Trois ans après Apocalypse Now, Francis Ford Coppola réalise Coup de cœur, un film qu'il imaginait simple, mais qui prendra une ampleur destructrice.
En janvier 2023, le magazine américain Variety a publié un article sur Babylon de Damien Chazelle, dans lequel l'auteur cite plusieurs "ratés épiques" réalisés par de grands cinéastes. Parmi les films cités, on a pu voir Sailor et Lula, la comédie romantique de David Lynch, Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni, Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (oui vous avez bien lu) et Coup de cœur, film réalisé par Francis Ford Coppola sorti en 1982. Cette qualification de "raté" était l'occasion parfaite pour revenir sur ce faux petit film de Coppola qui a pris des proportions gigantesques.
Après Apocalypse Now, lui-même sorti après Le Parrain, 2ème partie, Coppola s'est lancé dans un petit projet qui devait couter 2 millions de dollars... mais qui en a finalement couté 26 millions, et a rapporté moins de 637 000 dollars au box-office américain. Depuis, Coup de cœur est resté dans les mémoires comme le film qui a ruiné Coppola. Et si on laissait de côté les chiffres pour se concentrer sur ce projet fou, expérimental et musical ?
Pas n'importe quel film de studio
faux retour à la simplicité
Quand on évoque le nom de Coppola, on pense à de longs films tels que la trilogie du Parrain, Dracula ou encore Apocalypse Now, qu'on considère aussi bien comme des chefs-d'œuvre que comme de grandes fresques. Habitué aux grands récits, Coppola choisit d'opérer un virage à 180 degrés après Apocalypse Now, un tournage chaotique notamment marqué par un cyclone et l'infarctus de l'acteur principal, deux éléments qui ont retardé les prises de vue et fait augmenter considérablement le budget.
Cette fois-ci, il n'est pas question d'aller tourner en décor réel, mais bien de tourner entièrement en studio (première erreur) et surtout, de se concentrer sur une histoire simple, trop simple peut-être pour les détracteurs du film, habitués aux grands récits de Coppola. D'ailleurs, le cinéaste opte pour le format d'image 1,37, format plus petit qu'à l'accoutumée, comme s'il voulait se recentrer sur son histoire.
Mais concrètement, qu'est ce que Coppola a pu raconter de si simple après ses grandes fresques sur la guerre et la mafia ? Coup de cœur, coécrit avec Armyan Bernstein, raconte l'histoire d'un couple au bord de l'implosion. En couple depuis cinq ans, Hank (Frederic Forrest) et Frannie (Teri Garr) ne partagent plus les mêmes centres d'intérêt. Comme des inconnus, ils déambulent dans leur maison sans se croiser. Un exemple parmi d'autres de la mise en scène remarquable de Coppola, qui fait de ses deux acteurs les pions d'une grande pièce de théâtre.
Las de leur routine, manquant de passion, ils provoquent une dispute qui les séparera pendant une nuit, une nuit où ils décident de braver les interdits et de s'accorder un écart finalement plus charnel que sentimental. C'est auprès de Ray (Raul Julia), un serveur pianiste qui veut découvrir le monde, que Frannie se redécouvre elle-même et retrouve la passion. Quant à Hank, c'est sa rencontre avec Leila (Nastassja Kinski), une artiste de cirque, qui va le faire craquer.
Ray, l'anti-Hank, et Frannie, qui rêve de Bora-Bora
Le cœur du récit se déroule pendant une seule nuit, encore une preuve que le réalisateur veut condenser son récit, raconter une histoire dont le pitch tient en deux lignes. Pourtant, ce n'est pas parce que l'histoire de Frannie, Hank et leurs deux aventures extra-conjugales est simple que Coup de cœur est un petit film, loin de là. Après le tournage infernal d'Apocalypse Now, Francis Ford Coppola s'est encore une fois retrouvé dépassé, non pas par les événements extérieurs, mais par sa propre ambition.
Mégalo-man
À l'origine du projet, Francis Ford Coppola veut donc réaliser un petit film. Après le tournage aux Philippines d'Apocalypse Now, le cinéaste décide de rester à domicile et même de tourner son film en studio et ça tombe bien, parce qu'il vient justement d'en racheter un, le Hollywood Center Studios, qui devient donc le Zoetrope Studios. Coup de cœur est donc censé être la vitrine de la nouvelle acquisition de l’American Zoetrope, la société de production créée en 1969 par Coppola et George Lucas. Après l'échec commercial du film, Coppola sera obligé de revendre le studio.
Tourner son film en studio est peut-être la pire idée qu'a eue Coppola sur la production de Coup de cœur. Alors que Las Vegas est connue pour avoir accueilli un certain nombre de tournages, la ville est d'ailleurs indissociable de ses représentations au cinéma, Coppola reste sur ses positions et réalise le pari fou de recréer une partie de la ville en studio. Mais le cinéaste ne se contente pas de cette réplique du centre-ville puisqu'une partie de l'aéroport de Las Vegas est aussi dressée. Ce tournage en studio qui s'accompagne donc de la création de décors gigantesques fait vite grimper l'addition pour l'American Zoetrope.
La folie des grandeurs
Évidemment, il n'est pas simplement question d'ériger des décors, mais bien de rendre la fausse ville vivante avec des enseignes lumineuses clignotantes, le brouhaha des figurants, les voitures et leurs klaxons. Des éléments qui font de Vegas une ville démentielle, à l'image du projet de Coppola.
