Atlantide, l'empire perdu : et si c'était la meilleure BO de Disney ?

Mathieu Jaborska | 20 mars 2023 - MAJ : 20/03/2023 18:43
Mathieu Jaborska | 20 mars 2023 - MAJ : 20/03/2023 18:43

En 2001, Atlantide, l'empire perdu décevait les financiers de Disney... mais pas les mélomanes.

À l'aube des années 2000, tandis que Pixar enchainait les succès (Toy Story 2Monstres & Cie), Mickey expérimentait, en parallèle de la production industrielle de suites DTV, avec par exemple DinosaureLilo & StitchKuzco, l'empereur mégalo ou La Planète au trésor, un nouvel univers. Des films d'animation qui oscillent entre le petit succès et la catastrophe économique (dans le cas de La Planète au trésor), et qui deviendront pourtant de savoureuses madeleines de Proust pour les cinéphiles ayant grandi à cette période.

Parmi eux, Atlantide, l'empire perdu entendait bien ressusciter l'esprit du cinéma d'aventure d'antan. Et il y est parvenu avec brio, en dépit encore une fois d'un score décevant au box-office. Il va sans dire que la bande originale a joué un rôle majeur dans sa réussite. Et pour cause : il s'agit de l'une des meilleures compositions de James Newton Howard, ce qui n'est pas peu dire.

 

Atlantide, l'empire perdu : Photo, KidaRise

 

New tone

James Newton Howard est de ces compositeurs qui sillonnent Hollywood depuis plusieurs dizaines d'années, façonnant de grands thèmes de la pop culture des années 1990 et 2000 (Waterworld, Batman Begins et Hunger Games, c'est lui) sans jamais vraiment accéder à la gloire d'un John Williams, d'un James Horner ou d'un Hans Zimmer. D'ailleurs, il a été nommé 9 fois aux Oscars, dont une fois pour l'excellente musique du Village, l'une de ses meilleures collaborations avec M. Night Shyamalan. Et il n'est jamais reparti avec la précieuse statuette. Pire, il n'a jamais été nommé pour son travail sur le cinéma d'animation.

Lui qui a travaillé pour des artistes comme Diana Ross, Ringo Starr et Leo Sayer avant de s'occuper d'orchestrations pour Elton John, sa reconversion dans la musique de film a été bien plus fructueuse que les cérémonies de récompenses hollywoodiennes pourraient le faire croire. Au moment de collaborer officiellement avec Mickey (bien qu'il ait déjà participé à des productions Touchstone, filiale de Disney), il avait déjà derrière lui une décennie et demie de carrière dans la composition pour le cinéma, ainsi qu'une filmographie qui comptait plus d'une quarantaine de titres, dont des petits classiques en devenir et de bons gros blockbusters.

 

Atlantide, l'empire perdu : PhotoUn héros instantanément attachant

 

Mais il allait gagner en popularité au tournant de l'an 2000 chez une nouvelle génération, en accompagnant la carrière du réalisateur du Sixième Sens, ainsi qu'en s'occupant de quelques-uns des meilleurs films d'animation Disney de la période. Le coup d'envoi a été lancé avec Dinosaure, accueilli tièdement par la critique, mais remarqué pour sa bande originale magistrale. Il récidiva donc à peine un an plus tard (le temps de boucler un certain Incassable), avec l'une de ses partitions les plus estimées : Atlantide, l'empire perdu.

 

Atlantide, l'empire perdu : PhotoDisney proposant un contrat à JNH

 

Le son de l'aventure

En soi, l'engagement d'un compositeur avec un lourd passif dans le cinéma américain institutionnel, taillé pour les adultes ou les adolescents, coule de source. Dinosaure était déjà une expérimentation pour le studio, mais Atlantide va plus loin encore, en versant dans le pur récit d'aventure, avec ce que ça implique de dangers, de noirceur, voire de tragédie. Finies les minauderies des contes pour enfants. Finis les récits saturés de chansons pleines d'espoir et de manichéisme. Et Newton Howard est assurément l'homme de la situation.

Comme le film qu'elle accompagne, cette bande originale fait tout pour cristalliser des codes d'un certain cinéma d'aventure, que Mickey avait rarement exploités à ce point auparavant. La tracklist est donc très rythmée, à l'image d'un long-métrage qui consacre une bonne partie de son intrigue à l'exploration et se retrouve forcé d'accélérer considérablement les péripéties dans la deuxième moitié, mais aussi plutôt variée. Ses envolées et la réalisation de Gary Trousdale et Kirk Wise ont en commun d'aller à l'essentiel.

 

 

Si certains morceaux sont devenus très célèbres, ce sont peut-être les 3 minutes 22 de The Journey qui font office de note d'intention. La légèreté des premières secondes laisse place à un tambour militaire qui deviendra la toile de fond du périple de nos héros (la piste accompagne un montage relatant l'avancement de la troupe de protagonistes) : les forces armées colonialistes seront en effet à la fois les instigateurs et les fossoyeurs de cette aventure. Et bien que le morceau enchaine très rapidement plusieurs approches atmosphériques du genre, précisant l'ambition du long-métrage de retrouver l'esprit du pulp d'antan, le bruit des bottes n'est jamais loin.

