Critique : L'Âge de glace 2

Julien Foussereau | 18 mars 2006
Julien Foussereau | 18 mars 2006

Voilà bientôt huit ans que le microcosme de l'animation numérique est régulièrement secoué par la guerre que se livrent Pixar et Dreamworks. Autant d'années où se sont affrontées deux écoles : la toute puissance du récit comme matière à émerveillement et sidération, face à un désir quasi obsessionnel d'atténuer la portée d'une histoire par le biais d'avalanches référentielles. Dans cette version contemporaine de la grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf, on a tendance à oublier Blue Sky, la division animation de la Fox, qui est parvenue à synthétiser assez habilement les deux courants. On se souvient du premier essai, L'Âge de glace, qui avait raflé la mise, au cours de l'été 2002. Sur fond de glaciation à l'aube de l'humanité, on assistait à un mélange de l'Exode et du Livre de la jungle, association improbable qui permettait néanmoins de tisser une trame à deux niveaux. La périphérie avec la fuite des êtres vivants d'une terre devenue hostile pour une autre plus clémente (voire promise) ; le noyau central avec la reconduite d'un petit d'homme vers les siens par un trio de bras cassés. Cela débouchait sur une célébration des valeurs humanistes un peu gnan-gnan, mais pas déplaisante pour autant, qui trouvait un écho dans l'anthropomorphisme de Sid le paresseux couillon, Diego le tigre à dents de sabre hargneux, et Manfred le mammouth grognon.

Pourtant, aussi bien troussée soit-elle, l'intrigue était balayée par quatre pattes, deux dents pointues, et cinq lettres : Scrat, sorte d'écureuil préhistorique surexcité dont la témérité à collecter des glands n'avait d'égal que sa capacité à déclencher des catastrophes planétaires (la dérive des continents, c'est lui !). La force comique des apartés de ce rongeur haut comme trois pommes mais authentique arme de destruction massive était telle qu'elle faisait passer le reste du bestiaire concocté par Chris Wedge et Carlos Saldanha – soit l'histoire – pour une transition entre deux de ses pitreries. Quatre années et un mécano géant plus tard (Robots), Blue Sky remet le couvert dans le jurassique. Verdict ? Statu quo.

À la manière de Toy Story 2, L'Âge de glace 2 reprend les pistes laissées et remonte à contre-courant : le danger est toujours environnemental, mais la fonte des neiges a succédé à la glaciation (et Noé à Moïse) ; le spleen habite toujours Manfred mais son envie de disparaître s'est muée en crainte, etc. Par certains côtés, L'Âge de glace 2 est moins une suite qu'une mise à jour, un patch correctif chargé d'améliorer une racine de base, livré avec son lot d'extensions (ici, une jolie mammouth orpheline ainsi que deux opossums, ancêtres de Homo jackassus, espèce bien connue de l'ère MTV). Carlos Saldanha, seul maître à bord, n'apporte rien de réellement nouveau mais il est bon élève et dose très bien ses effets. Il parvient à s'inscrire dans une troisième voie, où conscient que Pixar est hors de portée, il s'applique à affiner son film tel un diamantaire en faisant un usage mesuré de la citation selon Dreamworks. Concrètement, Saldanha connaît les forces et les limites de son équipe. Il injecte son lot de références anachroniques tout en prenant garde à ne pas transformer son film en suite de sketchs poussifs. Les meilleurs exemples sont les références musicales telles le superbe numéro des vautours ou les clins d'œil subtils aux Dents de la mer. Enfin, s'il n'est toujours pas parvenu à intégrer complètement Scrat dans l'histoire, il a, en revanche, parfaitement compris que l'adhésion publique de L'Age de glace 2 se jouerait sur un accroissement de ses apparitions. Et tout le talent de Blue Sky se retrouve dans cette demi-douzaine de perles sado-maso où Scrat se transforme en digne héritier de Chuck Jones (Bip bip et le Coyote). Il prouve qu'à l'instar de Gromit, ceux qui parlent le moins en font généralement le plus.

Au final L'Âge de glace 2 est-il meilleur ? Difficile à dire. Comme il a été précisé plus haut, si l'update apporte des améliorations somme toute relatives, le noyau reste toujours le même. Et Carlos Saldanha n'a pas réussi à rendre la leçon de vie finale plus digeste. Si cela n'est pas pénalisant outre mesure, cela l'écarte des œuvres majeures. Néanmoins il faut reconnaître à son réalisateur qu'il est parvenu à damer le pion à Dreamworks dans la course à la qualité. C'est pourquoi L'Âge de glace 2, ou plutôt, L'Âge de glace version 2.0 doit être avant tout considéré comme du beau travail où petits et grands trouveront leur compte.

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