Contagion : critique alerte

Geoffrey Crété | 23 novembre 2022 - MAJ : 24/11/2022 09:29
Geoffrey Crété | 23 novembre 2022 - MAJ : 24/11/2022 09:29

En 2011, bien avant l'arrivée de la COVID-19 et des confinements, Steven Soderbergh imagine avec le scénariste Scott Z. Burns une pandémie terrifiante et crédible dans Contagion. Kate Winslet, Jude Law, Laurence Fishburne, Matt Damon, Marion Cotillard, Jennifer Ehle ou encore Gwyneth Paltrow tentent d'y suvivre et trouver une issue.

APOCALYPSE NOW

Il suffira d’une vingtaine de minutes et quelques scènes choc pour que Contagion marque définitivement la rétine. Implacable, direct, mécanique, la monstrueuse épidémie s’abat sur le globe, scrutée par la caméra d’un Soderbergh encore une fois en pleine démonstration de sa maîtrise formelle et narrative.

Impossible de ne pas y retrouver le brio de Traffic, à savoir cette énergie calme qui anime une dizaine de personnages éparpillés sur plusieurs continents, et une virtuosité visuelle et musicale palpitante (une partition encore fantastique de Cliff Martinez). Soderbergh était certainement le cinéaste hollywoodien le plus apte à métamorphoser un sujet si classique par une approche brute, débarrassée de la plupart des mauvais tics du cinéma mainstream. Le riche travail du scénariste Scott Z. Burns, qui a cherché la réalité avant le sensationnel, joue beaucoup. Contagion va vite et droit au but, et prendrait même un certain plaisir sadique à faire tomber quelques têtes.

 

photo, Kate WinsletAllo, c'est la fin du monde

 

Du coup, le retour de bâton n’en est que plus amer. À mi-parcours, le moteur s’essouffle lentement, et cède à des rouages dramatiques qu’il avait pourtant brillamment détournés. Force est de constater que Soderbergh et son scénariste ont brûlé leurs cartes un peu trop vite. Il n’y a rien de bien honteux dans Contagion, sachant que l’équipe réunie – Kate Winslet, Jude Law, Matt Damon, Marion Cotillard, Laurence Fishburne, Gwyneth Paltrow, Elliot Gould – par le scénariste de Jason Bourne semble incapable du pire, et que même dans ses mauvais moments, le film dépasse aisément la majeure partie des blockbusters.

Le problème vient au contraire de la mise en route d’une noirceur imprenable qui, par ricochet, donne une teinte excessivement fade à la suite des évènements. 

 

photo, Jude LawVotez Soderbergh

 

VIRUS SODERBERGH

Car encore une fois, derrière cette entreprise, il est difficile de saisir les enjeux qui mènent l’un des cinéastes américains les plus éclectiques. La contamination dont il est question n’est pas plus virale que symbolique, multipliant les crises de paranoïa à coups de statistiques terrorisantes et de contacts déshumanisés par la machine.

La richesse thématique est passionnante, et pourtant, Soderbergh laisse cette même impression de dilettantisme que tous ses films réalisés depuis une dizaine d’années. En plus de prendre le pas sur la narration dans la deuxième moitié du film, cette distance étrangement flagrante assomme la moitié du casting, amorphe. Le segment porté par Marion Cotillard est ainsi clairement sous-explicité, malgré des enjeux intrigants.

 

photo, Jennifer EhleLa vraie héroïne n'est pas la star - lourd de sens

 

Contagion rappelle à bien des égards Blindness, le film fascinant de Fernando Meirelles sur une épidémie de cécité spontanée qui frappe la planète. Ils partagent ce même pessimisme mortifère, cette même vision apocalyptique d’un paysage urbain ravagé par la lente disparition de la civilisation. Mais là où Meirelles parvenait à esquisser une forme de poésie crépusculaire, Soderbergh échoue à évoquer autre chose que la triste mécanique qui anime le monde moderne, et son propre film.

 

Contagion : affiche officielle

Résumé

Un film quasi-schizophrène, souvent électrisant mais parfois maladroit, qui résume à lui seul la curieuse place qu’occupe Soderbergh dans le cinéma américain.

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commentaires
Miss M
24/11/2022 à 12:35

@Fox : +1

Fox
24/11/2022 à 10:14

Voici (le résumé de) la critique des Cahiers du Cinéma à l'époque de sa sortie :

"Ouvertement américano-centré (...), le récit insiste du début à la fin pour désigner l'Asie comme foyer du fléau. Devant cette étrange localisation de la paranoïa, on quitte la science-fiction, et ce ne sont plus les mains qu'on a envie d'aller se laver à la sortie, mais les yeux."

On ne peut pas s'empêcher de sourire (un peu) avec quelques années de recul, n'est-ce pas ?

Orson Welsh
24/11/2022 à 09:29

Mouais. Dans ce film l'héroïne meurt au début, et des scientifiques enquête sur sa mort... presque comme Citizen Kane.

Sanchez
24/11/2022 à 08:11

Rien que pour son côté prophétique , le film vaut le coup. La dernière séquence est ahurissante

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