Comme si tout ça ne suffisait déjà pas, Coup de cœur est aussi un film musical. Tom Waits, qui a écrit les chansons du film, chante aux côtés de l'artiste Crystal Gayle. On ne parle pas ici de comédie musicale, car les personnages ne chantent pas directement face caméra, mais la musique a une place primordiale. Les deux chanteurs sont comme les doublures voix des personnages. La musique annonce les motivations des personnages et révèle ce qu’ils n’osent pas se dire en face.
"I'm sick and tired of pickin'up after you" nous dit la musique
Pour notre plus grand plaisir, Francis Ford Coppola ne résiste pas à l'idée de mettre en scène la démesure généralement associée au genre musical, notamment grâce à une longue séquence chorégraphiée où les passants se joignent aux héros pour un numéro de grande ampleur, en pleine rue. Vegas devient une scène ouverte, un lieu où tout est permis et surtout, où rien ne semble vrai.
La décharge des studios ruinés
Vegas, théâtre à ciel ouvert
On comprend la surprise des spectateurs quand ils ont découvert un film où les décors font faux, où l’on distingue clairement les faux plafonds et où l'on peut apercevoir que les fonds sont peints. Même un œil peu aguerri pourrait sentir la présence et la chaleur des projecteurs braqués sur les acteurs. Ce qui choque le plus dans Coup de cœur, c'est bien l'idée de laisser apparaitre le faux, de ne pas essayer de cacher l'artificialité du film.
Si les séquences tournées dans la ville sont impressionnantes, on se demande si la maison de Frannie et Hank est vraiment en travaux ou si l'échafaudage monté sur leur maison n'est pas un outil de l'équipe déco du film, même question pour l'abat-jour recouvert d'aluminium au-dessus de la table à manger ou l'escabeau au milieu du salon.
Comme sur une scène de théâtre, les pièces de la maison s’illuminent chacune leur tour pour attirer et diriger notre regard. La théâtralité est renforcée par l'ouverture du film, dans laquelle un plan sur la lampe d'un projeteur laisse place à un deuxième plan sur un rideau qui s'ouvre et qui se refermera à la toute fin, juste avant le générique.
En plus de l'environnement artificiel dans lequel évoluent les personnages, ceux-ci aussi semblent parfois faux. Ray et Leila, les "tentateurs", parce qu'ils sont les incarnations parfaites des fantasmes du couple, semblent eux aussi faire partie de la supercherie, comme des objets de décor créés de toute pièce.
Fin de la parenthèse enchantée
Cette artificialité se ressent aussi dans les couleurs, les lumières et surtout les néons utilisés par Vittorio Storaro, le chef opérateur d'Apocalypse Now. Sans raison particulière, la maison du couple est parfois illuminée de lumières rouges ou vertes très fortes et très fausses. Les néons ne sont pas gardés pour le centre-ville de Vegas, mais sont utilisés tout le long du film. Dans un champ contre champ surprenant, Frannie est plongée dans la lumière apparemment naturelle de la cuisine tandis qu'en face d'elle, le salon est éclairé par de fortes lumières rouges du côté d'Hank.
Coppola a aussi voulu retranscrire l'artificialité du médium cinématographique à travers le montage, grâce à des transitions kitsch et clinquantes à base de paillettes, mais aussi en superposant ses plans, et en transformant le personnage de Leila en panneau publicitaire géant et scintillant dans une séquence presque expérimentale.
Vegas, ville centrée sur le sensationnel, l'artificiel et la supercherie, est représentée comme telle. La ville ressemble à un décor de cinéma et ce n'est pas pour rien que le travail de Frannie consiste à créer des vitrines pour une agence de voyages. Elle fabrique des décors et crée un fantasme. Hank travaille lui dans un garage-décharge où des objets surprenants jonchent le sol, comme dans un studio de cinéma abandonné.
Même quand il veut raconter quelque chose d'aussi simple que l'histoire de Coup de cœur, Francis Ford Coppola n'arrive pas à faire les choses à moitié. Décor immense, film musical, photographie léchée et mise en scène irréprochable, le cinéaste a encore frappé. Déjà considéré comme un réalisateur mégalo après Apocalypse Now, Coup de cœur va asseoir sa réputation.
Coppola après avoir regardé ses relevés bancaires
Après l'échec commercial, Coppola a reconnu avoir dû réaliser plusieurs films pour éponger ses dettes. Alors que son nouveau projet, sobrement intitulé Megalopolis, est toujours en production, il semblerait, selon certaines rumeurs démenties depuis par Coppola lui-même, que le cinéaste ait encore vu trop grand. Malgré l'échec cuisant de Coup de cœur, il n'a apparemment pas bien retenu la leçon.
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On lit un tas de conneries tout le temps sur le net. Ça devient plus derangeant lorsqu’il s’agit d’une critique supposée être professionnelle. On mettra ce torchon sur le compte de tes grands articles ratés, l’ami. Et quelque chose me dit que toutle monde sera d’accord sur ce coup.
@Syarus celui qui qualifie ces films de ratés c’est l’auteur de Variety qui écrit un article sur Babylon de Chazelle (en gros l’auteur dit que Babylon est un raté pour Chazelle en tant que grand réal au même titre que les films nommés ici ont été des ratés pour d’autre grand réals qui ont appris de leurs erreurs)
Sailor et Lula raté…
La vache…
C’est pas comme si le film avait eu la palme d’or, hein ?
Sailor et Lula, Eyes Wide Shut, des ratages?
D’accord……………….
Le melon de Chazelle… qualifier ses films de ratés…
Je pensais que ce serais l’homme sans âge… Je l’ai vu au ciné j’ai jamais rien compris… Je l’ai revu il y a peu j’ai toujours rien compris… Certes il y a une maitrise… Mais le scenario quoi… WTF….
Je ne m’en rappelle de pas grand chose sauf que ce film m’avait déçu et ennuyé.