Critique : Delwende, lève-toi et marche

Audrey Zeppegno | 7 décembre 2005
Audrey Zeppegno | 7 décembre 2005

Cinéaste à vocation journalistique, S. Pierre Yameogo tourne dans l'espoir de faire évoluer les mentalités. Frappé par la misère, l‘illettrisme, la famine, impuissant à régler les innombrables problèmes qui l'assaillent, le peuple du Burkina Faso s'accroche aux croyances les plus insensées comme à une bouée de sauvetage. Il est plus facile de s'en remettre aux mains d'une tradition antédiluvienne que de regarder la réalité en face et de batailler contre l'inéluctable. Désireux de taper un grand coup dans cette fourmilière de cultes désuets, ravageurs pour la société en général, et pour les femmes en particulier, S. Pierre Yameogo démontre les aberrations perpétrées par ces ethnies prises à la gorge, acculées à fermer les yeux sur leurs propres incohérences.

Élevée dans une société machiste où les hommes inventent les lois les plus tordues, la seule faute que commet Napoko, c'est de réagir lorsque sa fille lui annonce qu'elle a été victime d'un viol, et de se révolter contre l'indifférence feinte par son mari quand elle lui apprend la nouvelle. Ce qu'elle ignore, c'est qu'en mettant sur la table ce sujet tabou drapé d‘inceste, elle deviendra la coupable toute désignée de la malédiction qui affecte le village. La sentence tombe au terme d'un rituel abscons : Napoko est donnée pour responsable . D'après les rares informations qui transitent jusqu'à ce no man's land rural via le poste de radio d‘un sage considéré comme un fou, le virus a beau ébranler toute la région, incriminer une innocente ne coûte rien par rapport aux prix des médicaments qu'il leur faudrait se procurer pour soigner les malades.

Remède miracle, le bannissement de la pauvre hère est censé saigner à blanc le mal. Affligeante hérésie ! Empruntant beaucoup au style documentaire, Delwende, lève-toi et marche suit pas à pas les errances de ces prétendues « mangeuses d'âmes » mises au banc de la société, dont certaines meurent de faim sur le bord des routes avant de pouvoir atteindre les quelques refuges citadins où on les parque en attendant qu'elles succombent. Au gré de ces déambulations pas toujours palpitantes, un coin méconnu du voile africain se lève, mais la fiction souffre du manque de crédibilité de certains acteurs, et d'un filmage erratique stigmatisant les plaies financières qui rongent le pays. En résulte malgré tout un regard ethnographique dont l'intérêt éclipse nombre de ces failles esthétiques.

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