Pas son genre : Critique

Christophe Foltzer | 30 avril 2014
Christophe Foltzer | 30 avril 2014

De prime abord, on craint que Pas son genre ne soit qu'une rom-com de plus, un peu moralisatrice, insignifiante et utilisant de grosses ficelles qui ne surprennent plus personne. C'est mal connaître Lucas Belvaux, qui en profite pour inscrire le film dans une filmographie teintée de vérité sociale et de contradictions.

En narrant la rencontre, puis la passion, d'un professeur de philosophie parisien muté contre son gré à Arras et d'une coiffeuse gentiment beauf, jeune mère et fan absolue de Jennifer Aniston, Lucas Belvaux prend le risque de tomber dans la caricature facile, dans la peinture sociale nauséabonde, dans le jugement du citadin sur le « paysan ».

 

 

Heureusement, ce n'est que le début de l'histoire puisque très vite, les cases volent en éclats, les personnages s'affranchissent de leur milieu (pour se faire rattraper plus tard) et nous plongeons de plain-pied dans une histoire avant tout humaine. Il faut reconnaître que, de ce point de vue, Pas son genre est une réussite. En prenant le parti de se jouer de son spectateur et de le prendre au piège de son propre élitisme, le réalisateur l'embarque à son insu dans un voyage sentimental d'une justesse belle et terrible. La confrontation des deux mondes induit quelques passages comiques obligés certes, mais toujours traités avec la même finesse et une sensibilité touchante.

 

 

A ce titre, le choix des comédiens est révélateur et très bien vu : Emilie Dequenne (marquée par le cinéma social des frères Dardenne et de Joachim Lafosse) et Loïc Corbery (sociétaire de la Comédie Française, donc assimilé à une image aristo-bobo-parisienne) sont parfaits dans leurs rôles respectifs et force est de reconnaître qu'une réelle alchimie se crée entre les deux comédiens. Si la situation nous paraît un peu grosse au début (car construite dans ce but), très vite la romance prend le pas sur le reste et le spectateur est définitivement accroché.

 

 

Mais ce qui impressionne le plus dans Pas son genre, outre la peinture sociale, c'est la profondeur de ce qui nous est raconté. Belvaux maitrise son récit et cela se sent dans chacune des péripéties du couple et dans le traitement de ses personnages. Bien sûr, le film n'est pas exempt de défauts et on pourrait lui reprocher un rythme irrégulier, quelques longueurs malvenues et une mise en place fort laborieuse. Pourtant, une fois le film terminé, on n'y pense plus, tant la gradation émotionnelle gagne en force, en puissance. Tout le mérite en revient à Emilie Dequenne, véritable héroïne du film, dont le parcours culmine en un climax phénoménal, qui prend à la gorge en étant pourtant d'une simplicité redoutable.

 

Résumé

Plus qu'une rom-com de consommation courante, Pas son genre se révèle d'une justesse, d'une profondeur et d'une sensibilité qu'on n'attendait pas forcément. A découvrir assurément, ne serait-ce que pour l'incroyable prestation d'Emilie Dequenne dans sa dernière scène.

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