David Cronenberg : Ses meilleures scènes

Laurent Pécha | 20 décembre 2011
Laurent Pécha | 20 décembre 2011

Pour la sortie de A dangerous method de David Cronenberg, la rédaction d'Ecran Large est allée chercher dans la cave des archives son dossier sur les meilleures scènes du réalisateur canadien. La question posée à chaque rédacteur fut simple : « raconte-nous la scène qui t'a le plus marqué dans la filmographie de Cronenberg ? ». Une fois récoltées leurs réponses, une rapide concertation pour délibérer et voici notre top 14 accompagné de l'extrait du film en question :

 

1 - La Mouche par Julien Foussereau

Dans La Mouche, la mort de Seth Brundle, métamorphosé en diptère répugnant à taille humaine, ne cesse de me hanter par les émotions contradictoires qu'elle véhicule : d'un côté, l'effroi et le dégoût tant Cronenberg a réussi son monstre ; de l'autre, une compassion bouleversante face à cette chose qui concentre sa dernière part d'humanité pour demander à sa femme de l'achever. Cronenberg réussissait vraiment là une fusion parfaite entre ses obsessions underground sur la chair mutante et le divertissement horrifique de masse.

 

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2 - Vidéodrome par Laurent Pécha

Parmi les fins les plus nihilistes et les plus déprimantes que le cinéma nous ait offertes, celle de Vidéodrome en impose. Ce « longue vie à la nouvelle chair » (long live the new flesh) asséné par James Woods, sa main-pistolet sur la tempe, possède une inaltérable capacité à vous hanter. Plus de 20 ans ont passé et c'est toujours l'une des images les plus traumatisantes que j'ai pu voir au cinéma.

 

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3 - Faux semblants par Vincent Julé

Il y a bien ce bras de fer très brutal et très osseux dans La Mouche, qui aurait d'ailleurs pu figurer parmi les scènes qui m'ont traumatisé. Mais s‘il ne fallait retenir qu'une scène, et par là même un film, où la force charnelle et évocatrice de Cronenberg éclate, ce serait Faux semblants. Et plus particulièrement ce court plan, où sont présentés les étranges outils de travail voire de torture du gynécologue Jeremy Irons.

 

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4 - Le Festin nu par Simon Riaux

Les rapports entre corps, création et expression sont au cœur de la réflexion de Cronenberg, rien d'étonnant donc à ce qu'il se soit penché avec Le Festin nu sur la vie et les écrits de Burroughs, pour en retirer la substantifique moelle. À l'image de James Woods et son pistolet de chair, Peter Weller a pénétré violemment dans l'inconscient de tout les cinéphages avec une séquence d'anthologie. L'homme est seul face à sa machine à écrire, objet de désir, de répulsion et in fine, d'addiction, le spectateur assiste alors avec fascination à un rituel aussi terrifiant qu'alléchant, soit la croissance d'appendices squameux le long de l'engin, lesquels vont sécréter une liqueur séminale, dont se délectera le personnage. Une poignée de plans inoubliables, qui symbolisent à eux seul l'esprit du réalisateur, sa fusion avec son sujet, l'absolue dévotion qu'il voue au chef d'œuvre de William Burroughs, et aujourd'hui encore, sa troublante pertinence.

 

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5 - Chromosome 3 par Nicolas Thys

Cronenberg est le cinéaste du corps par excellence : corps fantasmé et exposé, corps informe ou décomposé. Chromosome 3 et la scène de la découverte de l'embryon est un résumé de ses obsessions : une robe blanche immaculée recouvrant un monstre de chair ensanglantée, passant en un clin d'oeil du fantasme virginal à l'horreur putride. Une vierge noire : sans rapport sexuel, elle accouche de ses seuls cauchemars. Reste un conte cruel pour enfants peuplé de mini croquemitaines appelés par sa propre mère : que rêver de pire ?

 

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6 - Scanners par Patrick Antona

Concernant David Cronenberg et son éternel credo de l'esprit supérieur à la matière, Scanners se pose comme un de ses plus directs et brillants exercices, gore à souhait comme le prouve sa première séquence-choc. En une scène, les thèmes chéris de l'auteur sont illustrés avec choc et maestria: la manipulation scientifique, la mutation génétique, la chair « refaçonnée » par la puissance du mental. Et surtout ce sens inné de faire basculer dans la violence la plus totale une situation qui semblait être sous contrôle avec un sens du timing et une froideur que l'on retrouvera tout au long de sa carrière.

