Test Evil Dead : The Game - c'est moche, c'est con mais c'est trop bon

Moi, moche et méchant

Ça faisait une éternité que Ash Williams n'avait pas posé ses pieds et sa grosse baguette magique sur les territoires des consoles et PC. Son dernier fait d'armes vraiment mémorable date de 2005 sur PlayStation 2 avec son Evil Dead Regeneration, un bête hack'n'slash décérébré, qui tentait de justifier son achat par un scénario fantomatique soi-disant canon (mais en fait non). La seule chose qui le sauvait : la performance vocale de Bruce Campbell, toujours prêt à se fourrer dans les pires mauvais coups. 

Malheureusement, les premières minutes de jeu sur Evil Dead : The Game ramène tout droit à ce vieux souvenir baigné de rancoeur. Graphiquement, le titre de Saber Interactive est une véritable agression visuelle. Non pas à cause des hectolitres d'hémoglobine qui dégoulinent des corps des Cadavéreux que Ash et compagnie moissonnent allègrement, mais à cause des choix de charte graphique qui ont été faits. Le character design est à la limite de l'insulte faite à la saga créé par Sam Raimi. 

Qu'est ce que c'est que ces tronches ?

Les personnages semblent avoir été modélisés à la va-vite sur une station de développement bas de gamme. Certes, Evil Dead : The Game n'est pas un gros blockbuster AAA. Mais à ce stade, il est légitime de se demander si un quelconque effort créatif a été fourni concernant le design des personnages. À l'exception de Ash, tous les héros semblent avoir le même visage sur lequel on a ajouté une barbichette pour les chevaliers, ou des cheveux longs et du rouge à lèvres pour les personnages féminins.

À cela s'ajoute le fait que techniquement, le jeu est indigne d'un titre AA ou AAA livré en 2022. L'ensemble est si laid qu'on le croirait tout droit sorti d'une PS3 en fin de vie ou d'une PS4 malade. Les décors sont vides, le level-design est paresseux au possible, et que dire des animations ? En dehors des finish moves soignés, les protagonistes, qu'ils soient démons ou humains, errent à l'écran comme si une collection de balais avait été introduite dans leur fondement. 

De sérieux problèmes d'acné

On pourrait alors tenter de se convaincre qu'un jeu ne se juge pas à son emballage graphique, mais à son contenu. Même de ce point de vue, lorsqu'on l'explore en solo, le titre de Saber Interactive se saborde totalement. Après un didacticiel obligatoire qui fait le minimum syndical, le soft n'offre aucune campagne ni quelconque aventure scénarisée. Il faudra se contenter de cinq chapitres/missions pas vraiment passionnants bouclés en moins de six heures.

Cependant, de manière quasi inexplicable, au moment où l'envie d'éteindre son PC ou sa console et de laisser tout cela derrière soi comme un mauvais souvenir est la plus forte, on se laisse tenter par une partie en multi. Et alors c'est une véritable épiphanie qui se produit.

Prêts pour une partie fine

Groooooovy !!!

Lorsqu'on imagine que Saber Interactive a secoué sa baguette magique pendant presque 2 ans pour produire Evil Dead : The Game, l'envie de leur envoyer une armée de Cadavéreux par Nécronomicon interposé est presque irrésistible. Ce n'est qu'en se disant qu'on a touché le fond, et par acquit de conscience, qu'on lance le mode multijoueur... Et tout change. 

Le titre se déploie sur le principe simple d'un jeu multijoueur asymétrique, en vue à la troisième personne, calqué sur le schéma d'un Dead by Daylight ou d'un Friday the 13th. Les affrontements ont lieu à quatre contre un, quatre joueurs incarnant les protagonistes principaux de la trilogie Evil Dead et de Ash vs Evil Dead, et un autre devenant l'incarnation du Mal en la personne d'un Démon de Kandar. Le but est simple : détruire le Nécronomicon et se débarrasser des démons pour les héros, terroriser et massacrer les good guys pour celui qui a choisi le côté obscur de la Force. 

Ce téton de toute beauté

C'est dans cette configuration que le titre s'exprime pleinement et délivre son total potentiel ludique. À plusieurs, le jeu est métamorphosé : grâce à son concept de lutte aux allures de survival horror hyper fun, gore et débile, le jeu compense son manque de savoir-faire technique par une ambiance dingue et décomplexée.

