Critique : Les Chevaux de Dieu
On saura infiniment gré au film de ne céder à aucune des tentations qui auraient eu tôt fait d'en ruiner la démarche. L'idée n'est pas ici d'excuser mais d'expliquer, on ne trouvera aucune justification simpliste à la destinée tragique des personnages, mais une mosaïque de problématiques, d'incertitudes et de pentes glissantes. Grâce à un premier acte qui dure quasiment 50 minutes, background, situation politique et sociale sont clairement explicités, sans aucun misérabilisme. On est d'ailleurs frappé de voir avec quelle intelligence le réalisateur souligne que ce ne sont pas tant les jeunes qui iront vers le fondamentalisme, que ce dernier, unique lien social structuré dans le bidonville, qui entre dans leur vie par une porte dérobée.
Une quête de réalisme, de crédibilité, et donc in fine de vérité, qui ne joue jamais contre les aspects les plus cinématographiques du film, à savoir les trajectoires croisées d'une bande de copains, entre lesquels se jouent des conflits et des rapports de force qui soulignent encore l'impact de la dramaturgie. La mise en scène n'est pas en reste non plus, et nous offre quelques plans impressionnants des quartiers les plus pauvres de Casablanca, à travers lesquels la caméra se meut avec une aisance déconcertante. Enfin, c'est l'humanité du film qui achève de bouleverser, en nous plongeant avec ses martyrs qui jusqu'au bout demeureront tiraillés par des problématiques propres, et n'envisageront jamais leur sort comme une issue tranchée et irrémédiable. On se souviendra longtemps de leur retraite précédant l'attentat, et la joie sereine de ces quatre post-adolescents sortant pour la première fois de leur bidonville, et découvrant une nature luxuriante, avant-goût supposé du paradis promis.
Les Chevaux de dieu est donc un film essentiel, qui a le mérite de rappeler un fait trop souvent oublié par nos démocraties terrorisées par de potentiels attentats : le fait que presque systématiquement, c'est à eux-même, leurs semblables et leur peuple que les terroristes s'attaquent. Les considérer comme un ennemi sécularisé est une absurdité, puisqu'ils prospèrent sur la misère et les erreurs des états. La misère n'est pas responsable de leur existence, mais elle leur fournit le plus fertile des terreaux.
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