Le mal-aimé : Doomsday, le trip bis et post-apocalyptique de Neil Marshall

Simon Riaux | 18 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 18 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce que beaucoup de films ont loupé leur sortie, n’ont pas rencontré le public, perdu la critique et été oubliés, Ecran Large, chevalier du bon goût et soldat de l’élégance, lance toutes ses forces dans la bataille afin de ramener des abimes des pépites mésestimées ou incomprises. Cette semaine, on est contaminés par Doomsday, patchwork dément qui marie aussi bien la SF, l’horreur, que l’action bourrine. Autant d'influences qu'on retrouvera dans son très décevant Hellboy.

 

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« De facture classique » (Figaroscope)

« Neil Marshall avait fait son son petit effet (…) avec The Descent (…) il perd toute crédibilité avec Doomsday. » (Télérama)

« L’hommage sans l’innovation n’est pas de l’hommage, mais du karaoké. » (The New York Times)

 

 

LE RÉSUMÉ EXPRESS

Écosse, 2008. Une nouvelle souche de grippe super gore décime le pays d’Highlander vitesse grand V. Incapable de trouver un remède avant que l’épidémie n’atteigne un stade critique, Londres décide de rebâtir le mur d’Hadrien, couper l’Etat du reste du monde et d’y laisser mourir des millions d’innocents.

2033. Eden Sainclair, ultime écossaise à avoir pu s’échapper lors de la clôture du Mur, est devenue une guerrière d’exception, rompue aux opérations commando extrêmes. Alors que la grippe trop trop gore refait surface en plein Londres, on l’envoie seule en territoire Ecossais, afin de prendre contact avec des poches de survivants, lesquels pourraient avoir mis au point un antidote.

Mais c’est un peu le bordel, et Eden va affronter successivement des gros punks consanguins cannibales, et des survivalistes passionnés de chevalerie, et un rodéo motorisé pas piqué des vers. Comprenant que bon, la société est pourrie et puis tout le monde va choper la grosse grippe qui coule, Eden décide de rester en Écosse pour régner sur les punks cannibales. Fin.

 

photoEden auprès de son mentor

 

LES COULISSES

Neil Marshall a grandi tout près des ruines du Mur d’Hadrien, et a très tôt rêvé de raconter une histoire qui utilise cet élément historique essentiel de la construction symbolique de l’Écosse. Adolescent, ce n’est pas le récit historico-bourrino-péplum de Centurion qui lui trotte dans la tête, mais plutôt une image un peu folle, inspirée des pulps et récits de chevalerie qu’il a dévoré gamin.

Celle d’un commando futuriste surarmé faisant face à des chevaliers en armure. Si l’image n’apparaîtra pas telle quelle dans Doomsday, le film va se faire une joie de travailler ces éléments. C’est qu’après Dog Soldiers et The Descent, le metteur en scène a été en mesure de rassembler un budget un peu plus confortable que sur ses deux précédents projets, à savoir 17 millions de dollars. Armé de son sens de la démerde, il peut envisager un récit nettement plus ambitieux.

 

photoUn bien beau barbecue

 

Pour emballer ce scénario qui lui trotte dans la tête depuis un bout de temps, le réalisateur tournera en Afrique du Sud, du côté de Cape Town, afin de pouvoir multiplier les figurants (plus de 700 dans la scène d’ouverture) et les constructions de décors. Une jolie performance, surtout quand on sait que la quasi-intégralité du récit, dont la plus grande partie de l’action se déroule en extérieur, prend place en Ecosse.

Le pays est dans un premier temps très sensible à l’initiative de Marshall et y voit la possibilité d’utiliser le film comme un produit d’appel à destination d’autres productions en quête de décors, et engendrer ainsi une croissance du secteur audiovisuel local. Seules les séquences dans l’enceinte de Blackness Castle ayant été filmées en Ecosse, la chose ne manque pas d’ironie. Le bureau Scottish Screen accordera d’ailleurs une importante subvention de 300 000 livres au métrage. Pour autant, Doomsday ne sera jamais mentionné lors de la cérémonie des BAFTA… Le gros trip bis de Neil Marshall n’a semble-t-il pas surexcité les institutions britanniques.

Le portrait des élites londoniennes, corrompues, lâches, méprisables et portées sur la dictature a peut-être achevé d’éloigner le film des cérémonies de récompense.

