de ses arrières-grands-parents et grands-parents, reniant les valeurs de la génération avant elle.

Unorthodox est disponible sur Netflix depuis le 26 mars 2020

 

Affiche

Résumé

Ce parcours de vie incroyable est pavé de bonnes intentions et a beau construire un récit vrai, il n'est vraisemblable ni dans sa rapidité ni dans le caractère monocorde de ses personnages.

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commentaires
Agathe
20/01/2021 à 23:00

Je me pose encore la question de savoir pourquoi elle refuse de revenir avec son mari qui l’a touché en coupant ses franges et qui lui promet de faire autrement et d’être une famille . À t-elle avorté et c’est la raison pour laquelle elle répond que c’est trop tard ?

Antoine
03/07/2020 à 11:34

Il me semble que ces reproches tiennent essentiellement au format mini-série. Avec le temps d'écran des personnages (2h), on ne peut pas s'attendre à un développement et une évolution profonde de chacun. Avec Yanki et Moishe on a 2 traits de personnalité principaux qu'on retrouve dans ces communautés, celui qui est juste formaté mais gentil et le "méchant" qui, joueur notamment, semble quand même bien perdu aussi. Quant au allemands sympas, oui ça va vite mais sans être choquant pour moi en tout cas. Encore une fois la série dure 2 heures et c'est plutôt agréable, même si malheureusement invraisemblable pour certains, de voir des gens juste sympas !

Misty
19/04/2020 à 23:17

Pas du tout d'accord avec cette analyse. Même dans la narration de l'histoire vous interprétez. Vous passez sous silence le jeu des acteurs. Quant au choix des 4 épisodes plutôt que 8 ou 10 moi je dis bravo. On en a marre des séries à rallonge qui n'apportent rien.

?
03/04/2020 à 23:58

J’ai beaucoup aimé cette série. Du point de vue de la connaissance d’une culture très spécifique et peu connue ainsi que du suspense qui s’intensifie et qui tient en haleine. L’autre défi cinématographique et non le moindre est d’avoir tourné en yiddish, une langue que peu de gens connaissent alors qu’elle avait des millions de locuteurs avant la deuxième guerre mondiale. C’est tout simplement une réussite.

Keeedz
03/04/2020 à 15:44

Je vous trouve dur avec cette critique, la série est excellente est très émouvante. Elle a pour mérite de nous faire pénétrer une communauté ultra fermé est cela de façon réaliste y'a peu de série qui se permettrait de faire parler ses personnages en yiddish, anglais et allemand. Est vous oubliez de parler de l'interprétation exceptionnelle de l'actrice principale et de la distribution en général . Et puis je vois pas où est le mal de faire du groupe de musicien des gens sympathique prêt à l'aider. Dans la vrai ça existe de débarquer dans un endroit inconnu et de se faire des amis vite prêt à vous aider comme le disait Tennessee Williams dans un tramway nommé désir "j'ai toujours compté sur la bonté des inconnus ". Quand on caractère niais du mari cela vient de son éducation au sein de sa communauté sa seul éducation vient de la torah et des règles et coutumes de sa communauté donc cela explique sa naïveté. C'est une série à voir absolument

Ben
03/04/2020 à 15:09

Un 1er épisode franchement pas mal, le reste je suis la critique, cousu de fil blanc et une actrice certes talentueuse mais au physique étrange... qui m'a fait sortir de l'histoire...

Arnaud (Le vrai)
03/04/2020 à 15:07

J'ai regardé le premier episode, c'est interessant. Il est vrai qu'on cerne tres rapidement (rien qu'a sa tete) que Moishe va etre le "mechant" de l'histoire, et que les musiciens de Berlin vont etre les gentils. Ca a l'air simpliste mais l'histoire derriere semble assez interessante pour passer ces facilités

A voir avec la suite, mais oui 2.5/5 me semble etre une note qui colle a mon ressenti egalement

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