Critique : Les Forbans de la nuit

Sandy Gillet | 15 octobre 2005
Sandy Gillet | 15 octobre 2005

Réalisé à Londres, sur les lieux mêmes de l'action, Night and the city est un peu le chant du cygne en forme d'apothéose pour un réalisateur que le maccarthysme (et la dénonciation d'Elia Kazan) a forcé à l'exil cinématographique. Jules Dassin était-il omniscient ? Toujours est-il que si Les Forbans de la nuit est un monument de film noir, il le doit surtout à la vitalité, proche du désespoir, de sa réalisation, qui fait sombrement écho au sujet même du film : un petit escroc, vaguement débrouillard et obsessionnellement ambitieux, se heurte au milieu londonien en voulant organiser des combats de catch. Tous les thèmes ainsi que les codes visuels qui composent habituellement l'univers du genre sont là : les bas-fonds de Londres comme témoignage de la décadence de notre société, les destins tragiques à la brutalité ici accrue car non ponctuée ou asservie par une romance pourtant au cœur du genre par ailleurs (on pense, ne serait-ce que pour la seule année 1950, à Mark Dixon détective d'Otto Preminger ou encore à Le Démon des armes de Joseph H. Lewis), omniprésence de la nuit urbaine avec ses lumières électriques blafardes et ses ombres menaçantes.


Mais Dassin va plus loin et transcende le tout en une forme d'épure proche de l'esthétique néoréaliste donnant à son film cet aspect d'œuvre malade au souffle putride ainsi que ce poème visuel intrinsèquement pervers qu'il a voulu de surcroît comme une réponse en forme de jugement sans appel à sa propre situation du moment. Constat qui se vérifie sans conteste dans le personnage emblématique de Gregorius, le vieux catcheur à la moralité d'un autre temps et d'un autre monde, interprété par une ancienne star de ce sport en Grèce, pour qui Dassin projette toute la morale de son film doublée de ses désillusions quant à un système qui l'a abandonné.


Pour tout cela, Les Forbans de la nuit restera paradoxalement comme le film le plus personnel de Dassin. Celui par qui l'homme se montrera au grand jour, exprimant ses angoisses quant à son futur au sein d'une société qui semble le rejeter à l'image du personnage joué par un Richard Widmark dont le destin est plié d'avance.

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