Critique : Au nom du peuple italien

Par Patrick Antona
22 janvier 2013
MAJ : 17 octobre 2018
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Avec Au nom du peuple italien, Dino Risi,  grand maître de la comédie italienne, celui qui avec Luigi Comencini et Ettore Scola lui a donné ses lettres de noblesse dans les années 60, prend le virage des années 70 dans une veine beaucoup plus politique. Celui qui avait fait dans la comédie féroce en égratignant ces contemporains à tout va se lance dans une satire sociale qui dissèque avec intelligence les failles de la démocratie italienne et de ses compromissions.

S’appuyant sur le tandem phare de la comédie italienne Ugo Tognazzi-Vittorio Gassman, le premier impeccable en Bonifazi, juge ombrageux tout dévoué à la cause de la justice, le second à son aise dans le costume de Santenicito, industriel corrompu et haut en couleurs, Au nom du peuple italien  est une farce amère où Dino Risi évite avec intelligence la leçon de morale.

Car cet affrontement entre le petit juge zélé et l’industriel roublard et flamboyant accusé du meurtre d’une call-girl est plus l’illustration d’une lutte des classes qu’une banale enquête policière, l’un essayant de prendre le pouvoir sur l’autre quitte à mentir et à se compromettre. Mais Dino Risi sait rester à hauteur d’homme dans son récit, ménageant  entre les joutes verbales de ces principaux protagonistes quelques plages de sérénité, surtout lorsque Vittorio Gassman fend son armure de capitaine d’industrie arriviste en concédant une forme de respect sincère envers l’abnégation de son juge.

L’humour burlesque est aussi présent avec la scène de fête costumée au début du film, où Santenicito déguisé en César accueille ses riches invités, ou dans les multiples petites évocations de l’absurdité de la machine administrative qui entoure Bonifazi. Mais c’est dans la description de la cruauté la plus banale que Dino Risi demeure le plus fort, comme celle où les  ignobles parents de la victime avouent être partie prenante du commerce que leur fille faisait de son corps.

On  ne peut être que stupéfait que le scénario écrit par le duo Age & Scarpelli puisse anticiper à 40 ans près les affres et turpitudes d’un Berlusconi dont Vittorio Gassman incarne à merveille une forme de prototype. Mais plus que tout, Au nom du peuple italien révèle les contradictions d’une société dite démocratique qui a beau jeu de protéger les faibles mais qui ne réussit qu’à s’abaisser au niveau de ceux qui bafouent les lois et se clôt sur un final quasi-cataclysmique, où les amateurs de foot en prennent pour leur grade, et où les deux protagonistes perdront leurs illusions, mais sans oublier l’humour, certes grotesque et avec une pointe de fiel, (bon) humour italien oblige.

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