Critique : Les Hommes du président

Ilan Ferry | 29 juin 2006
Ilan Ferry | 29 juin 2006

Bien avant Oliver Stone, Alan J.Pakula se faisait déjà le chantre de la théorie du complot via une filmographie aussi éclectique que couronnée de succès (Klute, A cause d'un assassinat, L'Affaire Pélican…) et dont l'exemple le plus représentatif reste Les Hommes du Président. Thriller politique brillant porteur des stigmates de l'affaire du Watergate, le film d'Alan J.Pakula nous plonge dans les tumultes de l'Histoire d'une nation prise entre l'horreur de la Guerre du Vietnam et un scandale d'une ampleur alors insoupçonnée.


A l'image du livre dont il est adapté, Les Hommes du Président pose les questions qu'il ne faut pas, gratte là où ça fait mal pour finalement faire mouche et révéler une vérité que seul le cinéma pouvait réellement mettre en perspective. En effet, si on peut aisément affirmer que la véritable enquête du duo de journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein contient de par ses multiples rebondissements tous les ingrédients du thriller politique, l'idée même d'une adaptation cinématographique relevait du projet casse gueule ! C'était mal connaître la subtilité d'Alan J.Pakula et son sens affiné du cadre... En effet, la grande force du film est de nous faire vibrer au rythme des multiples découvertes de nos deux journalistes, sauf qu'ici point d'envolées lyriques ni de montage saccadé, seuls un casting visiblement très impliqué, et une caméra en perpétuel mouvement suivant au plus près les deux acteurs principaux, suffisent à capter l'intensité de l'ensemble. Le réalisateur prend un malin plaisir à capter ces derniers dans le jeu des focales et des profondeurs de champ pour signaler leurs rôles prépondérants dans une Histoire qu'ils sont en train d'écrire et dont ils sont les protagonistes. A ce titre, la distribution du film fait honneur au propos qu'il sert : Robert Redford et Dustin Hoffmann, aussi complémentaires que possible, font preuve d'une implication exemplaire tandis que Jason Robards, tout simplement impérial, prouve, si besoin est, qu'il n'a nullement usurpé son Oscar du meilleur second rôle. Enfin, impossible de faire l'impasse sur le brillant travail effectué sur le son retranscrivant à merveille une tension qui va crescendo grâce à une très fine utilisation de la voix off et des bruits ambiants.


Tant par son ambiance visuelle que sonore, Les Hommes du Président s'affranchit de sa condition de thriller politique en révélant au fur et à mesure des enjeux qui dépassent le simple scandale du Watergate. Témoins effrayés, loi du silence et surveillance constante, ce n'est pas la fiction mais bel et bien la réalité dont il s'imprègne, qui rend le film de Pakula si fascinant. Fond et forme s'allient parfaitement dans ce long-métrage nécessaire et culotté puisque réalisé en 1976, soit tout juste trois ans après ce scandale qui ébranla l'Amérique et ses convictions. A défaut de transcender son sujet, Alan J.Pakula transpose littéralement le matériau d'origine pour livrer au final une superbe réflexion sur le pouvoir et le métier de journaliste. « Il n'en va jamais que des Droits de l'Homme, de la liberté de la presse et de l'avenir du pays » dixit Ben Bradlee (Jason Robards). Une phrase qui résume à elle seule les thèmes centraux du film.

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