On a vu Veneciafrenia, le slasher vénitien de Álex de la Iglesia

Mathieu Jaborska | 20 décembre 2021
Mathieu Jaborska | 20 décembre 2021

Pour souffler un peu entre deux blockbusters purulents, Ecran Large se dore de temps à autre la rétine en festival. Après un passage à L'Etrange festival, nous nous sommes régalés avec l'excellente programmation du Paris International Fantastic Film Festival, PIFFF pour les intimes.

L'évènement co-organisé par Mad Movies a su fêter son dixième anniversaire dignement, en offrant à son public survolté, dès l'ouverture, le très attendu nouveau long-métrage de Álex de la Iglesia, petit prodige du cinoche foutraque ibérique, responsable des excellents Action Mutante, Le Jour de la bête et Balada Triste. Co-produit par Amazon et Sony, Veneciafrenia a cependant déçu bien des festivaliers, y compris parmi les inconditionnels du réalisateur.

 

Veneciafrenia : PhotoLe bouffon du roi de la Iglesia

 

De quoi ça parle ? D'une bande de jeunes touristes un brin insupportable venue passer du bon temps à Venise. Inconscients, ils ne savent pas que le bateau de croisière sur lequel ils ont voyagé participe à la destruction de la ville et que les locaux ne voient pas leur arrivée d'un bon oeil. Certains plus que d'autres.

C’était comment ? Très mineur. La promesse était trop belle. Álex de la Iglesia, célèbre pour ses affinités baroques, son goût pour les costumes en tous genres et les décors spectaculaires, qui réalise un slasher à Venise, en pleine pandémie ? Du caviar. Et une introduction rêvée à l'anthologie horrifique qu'il co-produit avec Carolina Bang à travers la structure Pokeepsie Films, en collaboration avec Sony et Amazon Studios. Une anthologie intitulée The Fear Collection et annoncée il y a quelques mois, qui devrait employer quelques cinéastes très appréciés des amateurs de cinéma ibérique.

Et à n'en pas douter, le cinéaste profite de son environnement, de ses décors, de son cadre, de Venise. Le film vaut assurément le coup d'oeil rien que pour ses travellings circulaires effrénés parcourant les façades de la ville. On sent son enthousiasme poindre derrière chaque plan, chaque scène, tant il étire parfois les segments plus que de raison afin de profiter du mysticisme vénitien lors, par exemple, d'une séquence de fête aussi fantasmatique que maligne lorsqu'elle effleure le surnaturel.

 

Veneciafrenia : photoUn tueur moins brutal que prévu

 

Toutefois, on comprend vite que cette expédition italienne restera anecdotique au sein de sa carrière. Certes, il ne se contente pas de bêtement disséminer un propos politique (les ravages du tourisme sur la culture et l'architecture vénitienne, pour les deux du fond) dans un carcan horrifique old school, comme on le voit souvent. Il joue de l'ambiguïté de son genre pour rester à la frontière du fantastique et toujours préserver une once de réalité.

Mais à cause de son obsession pour ce décorum idéal (une grosse partie du film a été tournée sur place), il en vient à négliger tout le reste, à commencer par le scénario. Tiraillé entre sa volonté de rendre hommage au Venise labyrinthique de Ne Vous retournez pas et Qui l'a vu mourir ?, ses ambitions bourrins et son propos, il se prend un peu les pieds dans la gondole, esclave - une fois n'est pas coutume - d'une intrigue finalement trop sage.

 

Veneciafrenia : photoLe festival après les séances

 

Bien sûr, nous sommes dans un slasher décérébré qui s'assume. Les personnages sont d'une stupidité abyssale, ramenés à leurs trois fonctions essentielles : faire la fête, baiser et crever. On aimerait les voir mourir dans d'atroces souffrances, mais sans cette générosité, on doit surtout les supporter, eux et leurs dialogues cacophoniques. 

De même que cette retenue inattendue l'empêche de tenir plusieurs promesses. Veneciafrenia survole un peu maladroitement la mythologie déployée. Mention spéciale à la fameuse île des morts, qu'on attend désespérément de visiter, avant l'inévitable déception. Restent plusieurs bonnes idées, comme ces scènes où le tueur massacre des touristes en plein jour, sans que leurs congénères le remarquent, persuadés que tout n'est que spectacle pour étrangers en quête de frissons, et une irrésistible envie de découvrir les autres segments de cette anthologie prometteuse.

Et ça sort quand ? Le film est déjà sorti en Espagne et on suppose qu'il débarquera en VOD ou SvoD chez nous... un jour.

Tout savoir sur Veneciafrenia

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commentaires
pith
20/12/2021 à 17:56

Dommage, voilà un cinéaste hargneux que j’adorais qui devient de moins en moins intéressant. Je n’ai rien vu de passionnant chez lui depuis les Sorcières de Zugarramurdi, c’était il y a un moment déjà...