The Sparks Brothers : critique qui a le rythme d'Edgar Wright dans la peau

Antoine Desrues | 28 juillet 2021 - MAJ : 28/07/2021 15:14
Antoine Desrues | 28 juillet 2021 - MAJ : 28/07/2021 15:14

Si cette satanée Covid-19 nous fait encore attendre le fantasmé Last Night in Soho, le prodige Edgar Wright devrait en profiter pour asseoir sa suprématie sur l'année 2021. En atteste, avant la sortie de son giallo moderne, celle de The Sparks Brothers, la première escale du réalisateur sur les terres du documentaire. Et en toute logique, le cinéaste derrière Baby Driver a décidé de parler musique...

Quand la musique est bonne

"Le groupe préféré de votre groupe préféré". C'est avec cette tagline que The Sparks Brothers dépeint le duo musical composé de Ron et Russell Mael, et tout le paradoxe qui l'entoure. En une cinquantaine d'années de carrière, les deux frères ont eu le temps de se construire une discographie variée, riche et acclamée. Pourtant, malgré leur influence considérable sur le monde du rock, Sparks a toujours semblé sous-estimé, jamais vraiment capable de dépasser sa solide niche de fans, à l'inverse de certains groupes inspirés par lui.

Ce fascinant entre-deux est justement au cœur de la démarche artistique d'Edgar Wright qui s'amuse à retracer l'histoire des frères Mael tout en explorant leur personnalité au-delà de leur image publique décalée.

 

photo, Ron Mael, Russell MaelFenêtres sur cour scène

 

À vrai dire, il suffit de quelques minutes pour comprendre que The Sparks Brothers est un sujet parfaitement taillé pour le réalisateur de Shaun of the Dead qui n'a jamais caché son admiration pour le groupe. Doté d'une véritable passion geek, Wright ne se contente jamais d'aligner platement ses référents et préfère au contraire les malaxer et les remixer. En bref, jouer avec eux et les faire revivre pour qu'un nouveau public les découvre à leur tour. Si cette passation de savoir s'est longtemps apparentée aux dialogues que Wright a pu lui-même avoir avec des gérants de vidéoclub, Baby Driver a clairement poussé dans ses retranchements cette logique de partage par la réappropriation, tel un DJ trop heureux de faire écouter ses pépites méconnues.

C'est pourquoi The Sparks Brothers est avant tout un pur bijou de générosité, qui offre à son public un torrent de plus de 300 chansons à côté desquelles il aurait pu passer. Ce roller coaster musical est d'ailleurs à l'image de la carrière des frères Mael, dont la soif d'expérimentations a mené à de nombreux hauts et bas en termes de popularité. Wright ne peut alors qu'embrasser pleinement cette dimension romanesque, donnant à son récit des rebondissements particulièrement jouissifs qui nous embarquent sans peine dans cette danse de 2h15. Certes, l'ensemble pèche très légèrement par sa durée roborative, mais comment en vouloir à un cinéaste dont chaque plan, chaque blague et chaque effet de style transpire d'un amusement immédiatement communicatif ?

 

photo, Edgar Wright, Ron Mael, Russell MaelEdgar Wright, ce grand gamin plein d'enthousiasme

 

Le dernier rock avant la fin du monde

D'ailleurs, The Sparks Brothers est un objet fascinant lorsqu'il s'agit d'étudier une nouvelle fois la musicalité de la mise en scène et du montage du réalisateur de Scott Pilgrim. Qu'il s'agisse de sa gestion des titres de Sparks dans son mixage, ou de la rythmique des témoignages face aux images choisies, le cinéaste fait toujours preuve d'un travail d'orfèvre rythmique.

Si ses différents intervenants prestigieux (Giorgio Moroder, Mike Myers, Duran Duran, Björk ou encore Steve Jones des Sex Pistols) sont présentés dans un noir et blanc classieux, c'est pour mieux faire ressortir les couleurs flamboyantes des archives autour de Sparks. Cette épure du dispositif, qui n'hésite pas à ajouter quelques reconstitutions animées dans l'ensemble, s'assume alors comme un charmant patchwork filmique, un cadavre exquis qui suit sa chronologie sans trop savoir quel sera le prochain tournant.

 

photo, Ron Mael, Russell MaelLes meilleurs looks

 

De cette façon, le cinéaste rend moins hommage au brio de la musique de Sparks qu'à la dimension insaisissable du groupe, et à son besoin compulsif de fuir toute formule, quitte à parfois subir les foudres des fans. Succès face à intégrité artistique, l'éternelle dualité demeure, mais Wright est justement trop heureux de ne pas traiter d'une énième descente aux enfers d'icônes dépossédées de leur personnalité.

Cinquante ans plus tard, Sparks est toujours là, plus fort que jamais (en témoigne la sortie conjointe du documentaire avec la comédie musicale Annette de Leos Carax, composée par les frères Mael). Depuis la trilogie Cornetto, Edgar Wright définit grandement son style par ses personnages marginaux et touchants et leur course effrénée contre l'ennui du réel et du normatif. Cette victoire de l'anticonformisme au cœur de son documentaire n'en paraît que plus réjouissante.

 

affiche definitive

Résumé

Pour sa première incursion dans le documentaire, Edgar Wright signe avec The Sparks Brothers une oeuvre à l'évidente générosité. Tout en s'adaptant à l'univers des frères Mael, le cinéaste n'en oublie jamais son propre style, dont la dimension pop et ludique emporte tout sur son passage. C'est fun, c'est rythmé, et on ressort de la salle le sourire aux lèvres.

Autre avis Mathieu Jaborska
Le sens du rythme du cinéaste s'accorde particulièrement bien au documentaire musical. Surtout quand le documentaire en question vise une telle exhaustivité. L'objet est colossal, parfois presque vertigineux, mais débordant de passion.
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commentaires
Monsieur Vide
01/08/2021 à 18:57

'' when i'm with you '' génial. Quand j'étais petit j'écoutais ça en boucle avec le frère claviériste qui faisait les gros yeux..

Rorov94M
28/07/2021 à 21:00

ÉNORME.

Brasch-Eazy-E
28/07/2021 à 20:31

Je vais devoir me contenter de le regarder en ligne ce documentaire sur des gens originaux, généreux et libres, car pour les cinémas, je suis un dangereux pestiféré.

Flash
28/07/2021 à 19:02

J’adore les Sparks, il était temps que ce groupe soit reconnu à sa juste valeur.
Maintenant , il me reste plus qu’à trouver un ciné qui le joue.

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