Critique : Blanc comme neige
Ça commence presque bien, par un mélange de sang, de neige et d'une voix off philosophe émanant d'un François Cluzet toujours aussi étonnant. Si son corps gît dans le blanc finlandais, l'esprit du personnage principal est encore suffisamment élevé pour revenir quelques temps en arrière et nous conter son histoire. Tout l'enjeu du film est alors posé, ce que confirme le titre : montrer comment, en l'espace de quelques jours, la vie d'un homme bien sous tous rapports peut tourner au chaos total. Cela fonctionne un moment, le temps d'une mise en place résolument classique mais menée de façon plutôt efficace par un Christophe Blanc qui a visiblement révisé ses classiques niveau mise en scène. Le tandem de garagistes composé par Cluzet et un excellent Bouli Lanners sent le soufre et brille par le contraste qu'il établit entre un héros intègre et un collaborateur dont il refuse de voir le côté obscur.
Problème : dès lors qu'il sort de cette phase d'exposition,
le film se met à tourner à vide pour ressembler à une gigantesque
résolution qui oublie de laisser respirer ses protagonistes. Très vite,
ceux-ci piétinent et multiplient les réactions incompréhensibles, voire
aberrantes, sans que le film n'assume jamais de façon tacite son envie
de décrire la perte de repères et de logique de gens ordinaires pris
dans une soudaine tourmente. Le film noir tolère les incohérences de ses
personnages et peut même en tirer profit à condition que cela fasse
partie d'un contrat passé clairement avec le spectateur. Ici, point
d'accord de ce genre, mais juste un million de petits défauts d'écriture
et de manquements aux règles du genre. Si bien qu'on se désintéresse
très vite du devenir de ces gens aux comportements si inexplicables
qu'il est impossible s'identifier à eux.
Traînant terriblement en
longueur, Blanc comme neige va
toujours plus loin dans l'artificiel, sa partie enneigée arrivant comme
un cheveu sur la soupe. Toujours au gré d'une progression dramatique
douteuse, le film finit par s'aventurer jusqu'en Finlande, terre
d'origine de méchants patibulaires mais guère impressionnants. Cette
dernière partie semble avoir pour seule justification le désir de
Christophe Blanc d'aller filmer la neige, la difficulté de s'y mouvoir,
sa façon d'absorber et de transcender le rouge sang. L'intention est
louable ; encore aurait-il fallu apporter un zeste de singularité afin
de se démarquer, esthétiquement ou autre, du restant du troupeau. C'est
malheureusement bien loin d'être le cas, d'autant que la conclusion est
aussi prévisible que téléphonée. Après s'être pris pour Cassevetes dans Une femme d'extérieur, Blanc se
rêvait sans doute que son deuxième long en fasse un maître du polar.
L'ambition est là mais le résultat n'y est pas.
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