Avec quelques amis (uniquement en ligne) sous la main, le soft devient très addictif : on se surprend à enchainer les parties des heures durant. En cas de manque de joueurs, une IA viendra remplacer les absents, et soulignons que le titre est 100% cross-play et cross-plateformes, idéal pour ne jamais tomber à cours de renfort sur le champ de bataille. 

Malgré le peu de modes de jeux différents, limités à 5, et un nombre de décors qui tient sur deux mains, la sauce Evil Dead prend rapidement. Les joueurs qui ont décidé d'être du bon côté de la barrière auront le choix entre 13 personnages au total, du Seigneur Arthur à Pablo en passant par Cherry et Amanda, répartis en quatre classes de personnages : Chef d'équipe, Guerrier, Chasseur et Soutien. Chaque classe ayant des statistiques, attributs et compétences différents, il faudra donc composer son équipe en fonction de ceux-ci pour être efficaces en combat. 

Ils sont bêtes et moches, mais sacrément efficaces

La formule sera bien différente pour les amateurs de chair putréfiée, qui auront le choix entre trois options : Chef de Guerre, Marionnettiste et Nécromancien, chaque caste de démon ayant ses propres capacités magiques. Le gameplay de ces sales bêtes est particulièrement jouissif, leurs compétences en nécromancie et en magie bouleversant l'approche que l'on pouvait avoir dans la peau d'un humain.

C'est en multi qu'on constate également l'immense travail fourni par les développeurs sur l'habillage sonore et le sound design global du jeu, la plupart des ennemis se repérant au son avant de les voir. Mais plus encore, c'est bel et bien le fait d'incarner les personnages de la saga qui est un réel délice. Entendre Bruce Campbell lâcher des "Groovy" est un bonheur, Dana Delorenzo a rempilé pour doubler Kelly Maxwell, idem pour Ray Santiago qui reprend le rôle de Pablo Simon Bolivar. Un vrai plaisir même pas coupable qui assurera aux fans des heures de pur orgasme de fanboy.

Arthur est là aussi, et se débloque en à peine quelques missions

beaucoup trop de fan service (et c'est tant mieux)

Une fois encore, comme pour ses modèles Dead by Daylight et Friday the 13th, l'essentiel du fun provient du fait de pouvoir plonger tête la première dans la licence qui sert de terreau au jeu. Si Dead By Daylight s'amuse à ajouter régulièrement de nouvelles collaborations, de Resident Evil à Silent Hill en passant par Hellraiser, Friday the 13th lui ne vaut le coup que lorsqu'on campe Jason Voorhees (personne ne veut jouer les victimes permanentes). Evil Dead The Game a pour lui le fait d'être aussi délectable du côté des bons/losers magnifiques que des démons.  

Et si le gameplay simple et efficace y est pour beaucoup, ce qui place Evil Dead au-dessus de la concurrence c'est sa gestion du fan-service. Il est là partout, tout le temps. Les décors de chaque mission sont tout droit issus des séquences cultes de la trilogie : l'iconique cabane perdue en forêt d'Evil Dead 1 et 2 est bien présente, de même que la forêt environnante. La caravane de Ash est de la partie, et on pourra profiter d'une virée à bord de sa splendide Delta 88 jaune. 

Celle-là n'est pas possédée

Les armes sont du même acabit : c'est avec délectation qu'on s'empare du boomstick de Ash, de la dague de Kandar, de l'épée d'Arthur, de la tronçonneuse du héros, ou qu'on utilise la main mécanique de Ash fabriquée par Pablo dans Ash VS Evil Dead. Du côté des démons, les développeurs ont poussé le vice jusqu'à pouvoir cacher la main maudite de Ash dans un coffre pour qu'elle saute à la gorge du survivant qui aura l'audace de l'ouvrir. Rire sadique de satisfaction garanti.

Le fan-service est là, partout, tout le temps et diablement (haha) bien distillé. Pour tout fan qui se respecte, Evil Dead : The Game est la garantie d'une extase régressive, qui balaye les défauts techniques du titre. Entre l'aspect nerveux et décomplexé des parties multijoueurs et cette ambiance folle cultivée sur le terreau de la licence Evil Dead, difficile de ne pas avoir envie d'y retourner pour peu qu'on apprécie la franchise. Quant aux joueurs hermétiques aux films de Sam Raimi, ils passeront leur chemin sans se retourner, car rien ne sauvera le navire à leurs yeux. 

Evil Dead : the Game est disponible depuis le 13 mai 2022 sur PC, Xbox One et Series, PS4 et PS5, et arrivera bientôt sur Nintendo Switch. Ce test a été réalisé à partir d'une version PC fournie par l'éditeur