Critique : Final Cut : The Making and Unmaking of Heaven's Gate

Sandy Gillet | 6 septembre 2005
Sandy Gillet | 6 septembre 2005

C'est une évidence, le film documentaire dévolu au 7ème Art reste une niche dans une niche même si celui-ci semble s'affranchir quelque peu de sa ghettoïsation en se retrouvant les dimanches après-midi en guise de programmation « bouche-trou » sur les chaînes de cinéma du câble et du satellite ou au mieux sur un DVD en guise de « bonus ». Ceci dit, Final cut : The making and unmaking of Heaven's gate, à la manière d'un Lost in la mancha, mériterait beaucoup plus que cela et surtout d'être vu par le plus grand nombre tant celui-ci éclaire aussi distinctement que possible l'histoire récente de l'industrie cinématographique américaine et de son état de quasi déliquescence artistique dans lequel elle se trouve aujourd'hui.

Final cut… est un documentaire relatant avec force et détails la chute d'un cinéaste et du studio qui le soutenait dans leur volonté de réaliser et de produire le « Autant en emporte le vent de l'Ouest » ! Le cataclysme fut tel qu'il est communément admis aujourd'hui de dire à Hollywood qu'il y a eu un avant et un après La Porte du paradis enterrant du même coup et définitivement avec lui le système dit des auteurs inauguré quinze ans plus tôt. Un système qui mettait en son centre le réalisateur, seul maître à bord depuis l'initiation du projet dans le meilleur des cas jusqu'au fameux « final cut », véritables enjeux économiques pour les uns et finalité artistique pour les autres. Si ce carrefour de toutes les ambitions et de toutes les tragédies hollywoodiennes est, on l'aura donc bien compris, le sujet central du quatrième documentaire signé Michael Epstein (on lui doit entre autre le formidable The battle over Citizen Kane que l'on peut voir sur le DVD collector américain de Citizen Kane), il ne faudrait pas non plus occulter le fait qu'il soit aussi un extraordinaire document/témoignage sur ce qui restera comme l'ultime chef-d'œuvre avec Blade Runner de ces vingt-cinq dernières années.

À la différence d'un Hearts of darkness, document original, écrit, réalisé et monté à partir de dizaines d'heures d'images capturées lors du tournage homérique d'Apocalypse Now, le film d'Epstein respecte les codes classiques du genre tout en étant d'abord adapté du livre de Steven Bach, alors numéro 3 chez United Artist au moment de La Porte du paradis, écrit en 1985 et publié pour la première fois la même année en... Angleterre !! Pas d'images du tournage donc ici mais d'innombrables photos (souvent peu vues, voire inédites) montées sur la voix off emblématique de Willem Dafoe et moult interventions des acteurs principaux de cette tragédie grecque impriment à l'ensemble un aspect certes dépourvu de surprises mais dont la teneur même des propos et de l'histoire racontée suffit à notre bonheur. On regrettera cependant les absences de marque d'Isabelle Huppert (visiblement snobée) et de Cimino himself, ce dernier n'ayant apparemment pas voulu s'exprimer malgré les demandes répétées du réalisateur.*

Au final, pour ceux qui sont déjà familiers du livre de Bach (jamais traduit en français malheureusement), le documentaire n'apportera rien de plus qu'ils ne connaissent déjà sans que pour autant le plaisir de se replonger dans les faits diminue d'un iota. Pour les autres, ils seront tout simplement happés par la dramaturgie poignante de ce qui se déroule devant eux avec en point d'orgue le sentiment tout à fait réel d'assister aux derniers soubresauts d'une certaine conception du cinéma aujourd'hui quasiment disparue outre-atlantique. Dernier point qui a son importance, à l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si ce film sortira un jour en salles chez nous ou mieux s'il pourrait se retrouver inséré en guise de bonus de choix au sein d'une hypothétique nouvelle édition de La Porte du paradis en DVD. On peut toujours rêver !

*Ce qu'il a pourtant accepté de faire en juillet dernier lors d'une master class parisienne au Max Linder dont vous pouvez lire notre compte-rendu en cliquant ici.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire