Top horreur n° 3 : The Thing

Florent Kretz | 29 octobre 2009
Florent Kretz | 29 octobre 2009

 Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur.

 

 

3) The Thing (1982) de John Carpenter

 

 

 

Stéphane Argentin

Un must absolu du trouillomètre zéro.

Ilan Ferry


Big John signe certainement là son film le plus effrayant et ambitieux intégrant parfaitement les élements du film original au sein de son univers composé de peurs indicibles. Un must !

Laurent Pécha :


Le meilleur remake du monde. Une œuvre qui n’en finit pas de terrifier. Le huis clos parfait. L’un des films qu’il faut avoir vu avant de mourir. Le message est-il assez clair ?

 

 

Cela avait été signalé: aucun réalisateur ne serait évoqué plus d'une fois dans ce top. Mais voilà, il est de ces maîtres pour lesquels on ne peut qu'outrepasser les règles, des films qu'on ne peut éviter. John Carpenter est de ceux là. Idem pour The thing, chef d'œuvre à la noirceur abyssale et à la virtuosité rarement égalée. Considéré par l'homme derrière la caméra comme le premier volet de sa « trilogie de l'Apocalypse » (conclue avec Prince des ténèbres et L'antre de la folie, deux pièces incontournables du cinéma de terreur), The thing est une baffe glaciale, un vent terrible et pervers envahissant les bronches des spectateurs pour mieux les confronter au cauchemar ultime, l'horreur suprême. Monstrueusement culte, remarquablement envié, éternellement magnifique, une œuvre telle que celle-ci s'impose comme l'une des plus sombres illustrations des abominations imaginées et imaginables. Et tandis que le métrage se plongera dans une déferlante graphique et chimérique sous couvert de divertissement adulte et grandiloquent, Carpenter ira bien plus loin, offrant une dimension métaphorique rare aux métamorphoses déviantes et autres mutations: si les créatures se font légions, toutes plus tétanisantes les unes des autres, il n'y a pas de monstre plus effroyable que l'homme lui-même. Plongée dans les sordides entrailles de l'humanité...

 

Il y a une constante chez John Carpenter, un thème récurrent, un axe de travail voire une obsession: l'homme semble être fasciné par la question du Mal Absolu. Plus encore qu'un autre maitre du genre, il s'engouffrera à plusieurs reprises dans cette thématique aussi vague que riche. Qu'il s'agisse d'une incarnation matérialisée (Michael Myers dans Halloween, la nuit des masques), d'une menace planante et invisible (les attaques de Assaut) ou des réminiscences fantomatiques d'un intolérable passé latent (le brouillard de Fog), Carpenter appréhendera régulièrement les questions autour de l'existence de la part obscure. Et même si par la suite il continuera son inépuisable quête (Christine ou l'aliénation de l'âme pour la machine; Prince des Ténèbres et sa théorie de la négation absolue...), sa thèse n'aura jamais été aussi pertinente que dans The Thing, chef d'œuvre absolu du maitre car en possédant toutes les qualités, caractéristiques, ambitions, croyances et même références. Car le vice s'en prend même à la nature du film qui s'inscrit dans une logique de possession (thème visible de The thing): Carpenter tend une nouvelle fois une perche vers son idole Howard Hawks.

 

Ce n'est un mystère pour personne et le réalisateur l'assumera et le scandera sans relâches: il voue un véritable culte à l'œuvre de Howard Hawks, immanquable du cinéma classique hollywoodien. Hommages appuyés, faux remakes (...), il le garde comme modèle et c'est donc assez logiquement qu'il se retrouve sur la revisite de la nouvelle La bête d'un autre monde (Who goes there? de John W. Campbell). Celle-ci avait déjà connu une adaptation grâce au travail du duo Christian Nyby / Howard Hawks en 51 et ce sous le titre La chose d'un autre monde. Métrage à la notoriété exceptionnelle ayant bercé les jeunes années de plusieurs générations de cinéastes prodigieux (Cameron, Spielberg, Scott, Lucas, Scorsese...), tous ou presque étaient passés par là et reconnaissent d'ailleurs volontiers aujourd'hui les répercutions qu‘aura eu le film sur leurs carrières. Recherchés, les droits de la nouvelle ont été rachetés dès les années 70 par le producteur Stuart Cohen, un nabab télévisuel qui désire dépoussiérer un peu la trame d'antan. D'ailleurs lorsque Carpenter est appelé pour proposer une vision du projet pendant le bouclage de New York 1997 courant 79-80, un autre est déjà en train de monter le film: Tobe Hooper, sacré pour la folie de son Massacre à la tronçonneuse et auréolé du succès de ses Vampires de Salem, est sur le point de livrer sa version du scénario. Abordé d'une manière nostalgique (il gardera ce ton pour L'invasion vient de Mars ou même Lifeforce), le script ne plait guère et on demande à Carpenter de s'approprier pleinement le matériau. Celui-ci voit dans la variation faite par Bill Lancaster l'occasion de retirer les élans gentiment radicaux de la nouvelle et de sa première adaptation (fruit du Maccarthysme, les deux s'apparentent à des propagandes anti-communistes).  En guise de contenu, ils s'aventurent à explorer les démons de l'humanité.