 

photoUn hommage à la première scène d'action d'Aliens, le retour

 

BOX-OFFICE

Doomsday a beau avoir pas mal de gueule et ne pas laisser croire une seconde qu’il n’a coûté « que » 17 millions de dollars, le public n’a pas massivement répondu présent. À l’international, le film a amassé 22 millions de dollars de recettes. Certainement pas de quoi confirmer la vista de Neil Marshall après l’adulé The Descent.

 

photoSe battre contre le box-office, pas facile tous les jours

 

LE MEILLEUR

Neil Marshall a réalisé un film d’amoureux du cinoche énervé et déviant. Son Doomsday enchaîne les citations à Aliens, à New York 97, The Warriors, Excalibur, La Chair et le Sang, Mad Max. Le tout est recouvert d’une bonne grosse sauce saturée de bis post-apocalyptique italien. Sur le papier, le mélange n’a aucun sens, mais il assure au récit un dynamisme impressionnant. Impossible de s’ennuyer devant ce maëlstrom qui alterne décors délirants, scènes d’action et antagonistes azimutés.

 

photoQuand Marshall agite son coffre à jouets

 

Pour l’amateur de culture populaire, Doomsday a des airs de coffre à jouets déviants. L’incroyable amour qui en transparaît en direction des serials et des pulps est d’autant plus rafraîchissant que les références au bis sont le plus souvent cyniques ou à distance. Ici, le cinéaste professe une véritable foi dans les formes d’un cinéma premier degré, toujours mal élevé, à la générosité souvent ahurissante.

D’ailleurs, Marshall fait régulièrement des merveilles, et parvient toujours à iconiser ses scènes d’action. Bien sûr, on sent ici et là les limites évidentes de son budget, mais l’électricité qui émane de plusieurs scènes ne peut qu’emporter l’adhésion. Le goût du réalisateur pour les bastons sanglantes et certaines outrances qu'on croirait sorties d'un rêve de Paul Verhoeven confère à cette mosaïque improbable un air de cinéma punk réjouissant.

Ainsi, les rares à s'être précipité sur Doomsday connaissent le bonheur de le dévoiler à leurs amis et de scruter leurs pupilles sur le point de s'écarquiller quand de vilains barbares commencent à manger les héros tous vifs après un happening à base de kilts.

 

photoGore bless the Queen !

 

Enfin, Rhona Mitra n’est pas pour rien dans la réussite de l’ensemble. L’actrice n’a jamais été aussi charismatique, sculpturale et aimée par la caméra. Marshall se réjouit d’en faire une guerrière qui impressionne chaque photogramme. Son modèle est à l’évidence un mélange entre Lara Croft (elle fut d’ailleurs l’égérie du jeu Tomb Raider 2) et Snake Plisken, ce qui confère à Eden Sainclair un sacré patrimoine symbolique. À la fois héroïne sexy tout droit sortie des planches fantasmatiques d’un Liberatore que guerrière antique, elle est une excellente raison de regarder en boucle Doomsday.

Et à ses côtés, on retrouve une galerie de comédiens immensément talentueux, de Bob HoskinsAlexander Siddig, ou encore Malcolm McDowell, qui confèrent à l'ensemble des airs de fantasme définitif de fan des années 70/80.

 

photo"Prends ça Game of Thrones"

 

LE PIRE

Neil Marshall est amoureux de son film et de ceux auxquels il rend hommage, quitte parfois à s’oublier un peu. Ainsi, on a, par endroit, le sentiment que le metteur en scène a dégainé une super-photocopieuse, tant il cherche à reproduire ses œuvres préférées à l’image près.

Du reste le rythme forcené de la narration donne parfois le sentiment que ce merveilleux kaléidoscope manque un chouia d’unité, ou de cohérence. D’ailleurs, le scénario ne laisse jamais à ses personnages secondaires le temps d’exister. Evidemment, Doomsday voudrait en faire des prototypes très proches du cartoon, mais ils manquent presque tous de chair, même le légendaire Malcolm McDowell.

 

photoMalcolm in the middle-age

 

Enfin, même si le réalisateur et son équipe sont passés maîtres dans l’art de sublimer les limites de leur budget, on sent ici que Neil Marshall se voit contraint par son porte-monnaie. En effet, s’il emballe quantité de scènes plastiquement canons, ou intelligemment cheap, on le sent parfois contraint (notamment lors de sa poursuite finale) d’avoir recours à énormément de plans rapprochés et autres inserts en forme de cache-misère.

Marshall est assez doué pour ne pas entacher la lisibilité de l’ensemble et son découpage demeure toujours dynamique, attrayant pour l’œil. On regrette néanmoins régulièrement de sentir la mise en scène incapable d’assumer les ambitions du scénario.

 

RETROUVEZ L'INTÉGRALITE DES MAL-AIMÉS DANS NOTRE RAYON NOSTALGIE

 

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commentaires
Hildegarnic
20/05/2019 à 15:13

Je me rappelle l'avoir vu et très vite oublié sauf deux choses : Rendre Two Things de Fine Young Cannibals encore plus cool qu'il ne l'était déjà et Rhona Mitra. Cette femme est d'une beauté et d'un charisme effarant

Pat
20/05/2019 à 12:49

Dommage car dans son genre ce film est extra.

Geoffrey Crété - Rédaction
19/05/2019 à 22:50

@Sharko

Ecran Large ne vous impose rien. Déjà parce que vous êtes libre de penser, lire, voir, aimer et détester ce que vous voulez. A priori, il faudra plus qu'un petit article un samedi pluvieux pour détruire votre libre-arbitre.
Et ensuite, parce qu'on ne parle à peu près jamais de ce film, donc si on voulait "l'imposer", on serait bien mauvais.

Vous n'aimez pas, on aime. On écrit un article dans la rubrique adaptée pour "fêter" Hellboy. Vous venez dire que vous n'aimez pas. Rien de spécial ou d'incroyable.

PS : on est loin d'être les seuls à aimer.

zebular
19/05/2019 à 17:55

Revu hier, après avoir lu ce mal-aimé. Rien à retenir de ce film aux choix idiots. Passons sur l'actrice sans talent et les nombreux appuis forcés à John Carpenter. Du fils qui en veut à son père et qui va créer sa propre communauté de cannibales pour une raison obscure et surtout parce qu'il sentait bien que un papa ça ment. Mais le coup du hangar à la Indiana Jones qui se transforme quasi en boutique Hassan Cehef, achève définitivement ce film. Enfin, toujours rassurant de savoir que dans un pays dévasté et sans électricité, il y aura toujours du réseau pour téléphoner. Un nanar quoi.

MX
19/05/2019 à 17:54

28 MOIS PLUS TARD???

WTF!!

werner
19/05/2019 à 16:55

La blague… Je viens à l’instant de revoir le film (que j’avais adoré) après au moins 4-5 ans sans l’avoir revu. Je cherchais des critiques sur le net, et je tombe sur celle ci publié hier !

Et, elle formule en grande partie ce que je pense du film mais que je serais bien incapable d’écrire !

Perso, j’ai adoré. Je considère ça comme de la super série B. J’étais (et je suis encore) total amoureux de Rhona Mitra que je trouve parfaite et, effectivement, sculpturale et sexy en diable. Pas une seconde je ne remettrais en question sa capacité à mener à bien des soldats, cette mission, et le film.

Et, non, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde ! Oui, la fin, les gros plans tout ça, la voiture pas abîmé, on sent que ça cloche un peu, mais ce n’est pas très grave, c’est dynamique, c’est vivant, on sent une grosse application à fournir un film de genre de grande qualité. Pour moi, la mission est réussie.

Je ne savais pas que c’était Marshall qui avait réalisé Centurion. Ça, par contre, c’est un autre rythme, mais on sent bien le gamin amoureux de l’écosse et du mur d’adrien qui s’est fait ses films lorsqu’il était petit et qui les réalise aujourd’hui.

Sharko
19/05/2019 à 15:53

Il faut vraiment que Ecranlarge arrête de nous imposer ce sous Mad Max, totalement oublié et réhabilité par personne sauf vous. Mad Max Fury Road l'ayant définitivement enterré.
Comme l'ont si bien dit Boddicker et pepe, c'est ennuyeux à mourir. Rhona Mitra est loin d’être une grande actrice et elle est bien plus charismatique dans Beowulf et Underworld 3. La guerrière tatoué aurait du être l'antagoniste du film au lieu du punk mais elle disparait après un combat de 30 secondes. Il vaut mieux revoir 28 mois plus tard.
L'échec n'est pas une surprise quand on sait qu'il est sortie en même temps que Iron Man.

Mx
19/05/2019 à 15:40

Pas le meilleur marshall à mon goût, la première partie du film est la meilleure, et le film digère mal ses influences.

Je préfère dog soldiers, ou the descent.

Le Waw
18/05/2019 à 22:46

Mon Neil Marshall préféré.

TomTom
18/05/2019 à 22:09

Un gros gros WTF mais la partie hommage Mad Max 2 est jouissive :-)

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