Critique : Home movies

Patrick Antona | 7 novembre 2006
Patrick Antona | 7 novembre 2006

Coincé entre deux de ces plus grandes réussites, Furie et Pulsions, Home movies apparaît comme une espèce de happening festif où Brian de Palma, non content de faire encore dans l'exercice de style talentueux et comique, se livre pour la première et seule fois de sa carrière à une forme de récit autobiographique.

Réalisé en partenariat avec les étudiants d'un lycée où Brian De Palma était enseignant, et co-financé par De Palma lui-même mais aussi par ses vieux potes Lucas et Spielberg, Home movies se base sur la propre expérience adolescente du réalisateur quand celui-ci espionna son père afin de rapporter à sa mère les preuves de l'adultère de son mari ! L'obsession de Brian De Palma pour le voyeurisme venant sûrement de ce qui fut le premier exploit filmique ( !) de sa vie, le réalisateur la développe en faisant le point central de sa vision d'une famille dysfonctionnelle, qui serait filmé caméra au poing par le fils (Keith Gordon, héros de Pulsions et Christine) en vue de sa thérapie.

Avec ses faux airs de film-amateur, Home movies se paie le luxe d'un casting singulièrement étoffé, avec Nancy Allen, Vincent Gardenia, Gerrit Graham et dans le rôle du professeur de cinéma guidant Keith Gordon dans son auto-fiction, Kirk Douglas. Plus que dans la chronique familiale détournée, le plus drôle dans le film se trouve dans la lutte qui se joue entre les deux frères, Keith Gordon et Gerrit Graham (impeccable en pédant pompeux et sexiste) et dont l'enjeu est Nancy Allen, à nouveau dans la peau d'une bimbo un peu perdue, adepte de la mal-bouffe et à la double-personnalité plus que surprenante. Dans ce rôle que l'on peut encore percevoir comme un pastiche hitcockien, elle se révèle être une véritable actrice hors pair, traduisant à la perfection toutes les ambiguïtés relatives à son état, fille légère et perturbée qui cherche à échapper à sa condition. Même si son rôle n'est pas si éloignée des rôles récurrents de prostituée que son réalisateur de mari lui donna pendant plusieurs années, les scènes qu'elles partagent avec un Keith Gordon halluciné et énamouré dénote d'un talent comique qui a malheureusement été peu exploité par la suite.

Autre grand moment, le générique animé avec la présentation dynamique des protagonistes de l'histoire renvoie avec bonheur au genre du slapstick, un peu à la manière ce que faisait Blake Edwards à sa grande époque. Entre hommage au cinéma-vérité et la peinture acide de la famille américaine, mais aussi véritable prémonition sur les méfaits des émission de télé-réalité de notre époque (Brian De Palma a toujours eu le nez pour détecter les déviances à venir sur le traitement de l'image), Home movies est non seulement un petit bijou de légèreté et d'incongruité dans la carrière de Brian De Palma, se basant quand même sur un événement fondateur et tragique de sa propre vie, mais aussi une forme de mise en bouche avant la quasi-perfection de Pulsions, dont certains des éléments sont à l'état de brouillon dans le présent film.

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