The World After : le jeu d'aventure made in France à découvrir d'urgence

JL Techer | 22 mars 2022 - MAJ : 22/03/2022 14:23
JL Techer | 22 mars 2022 - MAJ : 22/03/2022 14:23

Entre hommage au point'n'click et au jeu d'aventure 90's, et ambition fantastique débridée, The World After est une excellente surprise. 

Genre phare du jeu vidéo à la fin des années 80 jusqu'au milieu des années 90, le point'n'click (littéralement "pointer et cliquer") a presque entièrement disparu des radars avec l'avènement de la 3D, et la standardisation du jeu console à la manette. Pourtant difficile de ne pas avoir un pincement ému au coeur en repensant à l'âge d'or des jeux point'n'click de LucasArts : Day of the Tentacle, The Curse of Monkey Island, Grim Fandango ont fait les belles heures des joueurs PC pré-2000.

Si le genre a été moribond pendant de longues années, il joue les Lazare depuis plusieurs années grâce à la scène indé du jeu vidéo contemporain. Sam & Max ont fait leur retour en 2020, et le très sympathique 12 Minutes avait même réussi le luxe de se payer un casting vocal quatre étoiles. The World After, créé par le studio Lyonnais Burning Sunset s'inscrit dans cette démarche de retour aux sources et de modernisation d'un genre qui ne demande qu'à retrouver ses lettres de noblesse. 

 

The World After : photoLe FMV, sans les pixels moches

 

Foule (motion video) sentimentale

Quitte à donner dans le respect de ses pairs, autant y aller franchement, et The World After fait le pari d'adopter pour sa direction artistique une réalisation entièrement en Full Motion Video. Popularisé dans les années 80-90 par des titres comme Dragon's Lair ou le cultissime nanard Night Trap (merci le support CD), la technique consiste à insérer dans un jeu des séquences filmées au préalables, dans le but de tendre vers la production d'un film interactif, avec plus ou moins de réussite.

Burning Sunset a parfaitement réussi son coup en matière artistique : la FMV de TWA est splendide. Sans atteindre des sommets hollywoodiens, la réalisation est plus que solide, la poignée d'acteurs investis dans le projet campent leurs rôles avec sincérité, et non sans humour. Humour concernant le fait d'être impliqués dans un titre aux antipodes d'un AAA, et un second degré totalement assumé à propos des codes du genre point'n'click en FMV. 

 

The World After : photoToujours insister jusqu'au bout en mode gros lourd

 

Ainsi, l'interprétation est toujours juste, naturelle et crédible, on retiendra même quelques punchlines mémorables bien franchouillardes ("être confiné à jeun, tu trouves ça drôle ?" - mythique-). Ajoutons à cela la présence au casting de l'excellent Jean-Claude Dreyfus, cabotin au possible, qui livre une prestation malicieuse dans un rôle de savant fou ou génial selon les points de vue, naviguant entre un Elon Musk lunaire et un Docteur Mabuse aux intentions troubles. 

Les séquences filmées démontrent un vrai amour du matériau cinématographique et du jeu vidéo façon LucasArts. La mise en scène des personnages, leurs positionnements, tantôt face caméra pour les dialogues, tantôt remisé à une portion de l'écran pour permettre une plus grande lisibilité des situations, tout démontre que les développeurs ont voulu rester dans les clous du canon point'n'click, mais le faire avec intelligence, afin que cela vienne en soutien de l'histoire du jeu, sans l'éclipser. 

 

The World After : photoDr Maboul

 

La quatrième dimension

La véritable star de The World After, c'est son ambiance. Prenant pour point de départ un confinement, qui n'a rien à voir avec la pandémie de Covid, le titre de Burning Sunset invite à incarner Vincent, écrivain de son état, quia pris le large de la ville afin de pouvoir se concentrer sur son prochain ouvrage. Hanté par d'étranges cauchemars qui finissent par l'obséder, il se retrouve catapulté dans une aventure au-delà du réel impliquant une société secrète nommée "Third Eye". 

Difficile d'en dire plus sans risquer de divulgâcher l'intrigue, mais celle-ci prend un malin plaisir à promener les joueurs d'un point de départ somme toute classique (l'écrivain en manque d'inspiration, la réception d'une mystérieuse lettre) à un final totalement inattendu. Preuve d'une réelle maitrise de la narration, c'est de manière presque imperceptible que l'on glisse d'une quête intriguante qui semble assez conventionnelle à un climat bizarre qui ravira les amateurs d'X-Files ou de Black Mirror

 

The World After : photoAu-delà du réel

 

Ce glissement est grandement aidé par la bande originale du jeu, composée par Fabien Chombart, dont les accents cosmiques, voire ésotériques (le morceau Tannhaüser aurait très bien pu aller se glisser sur une BO d'Akira Yamaoka tant il joue avec des dissonnances angoissantes), viennent plonger les joueurs dans une atmosphère hors du temps. Ce n'est pas une mince affaire que de trouver cet équilibre entre humour, enquête et propos fantastique, et pourtant le petit studio Lyonnais est parvenu à réaliser cette belle accrobatie, tout en produisant un jeu accessible à tous. 

Car c'est là la grande force du genre point'n'click : son accessibilité. N'importe qui capable de cliquer sur une souris peut profiter de TWA. De plus, le fait que l'aventure soit assez ramassée et ne s'étale pas sur de longues heures, permet de passer un excellent moment, seul ou à plusieurs devant le même écran. Même pour celles et ceux qui n'ont jamais mis les mains sur un jeu du genre, les mécaniques sont d'une évidence absolue. 

 

The World After : photoPromenade nocturne en campagne

 

 

Back to the future

Les développeurs n'ont pas pour autant négligé les roublards du jeu vidéo, qui ont déjà un long passif avec le point'n'click. Les dialogues et les mécaniques du jeu sont bourrés de clin d'oeil aux ténors du genre, et jouent même de certains codes et poncifs. Certaines quêtes absurdes le sont volontairement, et c'est avec le sourire aux lèvres qu'on fait quelques allers et retours afin de résoudre des énigmes bien pensées, avec parfois des solutions surprenantes. 

De même pour certains dialogues, qui trouvent des résolutions inattendues, alors qu'on pouvait s'attendre à repartir vers un nouvel épisode de quête secondaire. Un personnage insiste un peu trop pour que vous lui rendiez service ? Toutes les réponses disponibles sont trop radicales pour être dites ? Pas de problème, le héros peut lui voler l'objet de quête, et disparaitre en courant. Un plaisir. 

 

The World After : photoJusqu'au bout de l'hommage

 

Pour ceux qui souhaiteraient pousser l'expérience encore plus loin, et revivre le jeu comme s'il avait été produit en 1996, le studio a même mis à disposition des joueurs un DLC gratuit qui reskin le jeu en véritable point'n'click en FMV de l'âge d'or des 90's. Celles et ceux qui seront parvenus à obtenir la "meilleure" fin auront même l'occasion de reparcourir The World After sous la forme d'un visual novel, grâce à un bonus déblocable in-game. Cette feature a en fait servi de base de travail à l'équipe de Burning Sunset afin de réaliser la version définitive de leur titre, comme une sorte de storyboard façon manga/anime (petit cri de "sugoï" inclus). 

 

 

The World After est à la fois un excellent moment vidéoludique, un petit bonbon au délicat parfum de nostalgie, et une démarche artistique sincère. Il garantit de très bons moments aux joueurs avides de retrouver les sensations des point'n'click de la grande époque de LucasArts, mais est aussi une belle manière de faire découvrir le genre à de nouveaux venus. Raison de plus de ne pas se priver, le titre développé par Burning Sunset est disponible à petit prix sur Steam. 

Le titre de Burning Sunset est disponible ici :

 

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commentaires
JL Techer
25/03/2022 à 15:58

@Metuxla
Entièrement d'accord avec vous, on note ça sur nos tablettes ;)

Metuxla
23/03/2022 à 12:37

les phantasmagoria, les seuls jeu qui m'ont donné des cauchemars (je revois encore le magicien du premier opus quand il gave sa femme) ca mériterait un dossier d'EL ca!

RobinDesBois
23/03/2022 à 01:06

Et parmi les point n clicks les plus incroyables que j'ai pu faire il y a la série des Rusty Lake.

RobinDesBois
23/03/2022 à 01:05

@TofVW Merci pour l'info, j'ignorais qu'ils en sortaient un 4ème et je viens d'apprendre que Benoit Sokal était décédé l'année dernière :/

Sinon pour les nostalgiques des point n click Lucas Art, d'X-Files et des ambiances années 90 je vous suggère un chef d'oeuvre : Thimbleweed Park réalisé par le génie Ron Gilbert le papa de Days of Tentacles (le remaster est excellent au passage). Il a pu le réaliser grâce à du financement participatif, malgré un budget le jeu est magnifique: l'ambiance, la musique, les énigmes, le scénario, les personnages, l'histoire ce jeu est une sorte d'accomplissement.

TofVW
22/03/2022 à 22:18

@Morcar : oui c'est le 4ème, et il a de très bonne critiques. :)
J'ai hâte de le faire, après un n°3 franchement mauvais.

Morcar
22/03/2022 à 15:30

:o
J'ignorais qu'ils sortaient encore un jeu Syberia ! Ca doit être le 4è, il me semble ! Mine de rien, elle tient bon cette franchise !

TofVW
22/03/2022 à 14:28

En P&C français sorti il y a 4 jours, il y a aussi "Syberia - The World Before" (j'ai cru que vous parliez de ça avant de comprendre que j'avais confondu Before et After :D ).

Morcar
22/03/2022 à 13:48

Dans le genre FMV, je me rappelle surtout des "Phantasmagoria" (qui si je ne me trompe pas peuvent être considérés de ce genre), surtout le second et son ambiance SM bien marrante ^^

Et dans le genre Point & Click, les jeux TellTalle Games ont quand même donné une nouvelle jeunesse au genre, avant d'user leur recette plus qu'il ne l'aurait fallu. J'ai conservé les quatre saisons de The Walking Dead qui reste, avec "The Wolf Among Us", leur meilleure création.


22/03/2022 à 12:46

cool vaw.fyi