Critique : Pars vite et reviens tard

Vincent Julé | 24 janvier 2007
Vincent Julé | 24 janvier 2007

A ma droite, un polar bien écrit et bien ficelé de l'écrivaine Fred Vargas, adepte du« rompol » comme elle aime le définir, à savoir le roman policier situé exclusivement à Paris et sans sexe ni sang. A ma gauche, Régis Wargnier, un réalisateur toujours ambitieux, mais aussi souvent rattrapé par la sanction du public, à l'instar de sa fresque et méga production internationale Man to Man, et de la critique, pour qui il n'est qu'un des représentants du « cinéma de papa ». La première s'est dissociée du projet dès le début, ne voulant même pas jeter un œil au script final par « peur de tomber sur un mot qui ne m'arrange pas, je vais alors vous emmerder là-dessus alors qu'il est juste fait pour faire des images, mais bon vent ! ». Le second, en plus de réaliser un rêve de gosse et en fait un film de genre, saisit avec cette commande l'occasion d'un possible retour en grâce, du moins au box-office. Entre les deux, les joies toujours exquises de l'adaptation avec des modifications, des coupes au début, à la fin, au milieu. Mais l'essentiel est soi-disant là, ainsi que l'ombre d'ailleurs, pesante et maléfique, de Jean-Christophe Grangé – oui, bien sûr, Les Rivières Pourpres, Le Concile de Pierre ou L'empire des loups, mais aussi le scénario de Vidocq.

Toujours est-il qu'avec son postulat de signes énigmatiques sur les portes, de mort noire et d'apocalypse, le film part vite et bien pour tout fanboy en mal de complots planétaires et religieux, et donc de Alias, Da Vinci Code, Chevaliers de Baphomet, etc. Sauf qu'après avoir montré deux pauvres morts, trois fils d'attente à la pharmacie et le port du masque respiratoire à la japonaise obligatoire, le récit, tel un entonnoir, se resserre irrémédiablement autour d'une place parisienne, une poignée de personnages, et autant de suspects, avant le pétard mouillé. D'ailleurs au fameux jeu du whodunnit, le film fait très fort, puisqu'il suffit de lire les noms au générique, et de se demander après une heure, pourquoi untel n'est pas, ou si peu, apparu à l'écran. Mieux, alors que José Garcia, toujours pas remis de La Boîte noire, traverse le film de part en part, suivi de près par ce cabotin de Lucas Belvaux, un autre acteur, inconnu mais sûrement crédité, traverse le champ pour une scène aussi mémorable que symbolique de ce qui se joue à l'écran. Lors d'une perquisition chez une victime, une équipe de policiers s'affaire à relever les empreintes, à mettre les scellés et à embarquer le matos informatique, et c'est là qu'il arrive… une imprimante à la main, toutes feuilles dehors. L'unité centrale je veux bien, mais pourquoi l'imprimante ?! Ce genre de perles qui émaillent le film avec autant de sérieux sur le fond, que de paresse sur la forme, finit par faire de ce Pars vite, j'ai une course à faire, attention au gaz, le courrier est chez la voisine et reviens pas trop tard, une succulente comédie involontaire.

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