En effet, Newton Howard s'emploie à ressusciter les tonalités du grand cinéma d'aventure... tout en explicitant le regard critique de Tab Murphy (le scénariste) sur ses origines. Ainsi, il multiplie les thèmes marquants avec cuivres triomphants, mais ne manque pas de les teinter d'ambiguïté. Plus subtil (davantage que le film lui-même), il distingue musicalement ces deux visions du cinéma d'aventure : le plaisir de la découverte, le goût du risque presque naïf, et la prospection déshumanisante.

 

 

Deux thèmes résonnent particulièrement. L'un traduit un émerveillement très occidental, exposé dès The Submarine. L'autre évoque une sidération plus humble (dans The City of Atlantis ou The Secret Swim), causée par la découverte d'une civilisation autrement plus noble. Peu à peu, le second se substitue au premier, alors que la vraie nature de l'expédition apparait au héros... et au spectateur.

Les dynamiques de chacune des mélodies pourraient paraître similaires. Toutefois, les premiers morceaux impliquent une position conquérante des personnages, tandis que ceux de la deuxième partie imposent au contraire de faire preuve de modestie face à la majesté de la cité prétendument disparue. Soit précisément le glissement opéré par le scénario... et l'essence même du grand cinéma d'aventure.

 

 

S'il ne fallait en garder qu'une

Le morceau le plus célèbre et sans conteste le plus emblématique reste toutefois celui qui accompagne la cristallisation de la pseudo-princesse (encore une fois, un poncif Disney bien malmené), séquence qui faisait aussi office de démonstration des techniques utilisées pour le film. Et pour cause : The Crystal Chamber est un sacré accomplissement, composé de plusieurs phases parfois franchement audacieuses, comme l'air très orchestral qui laisse place à de brefs chants enfantins. Avec, bien entendu, au coeur de la piste, ce grand thème qui emplit la caverne en question, mémorable.

Qu'importe qu'on souhaite prolonger les thématiques – peu subtiles et potentiellement critiquables, il faut le reconnaître – du film, ce grand moment de musique, parmi d'autres, suffit à charmer nos oreilles. Il fonctionne d'ailleurs en diptyque avec The Secret Swim, sorte de contrepied mythologique à The Journey, justement. Dans les deux cas, l'émotion dégagée par les thèmes, qui ne se risquent d'ailleurs par miracle pas à singer directement des traditions musicales de peuples colonisés (enfin pas à notre connaissance), va de pair avec la relative complexité de leur mise en valeur. Ou la preuve que James Newton Howard est digne des plus prestigieux honneurs hollywoodiens.

 

 

Il en reste quoi ?

Forcément, la bande originale d'Atlantide a pâti de la réception du film, qui, loin d'être un bide aussi monumental que La Planète au trésor, n'a pas exactement provoqué une ruée dans les salles de cinéma. Le film a engrangé 186 millions de dollars pour 120 millions de budget. Et s'il est aujourd'hui un vrai succès d'estime, la presse n'avait pas été complètement charmée à l'époque. Voilà qui a peut-être un poil bridé l'influence de cette partition.

Pourtant, c'est un beau sommet dans une carrière qui n'en a pas manqué par la suite. Après Atlantide, Dinosaure ou encore Incassable, le compositeur a signé les mélodies tendues de Signes et Le Village, a contrebalancé les sonorités agressives de Hans Zimmer par une mélancolie héroïque dans Batman Begins et The Dark Knight et a brillamment remplacé un Howard Shore post-Seigneur des Anneaux – si, si, c'est possible – sur King Kong. À cette occasion, il a confirmé que sa contribution au cinéma d'aventure contemporain a marqué les années 2000, 2010... et 2020 ? Paradoxalement, il y arrivera peut-être mieux en quittant l'écurie Disney...

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Prisonnier
21/03/2023 à 08:23

Quand ce film est sorti, il a été décrié parce qu'il s'inspirait d'univers déjà existants (Ghibli, Stargate, Indiana Jones...).
Sans nier tout cela, je trouve toujours a ce film un charme, un souffle épique, une aventure extraordinaire, peut être le film le plus jules vernien.
Bref un de mes animés préférés, une bo démente effectivement. Des designs fabuleux, des couleurs chatoyantes et un très bon humour.
Et Ohhh des personnages féminins forts et bien caractérisés. Comme quoi, ça existait déjà avant la vague Metoo ou autre.

Donc ouais, entre celui ci et la planète aux trésors, deux masterpiece.

Je rajouterais peut être mon coup de coeur Titan AE. Pas Disney, mais une claque quand même et une bande originale d'enfer.

Nyl 2
20/03/2023 à 23:53

C'était un plaisir de revoir le film, samedi. Surtout pour ses musiques allant bien avec l'univers et iconiques, à mes yeux. ( merci encore de déterrer ces vraies pépites méconnus).
Un film malheureusement bien sous estimé et qui n'a rien à envier, au plus grand Disney.