Critique : Le Petit tailleur

Manon Provost | 6 octobre 2010
Manon Provost | 6 octobre 2010

Métrage assez long pour un court, Petit tailleur a la force et l'efficacité d'un grand film. Sur l'éternel rengaine du "boy meets girls", Garrel fils et petit-fils impose avec tact sa plume enthousiaste, son style visuel et sa sensibilité avouée. Lumineux, le film oscille entre vie rêvée et vie réelle, et invite à basculer vers un ailleurs, peut-être meilleur, où il fait bon se projeter. Et c'est en digne héritier d'une famille de cinéphiles et de théâtreux que Louis le comédien a su s'imprégner du capital Garrel pour devenir le bon passeur, celui qui fait le lien entre trois générations et trois domaines artistiques : le théâtre, la littérature et le cinéma. Animé par l'amour qu'il porte à ses aînés, aux mots et à l'image, Louis Garrel s'empare de tout sur son passage et accourt dans la cour des grands. Et il ne lui faut pas plus de 43 minutes pour nous convaincre de son art pour le 7ème.

Tout commence dans un petit atelier du Sentier, où Albert, tailleur de son état et ancien déporté, transmet à son petit protégé Arthur l'aiguille à coudre, le fil de la vie et la mémoire d'un passé à jamais ancré. Mais, tracté par la main diaphane d'un fantasme nommé Marie-Julie,  Arthur, qui rêve de s'évader d'une vie devenue trop étriquée, fait l'expérience du passage de la vie telle qu'elle est à la vie telle qu'il l'aimerait. Et sa rencontre avec Marie-Julie, jeune actrice fiévreuse, sensuelle et mystérieuse, va rompre le lien qui l'unit à son mentor, devenu père spirituel avec le temps. Egarés et perdus dans leur solitude, Arthur le romantique et Marie-Julie la volage cherchent à s'aimer pour peut-être mieux se blesser. Car la robe cousue main par le petit tailleur, et offerte en gage d'amour à la jeune fille en fleurs qui fait tomber les cœurs, trouvera son salut sur le sol d'une chambre souillée par l'infidélité.

Ambitieux mais humble, rieur mais sérieux, le Petit Tailleur de Louis Garrel captive par cette hésitation incessante entre le ton lyrique et utopique d'une vie imaginée et fantasque, et celui franc, spontané et moqueur de la vie telle qu'elle est. Bel hommage au cinéma de papa et à celui de la Nouvelle Vague, le Petit Tailleur réussit à vivre avec son temps en insufflant la modernité d'un film résolument multi facettes, où s'entrecroisent le phrasé travaillé des planches et la modernité d'un langage spontané, pris sur le vif.  A chaque plan c'est la vie qui s'anime et la course contre le temps qui s'active. En homme un peu trop peureux, Arthur court après un destin qui lui échappe, une vie qui avance sans lui. Sublimé par un noir et blanc maîtrisé, le couple Léa Seydoux-Arthur Igual séduit et captive. Trio amoureux et chassé-croisé d'une histoire impossible, il y a du Truffaut dans la narration, et du Godard dans l'acte de filmer et de sublimer l'actrice. Le jeune cinéaste aurait-il trouvé "son Anouk Aimée" ou "sa Brigitte Bardot" ?

Malgré ses airs d'éternel adolescent, Louis Garrel a grandi et se fait l'auteur d'un cinéma empreint d'un héritage revendiqué, où des personnages décousus tentent de s'assembler. Le fil de l'histoire ne se casse jamais. Fait rare, il est d'or. Pas de doute possible, Garrel fils deviendra Louis (même).

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