 

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7 - A history of violence par Laure Beaudonnet


Tout au long de sa filmographie, David Cronenberg a ausculté les corps : altérés ou en train de muter (La Mouche). La chair - étrangère - apparaît comme la source d'une découverte de soi angoissante. Mais qui dit corps, dit sensualité et si une scène mérite d'être citée dans ce champ, c'est bien celle de A history of violence où Viggo Mortensen s'empare sauvagement de son épouse dans les escaliers. Loin de choquer, la séquence est un hymne à l'érotisme car elle incarne le sexe sale, celui qui souille par sa voracité et sa violence. Celui qui soumet l'autre. Un viol consentant d'un réalisme surprenant. Une séquence que l'on retrouve d'ailleurs en bonne place dans le classement des 25 meilleures scènes de sexe selon la rédaction d'EL.

 

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8 - Crash par Thomas Douineau

La scène qui résume le mieux le cinéma de Cronenberg est, selon moi, l'ouverture de Crash : un long travelling latéral nous fait découvrir les fuselages étincelants d'avions de tourisme. Une main entre dans le champ et caresse le métal froid puis libère ses seins pour les mettre en contact avec la tôle. Elle s'allonge ensuite, à moitié nue contre la paroi tandis qu'un homme la rejoint en silence...  En un plan magnifié par la musique d'Howard Shore, le réalisateur évoque ce que sera son film et brasse l'ensemble de ses thèmes de prédilection : sa fascination pour le corps humain, les transformations à la fois monstrueuses et fascinantes de la chair, la fusion homme/machine et l'analyse quasi chirurgicale des déviances sexuelles qui découlent de ces mutations souvent provoquées contre nature. Du grand cinéma, violent, dérangeant et viscéral !

 

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9 - Vidéodrome par Didier Verdurand

Avec cette séquence délirante de James Woods entrant dans la télévision, Cronenberg avait tout compris avant tout le monde : la TV allait bien nous bouffer. Visionnaire et pourtant toujours aussi d'actualité !

 

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10 - Faux semblants  par Jean-Noël Nicolau

L'une des plus belles scènes de « séparation » de l'histoire du cinéma, en tout cas la plus explicite, la conclusion de Faux semblants ne vient pas achever le malaise créé par le film. Au contraire, c'est une apothéose en quasi hors-champs, où l'horreur s'imagine et où la folie se murmure. Jeremy Irons (dans le rôle de sa vie) s'effectue une opération à « âme ouverte », avec les instruments chirurgicaux mutants de Cronenberg. Un filet de sang suffit pour faire de la séquence la plus forte de l'œuvre du cinéaste. Mais c'est le plan final, porté par la musique d'Howard Shore, qui s'affirme comme le plus beau de sa filmographie.

 

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11 - La Mouche par Sandy Gillet

Il faut avoir vu La mouche sur écran géant dans un multiplex américain quand Jeff Goldblum se regarde pour la seconde fois dans une glace et qu'il s'en prend à ses ongles. Le jet de pus qui en sort pour s'exploser sur le miroir rappelait à l'ado boutonneux que j'étais, les longues heures de délice sadique passées à se triturer la gueule. Rien que pour cela La Mouche restera une expérience de cinéma organique et personnelle comme seul le maître Cronenberg sait les amener.

 

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12 - Le Festin nu par Flavien Bellevue

Film « alien » de la filmographie de David Cronenberg, Le Festin nu est le pari impossible hautement relevé par le cinéaste canadien d'adapter le roman de William Burroughs. Tous les thèmes ou presque des films du metteur scène convergent en un même lieu pour mieux laisser libre court à l'imagination du filmaker. Scène à la fois torride et glauque, les ébats de Bill Lee (Peter Weller) et de Joan Lee (Judy Davis) perturbés par la transformation de la machine à écrire en insecte, sont toujours aussi troublants et fascinants.

 

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13 - Dead Zone par Ilan Ferry

À peine sorti de son coma, John Smith (Christopher Walken) se voit assailli par l’horrible vision d’une maison en feu. Cette séquence, anthologique, pose en soi les jalons du virage annoncé dans cette œuvre majeure de Cronenberg et contient, in extenso, les germes de la filmographie du réalisateur. Suffocante, dérangeante, elle nous immerge directement dans la psyché torturée et extraordinaire de Smith comme si derrière chaque don se cachait une terrible réalité !

 

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14 - eXistenZ par Tonton BDM

Il s'agit certes d'un des films les plus mineurs de Cronenberg, mais eXistenZ comporte son lot de séquences marquantes et d'idées bargeasses. Parmi celles-ci, on se souvient du montage d'un flingue à partir des déchets que le personnage de Jude Law ramasse dans son assiette. Arrêtes de poisson, os de poulet, vieux bridges dentaires en guise de balles... tout s'imbrique pour créer une arme au design vraiment cool, que perso je rêverais de recréer chez moi. D'ailleurs (et c'est à cela que l'on voit l'influence des grands cinéastes sur notre vie de tous les jours), après chaque repas de famille depuis la sortie du film, je lance l'idée d'essayer de créer une arme à partir de ce qui reste sur la table. À noël dernier, ma sœur a été transportée aux urgences après s'être pris un rollmops dans l'œil.

 

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