Tout James Bond : Dr. No, ou la naissance brutale et sexy de 007

Simon Riaux | 13 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 13 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quelques mois nous séparent encore de Mourir peut attendre, et alors que la dernière aventure de James Bond dans laquelle officiera Daniel Craig attend sagement de pouvoir être exploitée en salles à l'international, Ecran Large ré-explore l'intégralité de la saga consacrée aux aventures de l'agent 007.

Cette semaine, nous attaquons les hostilités avec le premier long-métrage, qui révéla au grand public le héros imaginé par Ian Flemming et l'acteur Sean Connery, le légendaire James Bond 007 contre Dr. No.

 

Affiche officielle

De quoi ça parle ?

Le représentant des services secrets britanniques est assassiné à Kingston en Jamaïque, et les pièces de sa dernière investigation dérobées. Le MI6 dépêche sur place un de ses meilleurs agents, James Bond, doté du permis de tuer, d'un tout petit revolver et d'un gros charisme.

Dès son arrivée, il est pris en filature, puis agressé. Faux aveugles meurtriers, tarantule de bienvenue et nigauds de la CIA sont autant de mauvaises surprises que ne mentionne pas Le Guide du Roublard. Alors qu'il navigue de tentatives d'espionnage en tentatives d'assassinat, le matricule 007 met à jour une vaste conspiration, visant à saboter les lancements de fusées américaines de Cap Canaveral, grâce à des ondes atomiques émises depuis une île mystérieuse et redoutée par la population locale.

Bond découvre qu'elle abrite les installations du Dr. No. Alors qu'il tente de recueillir des informations sur ces projets, il rencontre Honey Ryder qui arpente, elle aussi, les lieux en secret, dans l'espoir d'y récupérer des coquillages. Tous deux sont faits prisonniers. Le Dr. No révèle à 007 qu'il appartient à l'organisation SPECTRE et nourrit de noirs dessins contre le monde libre. Il espère provoquer un conflit entre Est et Ouest, qui escaladera jusqu'au conflit nucléaire et fera de lui le maître du monde. James parvient à détruire son installation, réduire ses plans à néant et provoquer la mort du méchant, sans oublier de rentrer les poils à Honey.

 

photo"Viens voir le Docteur"

 

Pourquoi c'est bien

Parce que c'est le film qui a, instantanément, installé James Bond au sommet du cinéma d'action grand public, même s'il n'est pas le premier à miser sur les ouvrages à succès de l'auteur Ian Flemming, puisqu'un premier téléfilm Casino Royale avec le comédien Barry Nelson avait déjà vu le jour préalablement. Mais cette nouvelle version, souvent reçue comme première va projeter son projeter son prédécesseur  avec une facilité, une intelligence et une conscience de son temps qui en faisaient alors une proposition résolument moderne, créative. Il faut dire que les étoiles se sont alignées sur le film, quand les écueils étaient nombreux lors de sa gestation.

Les deux producteurs, le légendaire Brocoli et Harry Saltzman ont eu fort à faire pour monter le film. Tous deux ont le flair de souhaiter développer une série de films, et si la marque James Bond est connue, cela n'a rien d'évident. Le romancier Ian Flemming rêve d'un grand réalisateur, encore marqué par le refus d'Alfred Hitchcock d'adapter son roman Opération Tonnerre, espère que son héros de fiction sera campé par une star.

Mais avec le financement relativement modeste de la United Artists, les producteurs ne peuvent se permettre d'être trop gourmands, et plusieurs des comédiens qu'ils approcheront voient d'un mauvais oeil l'idée d'être coincés contractuellement plusieurs films durant. Ni Rex Harrison ni David Niven ne veulent du rôle, qui échoie finalement à un homme de 32 ans, Sean Connery. Un choix radicalement éloigné de ce que souhaite le romancier, qui cherche un gentleman britannique, et goûte très peu ce comédien écossais, qui refuse de se séparer de son accent. Il n'est pas non plus enchanté par le choix de Terence Young, metteur en scène qui fut assistant d'un certain Alfred Hitchcock. Et pour boucler la boucle, Sean Connery tournera Pas de printemps pour Marnie avec le maître du suspense, entre deux 007.

