La Cabane dans les bois : critique
La Cabane dans les bois de Joss Whedon n'aura dû son salut qu'à l'embauche de son réalisateur au poste de chef d'orchestre des Avengers, transformant un invendable petit film en potentiel retour sur investissement. Le long-métrage prenait la poussière depuis des mois sur les étagères d'Hollywood, réputé inclassable et décalé, autant que bancal et inabouti. Nanti d'une promotion discrète mais alléchante, et d'une bande-annonce qui nous promettait un regard neuf sur les mécaniques de l'horreur, il nous tardait de découvrir la chose autrement qu'en DTV.
Le film s'avère dès son premier acte une œuvre schizophrène, une facette s'attachant à dénoncer le traitement du cinéma de genre par Hollywood, et l'autre s'efforçant péniblement d'en suivre le diktat. Ainsi suit-on parallèlement un quarteron de jeunots décérébrés fêter la macération de la bière dans un mystérieux chalet, et un groupe de bureaucrates rivés derrière une nuée d'écrans de surveillance, occupés à manipuler les innocents et faire basculer leur soirée dans le plus noir cauchemar. Jusqu'à ce que ces arcs se rejoignent, on découvrira invariablement les pièges tendus (teinture capillaire débilitante, phéromones aphrodisiaques...), présentés avec un humour mordant, puis leur exécution, trop classique et prévisible.
Il en va de même pour les personnages. Si les fonctionnaires de l'horreur nous font souvent rire grâce à leur causticité et leur décalage avec la situation subie par leurs jeunes victimes, ces dernières ont le plus grand mal à se démarquer du tout venant. La blonde écervelée, le sportif viril, l'intello, la vierge et le fumeur de joints tentent bien de subvertir les stéréotypes qui leur sont alloués, sans succès, et nous interdisent donc de nous attacher à eux autant qu'à leurs tortionnaires. Dommage, d'autant plus que le duo de technocrates meurtriers se révèle souvent irrésistible, qu'il débatte de l'apparence des tritons, ou parie sur la prochaine créature à surgir, c'est vers lui que vont notre attention et notre empathie, au détriment du reste.
Les frustrations accumulées durant les deux premiers actes seront partiellement lavées dans un délirant déluge d'hémoglobine final, qui convoque avec un humour réjouissant les références et péchés mignons du public. La ficelle a beau être grosse, on s'y accroche avec un mauvais esprit jouissif, alors que les personnages encore debouts réalisent que les sévices subies jusqu'alors n'étaient qu'une sympathique récréation.
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(3.6)