Reviens-moi Critique : Reviens-moi

Renaud Moran | 29 août 2007
Renaud Moran | 29 août 2007

Les règles immuables et ancestrales de la dramaturgie qui ont donné les plus grands chefs-d'œuvre de l'histoire du théâtre et du cinéma ont ceci de passionnant qu'elles peuvent être suivies à la lettre pour garantir la bonne marche d'une œuvre dramatique ou bien au contraire prises à contre pied total afin d'y expérimenter quelque chose de nouveau. Encore faut-il d'abord maîtriser parfaitement les mécanismes qu'elles énoncent avant de les détourner. Cela peut donner le meilleur comme le pire. Et récemment au cinéma cela donne plus souvent le pire.

On comprend bien ce qui a pu conduire le réalisateur Joe Wright et son scénariste Christopher Hampton à choisir cette deuxième voie. Ils savent que littérature et cinéma ne font pas bon ménage et « qu'il est beaucoup plus difficile d'adapter un excellent livre qu'un mauvais roman ». Considérant le livre éponyme d'Ian McEwan « comme l'un des meilleurs romans des vingt dernières années », ils ont décidé de tenter d'en retranscrire à l'écran « l'aspect introspectif qui fouille la conscience de plusieurs personnages. »

 

 

En d'autres termes, transposer la littérature du livre au cinéma. Ainsi, après un début intriguant, original et plutôt intéressant (comme un bon livre, on se sait pas vers quoi on nous emmène), rythmé au son d'une machine à écrire, fait de flashbacks et répétitions, en multipliant les points de vue, qui pose le décor, l'époque, l'ambiance et expose toute une galerie contrastée de personnages secondaires et principaux, le temps du film commence à se faire long et ce premier acte dure au final 40 minutes, avant que l'élément déclencheur du drame nous fasse passer au second acte. Là-dessus on se dit « chouette, le film démarre... ». Et puis non, pfft... La tension retombe comme un soufflet raté et l'on repart pour un tour d'une heure vingt de non dramaturgie. Avec une préférence tout de même pour la partie anglaise, plus intéressante que les scènes en France, surtout lorsque l'on suit le travail des deux sœurs devenues infirmières des soldats blessés et mourants, qui n'est pas sans rappeler L'Ange Rouge de Yasuzo Masumura.

 

 

Alors oui les images sont très belles et particulièrement soignées, oui les acteurs sont tous excellents et particulièrement bien dirigés, oui on apprécie la sensualité froide puis brûlante qui jaillit de Keira Knightley au contact de James McAvoy et oui, Vanessa Redgrave bouleverse et illumine de sa courte présence (à peu près 5 minutes à l'écran) la scène d'expiation (atonement en anglais) qui donne son titre au film et le clôture (une scène qui tape dans le mille et vaut du coup plus que tout le film). On aime aussi que les enfants y soient pour une fois traitées avec trouble, malaise et ambiguïté, à mille lieues des clichés habituels de candeur, d'innocence et de pureté, en particulier les deux fillettes de 13 ans, l'une cause indirecte, l'autre cause directe, du drame qui s'y noue.

Mais rien n'y fait. Le gros du film, à force de dédramatisation, ennuie plus qu'il ne touche, à l'image de ce plan séquence à la Steadicam, cerise sur le gâteau technique aussi beau et accompli qu'inutile et vide de sens dramatique par rapport au sujet.

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