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La Petite Nemo et le Monde des rêves : critique endormie sur Netflix

Par Déborah Lechner
18 novembre 2022
MAJ : 2 janvier 2023

Plus enclin à distribuer les gifles qu’à déverser sa joie et sa bonne humeur à l’écran, l’acteur Jason Momoa s’est malgré tout prêté à l’exercice de la comédie familiale avec La Petite Nemo et le Monde des rêves, le nouveau long-métrage à gros budget de Netflix réalisé par Francis Lawrence (Hunger Games,, Constantine) qui aurait quand même mérité de rêver beaucoup plus grand. 

Attention : spoilers !

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photo, Jason Momoa

SECONDE CHANCE

Du haut de son mètre vingt, Little Nemo est l’aîné de la grande majorité des héros de bandes-dessinées, le personnage ayant été créé en 1905 par l’auteur américain Winsor McCay, soit bien avant les Batman, Superman, Spirou, Lucky Luke, Zorro, et autres Tintin ou Asterix qui ont traversé les générations et composent tout un pan de la culture populaire. Si Little Nemo in Slumberland est aujourd’hui considéré comme un monument du 9e art – dont il est d’ailleurs un des précurseurs -, le petit garçon en grenouillère n’a paradoxalement pas survécu dans les mémoires, jusqu’à progressivement tomber dans l’oubli et devenir un vestige difficile à dépoussiérer.

Même si l’oeuvre s’est déclinée en divers produits dérivés, a eu droit à quelques courts-métrages et a inspiré d’autres titres dans les décennies suivant sa création, les aventures de Little Nemo n’ont jamais donné lieu à une adaptation cinématographique digne de ce nom, contrairement à la plupart des personnages qui se sont ensuite imposés auprès du public.

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photoNemo et Flip ressortent du placard

Jusqu’ici, seul le producteur japonais Yutaka Fujioka s’y était risqué avec la coproduction animée nippo-américaine Little Nemo: Les aventures au pays de Slumberland, un semi-échec qui a démontré toute la difficulté d’adapter un matériau aussi riche et funambulesque. Non seulement l’histoire se déroule dans un univers onirique foisonnant et ouvert à toutes les possibilités, mais présente également des thématiques complexes qui reprennent les grandes lignes de la psychanalyse telle que théorisée par Freud dans L’Interprétation des rêves.

Avec un budget de 150 millions de dollars, la nouvelle version de Netflix rebaptisée La Petite Nemo et le Monde des rêves était cependant l’occasion rêvée de voir le monde chimérique et opulent de Winsor prendre vie à l’écran. Mais passées les 20 premières minutes, il est évident que le film en prises de vues réelles réalisé par Francis Lawrence est un autre rendez-vous manqué

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photo« Je sens que cette critique va être un cauchemar »

SLUMBERLAND

S’il reprend bien les noms de Slumberland, Flip et Nemo et fait quelques références aux planches dont il est issu (le lit à pattes ou le vol à dos d’oiseaux géants), le scénario de Michael Handelman et David Guion (The Dinner, La Nuit au musée 3) s’est délesté d’une grande partie du lore de l’oeuvre. Exit donc le royaume et ses habitants hauts en couleur, le roi Morphée et la jeune princesse pour une relecture plus infantile d’Inception dans laquelle Nemo, au-delà de pénétrer le monde des rêves, s’immisce surtout dans ceux des autres pour y mettre la pagaille.

Le fait de sonder le subconscient de différentes personnes éparpillées aux quatre coins du (vrai) monde promettait ainsi une longue expédition à travers différents microcosmes et univers visuels et sensoriels. Mais, quand bien même la carte de Flip et Nemo font de Slumberland une sorte de multivers, l’histoire ne jongle qu’avec cinq décors en CGI plats et figés, sans l’imprévisibilité, l’irrégularité ou la loufoquerie propres à l’imaginaire (et ce n’est pas la photographie outrancière et les quelques airs de fantasy de la bande originale qui compensent le manque de dynamisme et d’enchantement). 

