Pathé prépare le futur du cinéma français, à vous de voir si c'est rassurant

Pathé a annoncé la signature d’un accord avec Logical Pictures afin d’ouvrir le financement de ses films aux investisseurs privés. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Et qu'est-ce que ça veut dire en réalité ?

La pandémie et l’indifférence du Ministère de la culture durant cette période de famine pour le cinéma donnent encore des sueurs froides aux acteurs du milieu qui ont le malheur d’y repenser. Depuis, certains se sont résolus à chercher d’autres solutions pour relancer leur secteur et dynamiser la production audiovisuelle française.

C’est le cas de Pathé qui, en septembre 2022, annonçait son intention d’entrer en bourse courant 2024 pour ouvrir le cercle fermé de financement régi par le CNC. Dans cette même logique d’américanisation, un accord permettant l’implication d’investisseurs privés dans la production des films vient d’être signé par Pathé avec Logical Pictures.

Pathé et Logical Pictures

LOGICAL move

Logical Pictures est un groupe fondé en 2016 qui produit et distribue des longs-métrages et des séries en France et à l’étranger. A son actif, beaucoup de films de genre indépendants tels que Pleasure, The Innocents, The Deep House ou La Fièvre de Petrov. En 2022, la société lance un nouveau fonds via lequel des acteurs privés pourront y aller de leur poche pour aider à mettre sur pied des projets de grande ampleur. Ce fonds, appelé Logical Content Ventures, ambitionne de récolter 100 millions d’euros au profit de films français et internationaux.

Le communiqué annonce qu’un premier seuil de 10 millions a déjà été franchi, et qu’il a permis de financer six projets, dont Night of the Hunted, produit par Alexandre Aja, et Berlin Nobody, produit par Ridley Scott.

Léa Seydoux

En signant ce fameux accord avec Pathé, Logical Pictures s’engage à participer, via Logical Content Ventures, au financement de tous les films produits et acquis par Pathé entre 2022 et 2024. La signature concerne donc pour le moment une vingtaine de films, parmi lesquels la prochaine comédie de Dany Boon et le prochain film de Kirill Serebrennikov (Leto, La Fièvre de Petrov, La Femme de Tchaïkovski).

La volonté annoncée de Pathé est de développer, grâce à cet accord, la production de films “ambitieux” (au sens de “qui coûtent chers”) au sein du cinéma français, et notamment les blockbusters, les comédies grand public et les films d’auteurs “reconnus” (peut-être au sens de “qui a déjà une Palme d’or”). De la diversité donc, au moins en apparence, en espérant que ce modèle n’en vienne pas à contraindre la variété de la production française à s’inscrire dans seulement trois profils potentiellement rigides.

Les investisseurs privés

LE FUTUR DU CINéMA FRANçais (?)

Pathé a déjà lancé son projet d'Alexandre Dumas Cinematic Universe, puisqu'aux futurs Trois Mousquetaires déclinés en deux films sous les angles de D'Artagnan et Milady suivra une adaptation du Comte de Monte-Critso. L'idée que le géant du cinéma se fait de ses futurs blockbusters français est donc déjà toute profilée : de l'action, des stars dans tous les sens, des costumes et beaucoup, beaucoup d'argent dépensé. On se rappelle notamment la promotion anticipée du premier volet de ces Trois Mousquetaires qui consistait en une affiche presque exclusivement couverte de chiffres, révélant les moyens mis en place pour la réalisation du film.

Dans une autre ambiance mais même stratégie, Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu fait aussi étalage de son casting bankable pendant que le réalisateur, Guillaume Canet, déclare qu'un nouveau film de ce genre ne trouverait pas d'investisseurs si celui-ci venait à échouer au box-office. Une validation en sous-texte du nouvel accord entre Pathé et Logical Pictures ?

Toi

Mais qu'en est-il de la liberté artistique, dans cette nouvelle politique ? Car si cette ouverture aux investisseurs privés semble être une bonne chose pour donner un coup de pouce à des projets qui peinent à être montés via le système de financement classique, elle pose aussi la question du pouvoir de ces investisseurs sur la ligne éditoriale des films concernés.

L’accord est pour le moment temporaire, mais si ce modèle se démocratise en France, faudra-t-il craindre un formatage de la production cinématographique par les quelques privés ayant les moyens d’investir dedans, et un étouffement des productions plus modestes et plus singulières ? L’avenir dira si Pathé choisit de pérenniser l’accord passé 2024.