 

photo, Sean Connery"Et donc vous allez me révéler tous vos plans en fait ?"

 

Malgré cet attelage, le film s'avère nettement en avance sur son époque. Dans sa sécheresse et sa représentation de la violence, sa manière de caractériser les personnages, le film est une réussite à presque tous les niveaux. Une réussite bien loin de repiquer les habitudes du divertissement de son temps, tant il se plaît (notamment dans ses décors) à proposer une atmosphère singulière, qui deviendra immédiatement reconnaissable.

Mais surtout, là où James Bond 007 contre Dr. No impose une sacrée leçon aux blockbusters contemporains, presque tous incapables de faire accepter des univers ou des codes nouveaux au public, le long-métrage de Terence Young réussit à installer une quantité de rituels et cérémoniels qui deviendront emblématiques de la série et n'en dévieront jamais plus, ou presque.

 

photo, Eunice Gayson, Sean ConneryEunice Gayson, l'autre première James Bond girl

 

Il semble presque impossible de tous les lister, de la présentation du héros au plan depuis le canon d'un pistolet, jusqu'à son goût pour l'alcool. Mais aussi la figure du grand méchant au gros cerveau, l'habitude discutable d'étaler ses plans de domination mondiale devant son pire ennemi, la base secrète cachée aux yeux du monde, le personnage récurrent de Felix, SPECTRE, et bien évidemment, l'iconique James Bond Girl en la personne d'Ursula Andress (qui, pour rappel, a été doublée par Nikki Van der Zyl à cause de l'accent trop fort de l'actrice suisse).

Son apparition a littéralement marqué l"histoire du cinéma, devenant une scène culte, injectée immédiatement dans l'inconscient collectif occidental. Tout ou presque entre dans la légende avec ce film, jusqu'aux lettres qui désignent les supérieurs de Bond. Sans oublier évidemment le thème musical de Bond, qui annonce l'identité sonore de la saga.

 

Photo Ursula AndressUrsula en maillot

 

Pourquoi c'est pas si bien

Le budget est limité, on décide donc d'adapter non pas la première aventure de Bond, mais la première à se dérouler dans un lieu unique, en l'occurrence la Jamaïque. Un choix parfaitement logique, mais qui, quand on compare cet épisode aux suivants, rabote sérieusement son rythme et peut donner le sentiment de ronronner par endroits. De même, en dépit d'excellentes idées, comme le trio d'assassins faussement aveugles, Young a parfois un peu de mal à iconiser d'autres protagonistes que Connery et Andress. De même, la construction, en ne dévoilant son méchant que très tardivement, s'avère un peu précipitée lors de son dernier acte.

Enfin, le fameux Dr. No ne restera pas comme un des méchants les plus marquants de la franchise. La faute à une écriture finalement très pauvre, voire mécanique, que ne compense pas l'interprétation assez molle de Joseph Wiseman. Le comédien, fort peu crédible dans un numéro de whitewashing qui apparaît aujourd'hui dans toute sa grossièreté, échoue à faire vivre une quelconque menace.

 

photo, Sean Connery"You've got your 6"

 

LE BUSINESS BOND

Avec un budget de seulement 1 million de dollars (soit 8,6 millions actuels), la première aventure de James Bond est produite avec prudence, voire à l'économie. Et s'il est difficile d'arrêter tout à fait quel est son score au box-office (les sorties s'étalant alors sur plusieurs mois à travers le monde, et un film pouvant rester à l'affiche plus d'une année entière), le score généralement retenu de 59, 5 millions de dollars en fait une opération éclatante de réussite et extrêmement rentable.

C'est le 7e plus gros succès de 1963 sur le sol américain (derrière notamment Cléopâtre), et le 4ème film le plus vu en France (avec 4 772 000 spectateurs), derrière La Grande Évasion, La Cuisine au beurre et Lawrence d'Arabie. Bond s'est imposé instantanément. Ses producteurs ne s'y tromperont pas et sa suite mise en chantier immédiatement bénéficiera d'un budget doublé, de 2 millions de dollars.

 

photo, Sean ConneryCoquillages et crustacés

 

Une scène culte

Tout le monde pense bien sûr à Sean Connery, tout de bleu vêtu, reluquant la sculpturale Ursula Andress qui sort de l'eau - un moment iconique pour la James Bond girl Honey Ryder, qui aura droit à un hommage avec Halle Berry dans Meurs un autre jour, et même Daniel Craig lui-même dans Casino Royale. Mais il y a peut-être une scène aussi marquante, moins souvent citée et également emblématique de la saga 007 : celle au cours de laquelle James Bond exécute Dent.

C'est la première fois qu'il fait véritablement usage de son permis de tuer, puisque son adversaire est désarmé, physiquement bien incapable de représenter une menace, et que notre héros le tue le plus froidement du monde, de deux balles, dont une dans le dos. Ceux qui se sont étonnés de la brutalité d'un Daniel Craig ont souvent oublié cette séquence, réalisée avec une simplicité glaçante, un découpage impeccable, qui met incroyablement en valeur le charisme de l'acteur, jusque dans ses décisions les plus amorales.

 

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commentaires
Titi22
05/12/2023 à 04:09

Un très bon début pour une saga légendaire. Cependant le film à tout de même pris un petit coup de vieux.

Sébastien
17/11/2020 à 01:33

Ba...Inventer un personnage, un style, un nouveau genre de cinéma à partir de rien ou presque n 'est pas assez bien pour les fins gourmets d'Ecranlarge.
Mais quel snobisme déplacé.....

Virage
14/11/2020 à 08:54

J’ai revu le film plusieurs fois, et à chaque fois j’ai envie d’égorger l’habilleuse qui a filé ce fameux T-Shirt rouge à Quarell.
Non parce que niveau infiltration en territoire ennemi, on a vu mieux comme camouflage...

Pour l’anecdote, dans les bouquins Dr No est en quelque sorte la suite de Vivre et Laisser Mourir (qui se passe aussi en Jamaique). James Bond y retrouve d’ailleurs son ami Quarell.

Slade
13/11/2020 à 20:07

Sean Connery a 32 ans dans le film ???! Avec l’inflation ça donne quoi ?

Pat Rick
13/11/2020 à 19:37

Il est culte car c'est le 1er film, mais c'est clair que ce n'est pas le meilleur de la saga.

Niko64
13/11/2020 à 16:33

Bonjour
Un des premiers acteurs qui fut contacté par les producteurs de James bond fut Patrick MacGoohan.. L acteur de Dangeman et le prisonnier. Il a refusé car pour lui les livres Fleming et le scénario n avaient rien à voir...

Kyle Reese
13/11/2020 à 15:34

@Faurefrc

+1
Tout le personnage est résumé en cette courte séquence. L'aplomb, le charme, la classe internationale. Et là, nous spectateurs, on imprime direct et on se dit bah ouais c'est ça !
Bam on veut tous être comme lui et c'est parti pour la saga sur plus d'un demi siècle.
Il n'y a pas d'équivalent dans l'histoire du cinéma j'ai l'impression.

Faurefrc
13/11/2020 à 13:58

La scène la plus culte? Je dirais peut-être celle qui illustre le haut de l’article avec Sean Connery en smoking au casino en train de s’allumer une clope et de lancer l’une des répliques les plus célèbres et parodiées du cinéma : « Bond... James Bond. »

MAN
13/11/2020 à 13:06

Dommage de na pas avoir commencé par le Casino Royale de 1954...