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photo, Marlow Barkley, Chris O'Dowd, India de BeaufortLe retour à la réalité est toujours le plus dur

 

Mais plus que l’abus de fonds verts et la mise en scène trop sage de Francis Lawrence qui n’aide pas à donner du relief à l’environnement, l’histoire passe trop de temps à rationaliser et justifier l’existence de cette dimension bien trop organisée et pragmatique. Le scénario édicte des règles rabat-joie, cherche à tout prix une logique à l’invraisemblable et passe au final à côté de l’amusement et de l’émerveillement qu’il était censé provoquer. 

Le pire exemple est le poste de police de Slumberland, qui reprend l’esthétique surannée des années 70, et la monolithique agent Green qui traque Flip et s’apparente à une version édulcorée (mais plus colorée) de l’agent Smith dans Matrix. En résulte un film fantastique au ton morne et à la folie éteinte faute de désinvolture et d’enfantillage.

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photo, Jason Momoa, Marlow BarkleyUn des rares moments où on se laisserait presque emporter

 

TOUJOURS LA MÊME HISTOIRE

Little Nemo: Les aventures au pays de Slumberland est donc une version très éloignée de l’oeuvre originale, même si les rajouts n’apportent aucune originalité à l’ensemble. Entre l’enfant introverti qui quitte son environnement idyllique pour un milieu inconnu, l’adulte morose qui doit retrouver son âme d’enfant, le deuil des parents à surmonter ou encore la découverte d’un monde fantastique symbolisant un combat intérieur, l’histoire régurgite les mêmes canevas narratifs utilisés dans des classiques comme Hook, l’Histoire sans fin, Jumanji, Jean-Christophe et Winnie et autre Narnia, sans jamais cherché à dévier du modèle préétabli. 

Le film est d’ailleurs conscient de ses lacunes et des lieux communs qu’il invoque (comme lorsque Flip se présente comme une figure paternelle) au risque de torpiller la « révélation » de l’intrigue qui a tout d’une évidence après une demi-heure de film. Malgré la prévisibilité de l’histoire, on peut cependant concéder à l’écriture quelques moments de complicité touchants entre Marlow Barkley –  dont la découverte est la plus belle surprise du film – , Kyle Chandler et Chris O’Dowd qui trouvent le ton juste, entre le pathétique et l’extravagance.

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : photo, Marlow Barkley, Kyle Chandler10 minutes d’apparition qui surpassent la performance de Jason Momoa

Le carton rouge revient malheureusement à Jason Momoa (qui est pourtant l’argument commercial du film). Après presque deux décennies à se forger l’image d’une montagne de muscles taciturne qui grogne et tape fort (dans Stargate: AtlantisConan, Game of Thrones, Aquaman ou See), l’acteur est utilisé à contre-emploi malgré la bestialité supposée de son personnage. L’acteur est certes censé jouer un personnage exubérant et sans gêne, mais il n’a pas le potentiel comique d’un Jim Carrey ou d’un Johnny Depp pour s’aligner sur leur jeu burlesque sans se ridiculiser.

Affublé de tenues plus criminelles que lui et d’une fausse bedaine, cette espèce de satyre qui exagère le moindre de ses mouvements est un roublard qui ne parvient jamais à devenir attachant. Les quelques séquences émotions trahissent quant à elles le jeu limité de Momoa qui a du mal à aller au-delà de son légendaire froncement de sourcils. Le fait d’avoir presque envie de le retrouver grincer des dents dans Aquaman et le Royaume perdu et Fast X confirme un peu plus que le film a tout d’un mauvais rêve. 

La Petite Nemo et le Monde des rêves est disponible sur Netflix depuis le 18 novembre

 

La Petite Nemo et le Monde des rêves : affiche

Rédacteurs :
Résumé

La Petite Nemo et le Monde des rêves  souffre de son manque d'originalité et de la pauvreté de son fameux monde des rêves qui n'a rien de bien excitant à offrir. 

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La fée des bois

Ulfhedinn toi t’es un vrai ^^ Pareil, j’ai gardé mon âme d’enfant et donc j’ai apprécié ce film. Ce n’est pas un chef d’oeuvre mais je suis très fan de ce genre de registre. C’est beau, l’histoire de se balader dans les rêves est très bien amenée et originale, même si on déplore qu’on n’ait pas des rêves un peu plus « réalistes » et connus (genre le fameux retour à l’école, ne pas arriver à lire, ne pas réussir à courir, les insectes etc). La seule chose qui m’a vraiment ennuyée, ce n’est pas du tout Momoa, loin de là, c’est la gamine qui joue extrêmement mal. Peu d’émotions, des fausses larmes (genre l’annonce de la mort du père qui est d’un fade), et le massage cardiaque à la fin j’en rigole encore.

