Une comparaison entretenue par un même espace-temps cotonneux, illustré par la bande originale composée par Robin Guthrie des Cocteau Twins et connectée à une adolescence qui vénère la New Wave et fréquente les soirées Batcave. Nouvelle figure de la scène hollywoodienne branchée, l’excellente Shailene Woodley, comme Joseph Gordon-Levitt à l’époque, incarne le cœur Arakien : à la fois naïf et désabusé, maître d’un corps très sexué et victime d’une psyché instable, tourmenté par des questionnements tour à tour puérils et puissants, et surtout obligé de grandir dans la douleur suite à un trauma venu tout droit du monde des adultes (la disparition inexpliquée de la mère, qui renvoie à l’enlèvement métaphorique de Brian).
Le réalisateur américain n’a pas son pareil pour filmer l’adolescence sous toutes ses formes, embrasser sa beauté et sa cruauté, derrière un voile d’une honnêteté fascinante. La banlieue de cette fable, adaptée du roman de Laura Kasischke, est donc un terrain de jeu idyllique pour voir sa caméra glisser sur les visages de cette Amérique illusoire des années 80, gigantesque cirque où chacun tient un rôle, tatoué dans sa chair jusqu’à emprisonner les rêves, comme en témoigne la sordide conclusion de l’histoire. En ça, le personnage de la mère, ogresse asphyxiée par ses habits de femme au foyer, témoigne d’une vraie noblesse d’écriture, qui s’étend au-delà de la cellule adolescente.
La principale faiblesse de White Bird naîtra de la comparaison inévitable avec Mysterious Skin. Plus terre-à-terre, le dixième film de Gregg Araki peine à susciter la même grandeur, la faute à une histoire plus serrée – moins de personnages, moins de violence, moins d’ellipses. Si les deux films, articulés autour d’un trauma, se terminent par l’exposition claire des faits, White Bird décide de s’y reposer pour clore le film, là où Mysterious Skin l’utilisait comme un tremplin pour une envolée lyrique. D’où une impression mitigée en toute fin de pellicule, après une conclusion proche du film policier qui ne semble pas à la hauteur des émotions manipulées. L’œuvre n’en reste pas moins infiniment belle, tendre et brutale, servie par les performances nuancées de Shailene Woodley et Eva Green, une nouvelle fois vorace et renversante.