 

Narrant en apparence la confrontation entre un groupe humain et une entité protéiforme dans une base de l'Antarctique, l'aventure horrifique se revêt rapidement d'une violente parabole autour des principaux maux universels. Contaminant un à un les chercheurs pour mieux se les attribuer (physiquement et spirituellement), la Chose tant redoutée (et pourtant magnifiée par les exploits du prodige des effets spéciaux Rob Bottin) s'extirpe totalement du carcan grand-guignolesque et se fait terreur abstraite: l'autre qui qu'il soit devient suspect car potentiellement « habité ». Ainsi la chimère, entre deux explosions de viscères et autres métamorphoses moribondes, se fait discrète et vicieuse: la paranoïa prend le pas sur la raison, le huis clos et le climat poussant chacun (protagonistes et spectateurs) dans ses retranchements. Illustration de l'aliénation, du fascisme, de l'abnégation, des dangers de la pensée unique, du racisme (...), The thing perturbe implacablement par la richesse de son discours et propose une infinité de pistes de lecture, la résistance salvatrice étant portée froidement par un Kurt Russell, avatar argentique de Carpenter, à la fois désabusé et plein d'espoir. Et c'est là toute la folie du type: être littéralement écœuré (il met les petits plats dans les grands pour faire figurer visuellement sa détresse) et pourtant rester un grand optimiste!  Situation troublante alors de se confronter à la robustesse glacière d'une œuvre sidérante puant le nihilisme à gerber pour finalement rappeler le grotesque de la vie!

 

Un calvaire comme on en avait jamais fait (et comme on en fait plus) qui fut conçu dans l'amour (malgré les lourdes complications) pour être finalement accueilli dans une haine prévisible courant 82. Echec relatif mais qui redessinera totalement la carrière de Carpenter: incompris, sorti dans la folie « love » de E.T. l'extra-terrestre, la bête noire offrira à son réalisateur un licenciement des studios Universal mais surtout l'opportunité de reconsidérer ses ambitions... Catalogué de pornographique pour la débauche de vices qu'exhibe la Chose, fustigé pour son courage outrancier (Carpenter évince la femme du script; flingue le meilleur ami de l'homme dès le premier quart d'heure...), The thing marquera pourtant une véritable révolution. Redécouvert au fur et à mesure de ses diffusions, réel succès lors de sa sortie en VHS, le métrage obtiendra ses galons de chef d'œuvre, de classique absolu et entretiendra une véritable fascination aussi bien avec ses détracteurs qu'avec ses sbires. Car bien plus qu'une remarquable et sublime leçon de mise en scène, le film de Carpenter malgré une extraordinaire lumière de Dean Cundey, est un objet passionnément pervers et dépravé qui ne demande qu'à être apprivoisé et nourri: que ce soit la haine ou la passion, l'Horreur se repait pour mieux nous gerber à la gueule nos intimes craintes. Posant finalement toutes les vrais questions (sur nous ou les autres), on ne trouvera dans The thing que ce qu'on veut bien y trouver et rien que pour apprendre à se connaitre un peu mieux, un petit tour par la base de l'Outpost#31 s'impose...

 

PS : Nous ne saurions que trop vous inviter à découvrir le making of « The terror takes shape » ainsi que le passionnant commentaire audio de Carpenter et Russell présents sur les éditions DVD et Blu-ray du film.

 

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