Critique : Partir

Thomas Messias | 8 août 2009
Thomas Messias | 8 août 2009

Après des siècles de littérature, de théâtre et de cinéma, qui peut prétendre donner un nouveau jour à une histoire d'adultère ? C'est pourtant ce que réussit brillamment Catherine Corsini, qui part d'une situation dont on croyait avoir fait le tour et la transforme peu à peu par son réalisme cru et la conviction de ses interprètes. La preuve du succès de cette entreprise risquée, c'est que malgré un titre très directif et une mise en place moyennement originale, quelque chose se produit dès le début. Le film fonctionne comme s'il était le premier à traiter un tel sujet, et bientôt s'emballe pour ne plus jamais s'arrêter.


Décevants à plus d'une reprise, les films de Corsini finissent généralement par gâcher leur belle idée de départ à force d'approximations de mise en scène ou d'écriture. Ici, on a beau guetter le faux pas, il ne survient jamais, même lorsque les excès sont de sortie. La clé de ce triangle amoureux biaisé dès le départ est sans doute le mari trompé, incarné par Yvan Attal : pourtant moins présent à l'écran, il électrise rapidement le film par ses interventions pleines de rage, de rancoeur, de regrets trop longtemps contenus. Sans adopter son point de vue, le film nous le rend humain, touchant malgré son inquiétante impulsivité, rendant la situation plus complexe qu'il n'y paraît. Il n'y a pas d'un côté les gentils amants et de l'autre le vilain mari, ni le contraire ; il n'y a que trois êtres humains complètement paumés parce qu'une rencontre inopinée a changé leur vie pour toujours.


La grande force de Partir, c'est que le départ annoncé de l'épouse n'est pas une fin en soi, mais le début d'une nouvelle aventure pleine d'obstacles. Là où tant d'autres films finissaient en queue de poisson et laissaient leurs amants pathétiques vivre d'amour et d'eau fraîche, Corsini place ses personnages dans l'embarras et traite un sujet tabou dans le drame sentimental, car manquant sans doute de romantisme : l'argent. Car quitter un médecin pour un petit ouvrier se paye à plus d'un titre, et cette fois le mot FIN ne viendra pas immortaliser à jamais une passion naïve. Quand la bataille des sentiments se mêle à une guerre d'influence et de pognon, la médiocrité de l'âme humaine est alors mise à nu. Et c'est bouleversant. Le regard perdu de Kristin Scott-Thomas, l'oeil tombant d'Yvan Attal, le corps rassurant de Sergi Lopez : autant d'images difficiles à laisser derrière soi après avoir assisté à cet affrontement qui laisse des traces. Partir est, de très loin, le meilleur film de Catherine Corsini.

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