Critique : Alabama Monroe

Patrick Antona | 30 août 2013
Patrick Antona | 30 août 2013

Après La Merditude des choses en 2009 qui avait eu quelques retentissements au moment de sa sortie, le belge Felix Van Groeningen revient sur les écrans par là où on ne l'attendait pas : le mélodrame familial et musical avec enfant malade. Mais si le postulat de départ évoque furieusement La Guerre est déclarée, le réalisateur flamand ne verse pas dans la même veine bobo/pop de Valérie Donzelli mais décrit une véritable épopée intime où viennent se percuter la romance, le sexe, la marginalité, la musique, les affres de la maladie et la confrontation avec la mort. Et ce, sans jamais laisser un temps de répit au spectateur qui vie quasi-fusionnellement au rythme des comédiens.

Construisant son film comme un aller-retour entre les différents crescendo émotionnels que cette famille hors du commun va traverser, Felix Van Groeningen dessine sa narration non pas de manière artificielle comme on a pu l'entendre mais de la manière la plus intelligible qui soit, comme si conscient et inconscient fusionnaient en parfaite harmonie. Cette alternance de drame et d'allégresse, tel un rollercoaster émotionnel, ne saurait fonctionner sans les deux comédiens fabuleux que sont Johan Heldenbergh et Veerle Baetens, justes et crédibles, tant dans leurs moments de simple allégresse que dans leurs excès, physiques et psychologiques. Pas de pathos avec "feel good attitude" de La Guerre est déclarée, ici la maladie est moche, la vie de famille peut être éprouvante, l'amour ne peut pas tout, mais les caractères incarnés et les émotions traversées dépassent la simple trivialité pour atteindre une forme de maturation métaphysique.

Film musical en plus, Alabama Monroe est pétri de références culturelles envers une Amérique complètement mythifiée par ses protagonistes principaux, amateurs et musiciens émérites de bluegrass (et ce n'est pas un hasard si Johan Heldenbergh est vraiment le leader du groupe country The Broken Circle Bluegrass) dont les mélodies si particulières accompagneront les divers épisodes de cette vie de famille au fil du rasoir, sans en édulcorer les moments les plus durs et en évitant de faire dans le pastiche convenu. Et quand le film prend des accents militants sur un certain point, ce virement idéologique ne nuit en rien au drame personnel mais au contraire lui confère une forme d'universalité qui transcende les barrières de la souffrance consentie vers une révolte consciente et libératoire, même si celle-ci aura des conséquences pénibles.

Mélodrame lacrymal mais en rien caricatural et encore moins empesé, Alabama Monroe est une pure merveille cinématographique, un film éprouvant mais jamais gonflant, maîtrisé tout en parvenant à ménager de pures appartés poétiques, habité par des personnages de chair et de sang qui sauront vous toucher par leur intensité communicative, et dont les derniers moments vont quelque peu vous hanter, une fois le générique et la musique terminés.

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