Sascha

Vu. J’ai trouvé le film long. Et les effets spéciaux sont trop lisses pour donner une crédibilité au monde des rêves.

Autant la jeune actrice Marlow Barkley s’en sort avec les honneurs, autant Jason Momoa est fatigant et ne fait que singer, imiter Johnny Depp ou Jim Carrey. Prenez Jack Sparrow, Willy Wonka, Le Chapelier Fou et The Mask : et hop, vous avez le personnage de Flip.
Et on sent tellement le besoin d’élargir son champs d’acting et que ce film est juste un prétexte pour montrer ce dont il serait potentiellement capable.

Et concernant Francis Lawrence, déception aussi. Aucun moment magique, aucun plan qui reste gravé en mémoire.

A 150 millions, ca fait mal au cœur quand même.

Oreli

Je ne donne jamais mon avis sur le net… Mais là je suis tellement étonnée par les critiques que je viens de lire… C’est vrai que tous les goûts sont dans la nature…. Ma fille de 11 ans et moi même avons adoré ce film. Il y a de belles images, de la peur, de l’humour et bcp d’émotion : on a pleuré comme 2 madeleine pour cette petites fille qui peut enfin revoir son papa une dernière fois. Je ne savais pas que c’était tiré d’une bd. Je vais l’acheter pour ma fille ❤️

sonylegitan

MA fille de 6 ans a adoré.

Gardez vos aigreurs de ronchoneurs pour vous monsieur le critiqueur pro’.

Quant à moi, hormis quelques moments d’émotions loupés à propos du père, comme ne pas voir la petite fille sortir du rêve de façon émouvante à la fin, ce que je n’ai pas compris d’ailleurs… une transition brutale dans un moment fort…

Eh bien figurez vous que je suis content de voir momoa dans autre chose que des beauferies pour ado en manque de testostérone et autres groupies hystériques.

Effectivement ce genre de rôle aurait été parfait pour un Deep, mais les autres y ont droit aussi. Et Momoa ne faisait pas semblant de jouer. On s’en fout du résultat du moment que ça touche le côté enfant.

N’avez vous jamais été dans un spectacle pour enfants? c’est encore plus surjoué. Je pense que vous n’avez rien compris justement.

Ulfhedinn

Soit je suis un gros débile de 8ans enfermé dans le corps d’un adulte de 28ans, soit les autres critiques sont des Jean-Mi de la gastronomie cinématographique…
Je ne connais pas l’œuvre originale, je suis donc totalement neutre vis à vis de sa fiabilité, mais j’ai adoré ce film.
Des moments loufoques colorés, d’autres plus réfléchis dans un cadre plus sombre, font qu’on ne s’ennuit pas devant le film.
Quant aux acteurs, c’est vrai qu’on est pas spécialement sur ce qui fait la force de Momoa, et la gamine, beh c’est une gamine… J’ai jamais trouvé les gamins très doués quoi qu’il arrive appart de rare exceptions comme le gamin de The AI.

BelleFeeGore

Grande fan de la BD, j’ai détesté le film.
Momoa n’est pas bon dans le rôle et c’est pesant à la longue.
La petite fille ne m’a pas convaincue.

Dans la BD tout est riche en couleur, là c’est plat.

Miami81

Plutôt sympathique même si je ne connais pas l’œuvre originale. Certains effets sont assez bluffant.
En revanche, assez d’accord sur Jason Momoa qui ne me semble pas judicieux pour ce personnage. Meme si on voit qu’il y met du cœur, j’aurais préféré un acteur plus extrême dans le jeu comme Jim Carrey.

SebSeb

Lisez plutôt la BD qui est un sommet d’inventivité graphique, et un chef d’œuvre absolu, pour toute la famille.

Mike S

Le jeu de la petite et de Momoa pas convaincant du tout, plan et angle de vue pas top non plus.. je me suis forcé un peu histoire de ne pas être de mauvaise foi de manière gratuite, mais non, c’est mauvais point..! Très mauvais..!

Dindon de la force

Une vrai bedaine