Ridge Racer
Aucun homme ni dieu était écrit par Macon Blair. Auteur de Blue Ruin et Green Room, Saulnier reprend son poste et son stylo. Rebel Ridge reste néanmoins très différent de ces deux coups d’éclat. Le scénario est de ceux qui se déploient à partir d’un évènement précis, emportant le spectateur dans une vaste spirale narrative. L’exercice est casse-gueule (il faut être minutieux), mais particulièrement adapté au modèle de la SVoD, qui, tel une chaine YouTube, tente désespérément de s’agripper à l’attention d’un spectateur qui aura vite fait de relancer une partie de Candy Crush.
Long de plus de deux heures, le film excelle dans cet exercice, sur un rythme donc aux antipodes de celui d’Aucun homme ni dieu. Et ce dès la séquence d’introduction, montrant un cycliste baraqué contrôlé par deux policiers pour le moins zélés. A partir de ce postulat, Saulnier aurait pu lancer son héros dans une quête de vengeance aveugle, à coups de phalanges dans la tronche et de one liners ringards. Bien qu’il réserve quelques torgnoles bien senties (il faut voir les victimes s’effondrer !) pour la dernière partie, il préfère tirer sur le fil de l’injustice policière jusqu’à révéler ses coutures.

Forcément, l’ensemble pâtit de quelques petites baisses de régime, notamment lors d’une phase de transition entre les deux grandes sections de l’intrigue. Mais le cinéaste a toujours été doué quand il s’agit de doser ses effets et il fait preuve ici d’une rigueur impressionnante, ne cédant ni aux sirènes d’une mise en scène trop explicite, ni à celles des twists grandiloquents.
Certes, il garde plusieurs surprises dans sa manche, parfois révélées avec humour (le running gag des acronymes), mais à l’instar de son héros campé par Aaron Pierre, il agit calmement et en suivant la procédure… jusqu’à ce que l’une et l’autre des approches ne soient plus acceptables. A ce stade, l’abonné Netflix distrait ne se préoccupe plus du tout de Candy Crush ou de quoi que ce soit qui ne concerne pas le bras de fer procédurier entre Terry Richmond et la police d’une petite ville américaine.

Law and orders
En opposant de la sorte deux représentants de l’ordre à l’américaine, le cinéaste prépare en fait le terrain pour un véritable western urbain, qui révèle toute son ampleur dans le dernier acte musclé (et très bien réalisé). Aaron Pierre et Don Johnson (excellent) jouent les cow-boys solitaires et les shérifs assurés, aux côtés de la locale engagée de AnnaSophia Robb, remarquable toute en fausse vulnérabilité.
Et comme dans certains des meilleurs films du genre, ce festival de plissements d’yeux et de « concours de celui qui pisse le plus loin », ici démultiplié par le scénario progressif, décortique de l’intérieur la violence inhérente au modèle social et martial de l’oncle Sam. Ici en l’occurrence, il décrit les mécaniques de la corruption.

Grâce à son intrigue à tiroirs, il plonge scène après scène, strate après strate, dans le ventre de la bête, qui recrache et digère dans l’indifférence générale. Le tout sans désigner de grand responsable, accusant aussi bien un système qui abandonne les petites bourgades rurales que les égos avares qui les peuplent, sans oublier bien sûr une impunité à toute épreuve, qui va vaciller face à la force brute du héros. En avançant étape par étape, Rebel Ridge démantèle pièce par pièce la terrible machine de la corruption, non sans violence bien entendu.

Alors de la France, les enjeux politiques derrière toute cette violence – physique ou symbolique – peuvent paraître opaque, tant le maillage institutionnel américain est éloigné de notre organisation. Pourtant, les logiques qui apparaissent au détour d’une réclamation ou d’un uppercut ne lui sont pas exclusives. Ses spécificités ne conditionnent que les armes que le héros va finir par retourner contre lui. Car la grande qualité de Rebel Ridge est aussi de ne jamais s’éloigner du dispositif légal, rabaissé au rang de simple outil utilisé par l’un ou l’autre des camps, et par la même délesté de toute sa noblesse, ou même de sa valeur morale.
Qu’on se rassure donc : Saulnier n’est parti nulle part et continue d’explorer des thématiques inédites avec brio, même au cœur de l’industrie netflixienne. L’incorruptible, c’est lui !
Rebel Ridge est disponible sur Netflix depuis le 6 septembre 2024

Si tous les films du catalogue Netflix pouvaient afficher autant de qualités, bravo Saulnier : ce film tend à son max chaque situation, l’impression de se faire macher par la machine américaine augmente à chaque scène, tout est réuni pour que son Cpt America joue les Rambos mais il ne cède à aucune facilité. Tout sera réaliste jusqu’au bout pour le héros. Et au passage : quelle présence ce Aaron PIERRE !
Bonne surprise. Le réal en effet déjoue les attentes du spectateurs habitués à des thrillers plus bourrin ou la violence se déchaine pour privilégier l’action et le spectacle. On y gagne en réalisme et crédibilité. C’est tendu dés la première excellente scène. On ne comprend pas toujours très bien le coté légal, les US avec leurs lois locales c’est assez déroutant. Le film n’est pas trop manichén et bien réalisé, la fin un peu étonnante. L’acteur principal est vraiment top, ainsi que Don Johnson, tellement plaisir de le revoir, j’étais fan de Miami Vice. Bref plutôt content.
Excellent film. L’acteur principal a une présence très captivante. Je ne le connaissais pas. Le tout est une belle découverte !
@kelso. Pas tout à fait d’accord, le canevas ressemble beaucoup à la 1ere saison de Reacher mais le traitement pas du tout. Reacher c’est over the top, jouissif et manichéen. Rebel Ridge tend vers une forme de réalisme et préfère analyser la mécanique de l’escalade et dénoncer les absurdités du système judiciaire cainris plutôt que d’enchaîner les bourre pifs. Enfin, Richmond est clairement pas un surhomme comme Reacher et son approche de la violence est cohérente avec son passé d’instructeur de CQC et avec le contexte : le mec peut buter personne et il est obligé de la jouer tactique et de neutraliser ses adversaires.
Bref c’est 2 approches et j’aime les 2 pour des raisons différentes.
Pour ma part, ça m’a plus fait penser au Rambo de Ted Kotcheff, en tout cas c’est un excellent film.
Pas mal mais trop de déjà vu, j’ai vraiment eu l’impression de voir un épisode de 2h de la série Reacher, on met Alan Ritchson dans le rôle principal et c’est presque pareil, un ancien militaire qui doit affronter tout seul la police corrompue d’une petite ville, une jolie fille du coin qui l’aide, déjouer une corruption où les méchants s’en mettent plein les poches. Sérieux ça pourrait être adapté d’un roman de Lee Child. Un peu décevant du coup, pour moi Green Room reste de loin son meilleur film.
Je l’ai lancé hier soir sans savoir que c’était Saulnier, juste pour voir le début. Je n’avais l’intention de voir que les quelques minutes du début pour voir où j’allais le caser dans mon emploi du temps, je l’ai regardé jusqu’au bout. J’ai tout aimé de la filmo de Saulnier, il sait écrire des personnages et des situations compliquées.
En lisant le titre, je me disais encore un film à budget cinéma pourri sur Netflix,
Hate de le voir du coup, j’avais en plus adoré Green room
Je ne savais pas que Saulnier préparait un nouveau flm alors me voilà ravi de cette nouvelle étant un grand fan de tous ses précédents films. J’y fonce !
Ca fait plaisir de voir le retour de Don Johnson.